Vera Songwé a été la première femme a occuper le poste de secrétaire exécutive de la Commission économique de l'ONU pour l'Afrique.

Publié le 26 mai, 2020

Dans une interview sur France 24, la secrétaire exécutive de la Commission économique de l’ONU pour l’Afrique a exposé les conséquences économiques de la crise sanitaire du coronavirus sur les économies africaines. VoixVoie de Femme vous propose cet entretien.    

Quelles sont les conséquences de cette pandémie sur les économies africaines ?

Deux choses : Premièrement, je crois que nous avons vu, comme partout dans le monde, une baisse de la croissance. Pour la communauté économique pour l’Afrique, nous estimons que la croissance va baisser. On était à 3,2% de croissance. Nous passons probablement à 1% de croissance, encore plus bas. Tous les jours nous voyons que le Fonds monétaire international revoir à la baisse ses prévisions.

Deuxième chose, c’est le chômage qu’on voit un peu partout. Aux Etats-Unis, il y a presque 28 millions de personnes tombées dans le chômage.   Sur le continent, nous sommes un peu de près de 20 millions de personnes. Mais souvenons-nous aussi que sur le continent, il y a beaucoup d’emplois informels. Nous ne pouvons pas quantifier cette partie de l’emploi informel. Finalement, c’est la pauvreté. Nous pensons qu’il y aurait à peu près 40% de plus de personnes qui tomberont dans la pauvreté. Particulièrement du secteur informel où il y a une vulnérabilité beaucoup plus aigüe.

Pour atténuer ces graves conséquences vous avez plaidé notamment pour une suspension de la dette. Pouvez-vous expliquer pourquoi cela est essentiel selon vous ?

C’était essentiel parce qu’étant donné que l’impact économique de cette pandémie et de la récession économique était arrivé assez vite. Ii fallait d’abord lutter contre le problème sanitaire. On a vu beaucoup de pays qui ont fait des confinements. On a vu des gens qui tombent dans le manque de liquidité. Donc il fallait que l’Etat donne un peu plus d’aide aux chômeurs et ceux qui avaient perdu de l’emploi. Il y avait un besoin immédiat accentué. Une suspension de la dette pouvait permette aux Etats de prendre cet argent prévu pour rembourser la dette, pour faire face à l’achat de matériels pour répondre au problème sanitaire et puis donner un peu plus de liquidité aux populations vulnérables afin qu’elles puissent survivre.

Nous avons fait une étude qui montre qu’à peu près un mois de confinement coûte au continent 69 milliards de dollars. Et ça, c’est le manque d’emploi, le manque d’accès aux médicaments… Donc l’essentiel de cette suspension de la dette c’était d’avoir certaines sommes de liquidité qui pouvaient permettre de faire face à la crise.

Que répondez-vous à ceux qui estiment que c’est une fausse bonne idée et que cela n’apporte pas de réponse structurelle et risque de ternir l’image de l’Afrique ?

 Nous ne sommes pas ici en train d’apporter une réponse structurelle, parce que ce que nous avons n’est pas un problème structurel de la dette. C’est une question de crise liée à une pandémie mondiale qui vient d’attaquer l’Afrique comme tous les autres pays. Cette question de suspension du service de la dette, c’est juste pour donner une liquidité immédiate à ces pays pour qu’ils puissent répondre à ces besoins urgents de la population, pour pouvoir ne pas devoir faire le choix entre la vie des populations africaines et la croissance de nos économies.

Après le coronavirus, quelles doivent être les priorités pour restructurer les économies africaines ?

Je crois qu’il y a trois choses. La première, c’est de dire que beaucoup d’économies africaines avant cette crise étaient en train de croître d’une façon assez satisfaisante. Pour ces économies-là, qui doivent continuer avec les politiques qu’elles menaient déjà. Notamment d’austérité mais qui en même temps augmentaient la provision d’infrastructures aux populations. Il y avait pas mal d’économies africaines qui s’en sortaient.

« L’accès à l’économie numérique »

Mais deux choses qui en sortent de cette crise, c’est d’abord l’importance de l’économie numérique. Il va falloir augmenter l’accès à l’économie numérique pour toutes les populations africaines, rurales comme urbaines. Nous voyons que dans tous les pays où il y a eu une reprise aigue, c’est parce qu’il y avait une économie numérique qui pouvait supporter certains emplois.

La deuxième chose, c’est que la question de la pauvreté et les Trans-vulnérables. En Afrique aujourd’hui, nous avons un secteur informel assez important. Il va falloir voir comment, en utilisant l’économie numérique, comment est-ce que nous pouvons nous assurer que ce secteur informel, rentre dans la formalité. Et puis, je pense que, comment nous l’avons vu partout dans le monde, la faiblesse de nos systèmes sanitaires. En Afrique encore plus faible. Nous devons construire autour de nos systèmes sanitaires, des institutions beaucoup plus robustes. 

Sur l’éducation, il fa falloir qu’on repense un peu comment donner l’éducation. Cette crise pose aussi une question d’inégalité. Ceux qui ont un peu plus de moyens avec l’accès au numérique peuvent continuer à étudier. Mais d’autres ne pourront pas. Je pense à une Afrique à deux vitesses. Avec des étudiants qui continuent à aller à l’école et d’autres qui ne le peuvent pas. Il va falloir que nous revoyions ça.

« Nous devons augmenter notre production »

Et finalement, je crois que les dirigeants africains avaient déjà lancé les échanges de libres échanges entre les économies africaines. Nous devons augmenter d’avantage le commerces intra africains. Dans cette crise, nous avons vu 54 pays africains fermer leurs frontières aux médicaments et à la nourriture. Ce qui a résulté forcément à l’augmentation des prix des denrées alimentaires.

Pouvons-nous peut-être augmenter notre production sur le continent, surtout des denrées alimentaires pour pouvoir faire notre autosuffisance alimentaire d’au moins de 60 à 75 % sur le continent.

Retranscrit sur France 24 par la Rédaction

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