Les chefs traditionnels sont attaché à un code vestimentaire singulier.

Publié le 14 décembre, 2020

Le département de Gagnoa comprend 165 villages. Les chefs de ces villages sont réunis au sein d’un conseil que préside Joseph Gadji. A l’intérieur de ce conseil, on retrouve différentes catégories de chefs. De façon hiérarchique, l’on trouve le chef de village, le chef de tribu, le chef de canton, puis le chef de province, qui coiffe ce contingent de gardiens de la tradition. Mais chacun à son costume traditionnels!

Les chefs quelle que soit la catégorie à laquelle ils appartiennent, ont en commun une tenue qui se compose d’un chapeau melon, un gros pagne cousu en chemise, culotte et le reste du tissu servant à se couvrir le corps.

Dans les pieds, une paire de sandales. « Comme vous pouvez le constater, nous avons la même tenue que les chefs des peuples lagunaires », fait remarquer Ziké Samuel, chef de village de Onahio, dans la sous-préfecture de Guiberoua.

A l’origine, dira le chef du canton Dakua, ses parents et grands-parents chefs s’habillaient dans la pure tradition locale, avec des tenues faites à base d’ingrédients tirés de la nature. « Autrefois, le chef portait des vêtements en écorces de bois qu’on appelle le « Tapa ». Il avait aussi la possibilité de s’habiller en raphia. Aujourd’hui, on ne trouve plus le Tapa, ni le raphia, encore moins les artisans qui tissaient ces tenues des chefs», regrette la tête couronnée.

Avec la disparition de la forêt ivoirienne, il était désormais difficile d’obtenir les écorces et le raphia. Comment faire désormais pour habiller les chefs ? Les autorités traditionnelles ont donc migré vers la tenue des Sudistes. 

         Métissage culturel

« On a pris alors le pagne Kita, plus la couronne et les ornements qui accompagnent ce type d’habillement des habitants du bord des lagunes », souligne le chef Ziké. C’est ainsi que s’habillaient les chefs de Gagnoa, jusqu’à ce que l’un de leur fils, le président Laurent Gbagbo accède à la magistrature suprême en Côte d’Ivoire. A partir de cet instant, les lignes vont bouger. « En son temps, le président Gbagbo a estimé que le Kita que nous portions venait du peuple Akan. En lieu et place, on a adopté le pagne ordinaire », a expliqué le chef, l’origine de l’habillement actuel de ses collègues et lui. Mais avant, cela a fait l’objet d’un atelier présidé par le corps préfectoral. « L’atelier a abouti à la mise en place d’une charte des chefs de villages du département de Gagnoa », ajoute le gardien des us et coutumes.

 La charte en question, a été adoptée par l’ensemble des chefs le 25 novembre 2017, avec 48 articles sur les missions et attributions du chef de village. Dans le chapitre « signe distinctifs » du chef, il est clairement indiqué. La tenue de l’autorité villageoise désormais en vigueur, dans les funérailles, les cérémonies officielles ou privées, les chefs traditionnels sont superbement habillés dans leur tenu d’apparat. Partout où il prend la parole au nom des chefs de Gagnoa, Joseph Gadji abhorre fièrement sa tenue. Mais à regarder de plus près, on constate une différence selon qu’on est chef de tribu, de canton ou de province. « Cette différence réside dans l’objet que tient en main le chef. Le chef de tribu tient dans ses mains un balai. Le chef de canton dispose d’un chasse-mouche, tandis que le chef de province prend un bâton de commandement », détaille Boniface Gbagbiri.

     Symbolique du balai

 Il appartient à la chefferie du village de Bogregnoa, dans la sous-préfecture de Gagnoa. Le chef décédé, les pourparlers sont très avancées, apprend on, sur place, pour investir Gbagbiri en qualité de chef de village. Le doyen d’âge ajoute que la cerise sur le gâteau dans la tenue du chef, c’est la serviette au cou. « C’est le président Gbagbo qui a vulgarisé le port de la serviette au cou. Quand tu as une serviette au cou, c’est beau à voir », déclare, mine réjouie, l’instituteur à la retraite.

Il explique le changement intervenu dans la tenue vestimentaire des chefs par la mutation de la société. « La société est dynamique. Les choses ayant évolué, il fallait s’adapter aux réalités nouvelles. Aujourd’hui, le chef ne peut plus porter un cache-sexe comme à l’époque », rappelle l’intervenant avant de révéler la symbolique des objets que les chefs ont dans la main. « Le balai sert à chasser les mauvais esprits, qui pourraient contrarier le chef dans sa mission », dévoile Boniface. Il pense que le balai, le chasse-mouche ou encore le bâton de commandement, sont chacun, l’incarnation du pouvoir de celui qui le porte. « Dans la tradition Bété, le balai, c’est pour dégager la voie du chef », atteste Ziké Samuel. « Ces différents éléments distinctifs du chef, sont des grades que nous avons instaurés entre nous. Vous remarquerez que le chef de village n’a rien en main. Pour porter quelque chose dans la main, il faut être chef de tribu, de canton ou de province », précise le chef de canton Dakua.

Alain Doua

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