Albert Gueu est cadre de la Sotra depuis plusieurs décennies.

Publié le 27 décembre, 2020

La Société des transports d’Abidjan (Sotra) désert toute la ville d’Abidjan. Malgré le renforcement régulier de son parc automobile depuis ses dernières années, cette compagnie de transport public peine à satisfaire des populations toujours exigeantes. Dans cette interview qu’il a accordé à notre rédaction le mardi 15 décembre 2020, le directeur du département Exploitation commerciale de la Sotra, Albert Gueu, explique les efforts de la direction pour assurer le transport de ses compatriotes.

La Société des transports d’Abidjan à 60 ans. Pensez-vous qu’elle a effectivement rempli sa mission de service publique ?

C’est une société que l’Etat de Côte d’Ivoire a créé depuis le 16 décembre 1960 pour permettre à la population abidjanaise de pouvoir se déplacer facilement. En un mot, la Sotra est un levier de politique sociale de l’Etat de Côte d’Ivoire. Il s’efforce de remplir sa mission.

« La Sotra : un levier de la politique sociale de l’Etat »

Mais il se trouvent que toutes les sensibilités n’ont pas accès à ces bus, notamment les personnes en situation de handicap.

Le directeur général de la Sotra et tout son comité de direction tiennent compte de toutes les sensibilités étant donné que nous vivons avec des personnes à mobilité réduite. Nous faisons en sorte que leur besoin soit pris en compte. C’est pour cela que vous avez remarqué dans nos véhicules nous prévoyons des places pour ces personnes à mobilité réduites. Nous en tenons compte, lors de la commande de nos véhicules.

Pourtant ce n’est pas toujours le cas. Nous voyons que ces places réservées aux personnes handicapées sont occupées par des personnes plutôt valides….

Malheureusement le problème qui se pose aujourd’hui est un problème de civisme de la population. Nos populations en Afrique sont différentes de l’Europe. Les valeurs africaines ne sont pas les même que celles des Européens. Chez nous, c’est le respect de l’ainé. Chez eux c’est la liberté. Mais malheureusement nous sommes en train de migrer vers ces choses que nous ne maitrisons pas. De sortes que dans un véhicule, vous pouvez voir une femme enceinte ou une personne en situations de handicap ou une personnes âgée arrêtées. Personnes ne veut leur céder la place.

« Il y a un problème d’incivisme »

La Sotra n’a-t-elle pas un moyen pour faire respecter ces valeurs ?

Nous avons un seul conducteur. Un conducteur qui n’est pas à l’arrière du véhicule. Avant nous avions un receveur en plus du conducteur, mais maintenant les choses ont évolué. Nous sommes passés à un seul agent par véhicule.

Pourquoi avez-vous abandonné ce système de deux agents par véhicule ?

Certes, si on avait un receveur comme dans le passé, il pouvait faire pression sur ceux qui refusent de céder la place aux personnes qui y ont droit prioritairement. Mais il faut souligner que les gens ne sont pas disciplinés. Les personnes âgées, les femmes enceintes ou les personnes en situations de handicap ne devraient jamais se tenir débout dans les bus comme on le voit. Il faut que nos jeunes comprennent qu’il faut respecter ces personnes vulnérables dans les bus. Parce que ce sont des situations qui peuvent arriver à tout le monde.

« Nous allons nous installer à Bouaké »

Ces dysfonctionnements ne sont-elles pas liées à l’insuffisance de bus ?   

Aujourd’hui, je ne crois que ce soit cela. En 2010 la Sotra était à 90 véhicules sur toute la ville d’Abidjan.  Actuellement la Sotra à un parc automobile de 2000 véhicules, dont 1500 sont déjà sur le terrain. Et chaque jour nous sortons en moyenne 1000 véhicules. Nous avons créé de nouvelles lignes. Ces lignes vont d’un bout à un autre de la ville d’Abidjan, d’Abobo à la Zone industrielle, Abobo à Port Bouet, Cocody Treichville). Nous avons créé tout ce qui peut permettre à tout le monde de se déplacer. Le président de la République nous a permi d’avoir assez de véhicule pour cela. En 4 ans, il nous a acheté deux mille véhicules. Aujourd’hui nous sommes dans les banlieues. Nous sommes à Ebimpé, Bingerville. Nous sommes installés à Grand-Bassam. Et nous allons même à Bouaké.

Mais pourquoi malgré ces milliers de bus, on assiste toujours à des bus surchargés ?

Ce n’est pas une question d’insuffisance de bus. C’est la congestion du trafic. Très souvent, les voiries ne sont pas dégagées. Il y a l’incivisme des usagers de la route qui cause les nombreux bouchons. Si les embouteillages n’étaient pas réguliers au point de contact des carrefours et des marchés, la Sotra pouvait transporter tout le monde.

Vraiment ?

Lorsqu’on met en ligne un véhicule qui doit faire en principe un parcours de 45 min et qu’il y a une congestion, ces 45 minutes ne seront pas respectées. La conséquence c’est que le nombre de personnes dans les arrêts de bus augmente. Heureusement que les échangeurs en cours viendront réduire ces congestions. Mais il va falloir ajouter à ces infrastructures une discipline rigoureuse des conducteurs. Il faut que les usagers respectent les codes de la route et vous verrez que le problème d’embouteillages sera résolu.

Dans certains pays comme le Rwanda, il y a des bus prévus exclusivement pour les personnes handicapées. Ce schéma est-il envisageable en Côte d’Ivoire ?

La Sotra essaie d’améliorer son offre. Elle veut prendre en compte les besoins de toute la population. Mais vous savez que nous ne sommes pas une société privée. Nous voulons participer à cette société inclusive ou tout le monde quelle que soit sa sensibilité se retrouve avec les autres. C’est pourquoi dans nos véhicules, nous avons réservé des places pour les femmes enceintes et handicapés. Nous ne voulons pas donner le sentiment que nous séparons les populations. L’idée de la Sotra est de donner l’espoir à la personne handicapée.

Mais il se trouve qu’ils n’arrivent pas à occuper les places que vous leur réservez dans vos bus….

Comme je l’ai dit, c’est une question de civisme. Il faut que les populations respectent ces personnes à mobilité réduite. Ils doivent évacuer leurs places quand elles sont dans le bus. Et ces personnes n’aimeront pas qu’on les traite de façon particulière.

Ténin Bè Ousmane

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