Il faut une sensibilisation accrue pour améliorer les conditions d'accueil dans les hôpitaux.

Publié le 9 novembre, 2020

Lorsqu’ils se retrouvent en face de cas de complications qu’ils ne peuvent pas prendre en charge, les médecins sont amenés à évacuer le patient vers un autre centre de santé plus équipé. Selon le Directeur du Service d’aide médicale urgente (SAMU) Jacques Sissoko, « on parle de transfert du patient lorsque le déplacement se fait à l’intérieur d’une même ville et d’évacuation lorsque le malade doit être amené dans une autre ville ou un autre pays. Dans tous les cas, il faut obligatoirement « un billet d’évacuation ».

Yvette B, la vingtaine révolue, vient d’accoucher d’un garçon. Cette nouvelle maman sort fraichement d’une mauvaise expérience médicale.  Tout commence lorsqu’après sa visite prénatale dans un hôpital de proximité, le médecin l’oriente vers un autre centre de santé plus équipé en cas d’opération. Le CHU de Cocody.

« Ma sœur a eu la vigilance de demander le nom du médecin qui la reçoit au CHU de Cocody. C’est ainsi que le médecin lui a demandé d’aller faire une consultation, avant de la confier à un médecin », raconte la mère de la jeune dame. Elle a requis l’anonymat.

Et une fois sur place, le médecin qui l’a reçoit exige une échographie. Une opération au terme de laquelle, il ne constate pas de problème. Il lui donne des médicaments pour que son col puisse s’ouvrir. La parturiente retourne à la maison, et commence à avoir mal les jours d’après. Mais, le médecin est absent.

 « Une autre équipe la reprend. Elle dit qu’elle n’est pas enregistrée. Du coup elle reprend l’échographie, et on l’a confié à une autre équipe qui signale une fausse alerte, et signifier que si au bout de deux semaines, il n’y a rien, elle sera césarisée. Le dimanche d’après, elle commence à perdre les eaux. On arrive au CHU de Cocody vers 10 heures. Jusqu’à 19 heures, 20 heures, elle est toujours à 1 doigt. Personne ne prend la décision de lui faire une césarienne. Pendant ce temps, ils lui font des injections et les contractions s’accélèrent mais le col ne s’ouvre pas », révèle la mère qui poursuit :

« Elle est tellement fatiguée qu’elle demande à ce qu’on l’opère. Quand elle prononce ce mot, ils viennent dire qu’elle a demandé à être opérée, mais le bloc opératoire n’est plus disponible. Il nous demande de l’envoyer à HMA ou la césarienne est facturée à 250 000FCFA ou au CHU d’Angré. Personne ne donne un papier d’évacuation ».

Supplice

Lorsque la fille se met à vomir, et que la panique s’installe, les ambulanciers commencent un marchandage. « Mesdames, on peut vous conduire à l’hôpital d’Abobo si vous n’avez pas les moyens. Vous paierai 150 000 FCFA, mais mettez au moins du carburant dans le véhicule. Parlez vite on va partir », disent-ils.

Indignée, la mère d’Yvette appelle un médecin spécialiste lui conseille l’hôpital d’Angré, où la césarienne est facturée à 200 000 FCFA.  Mais avant, il contact l’équipe de garde et exige un papier d’évacuation sur Angré. Ce qui est fait immédiatement.

« Quand on sort, il n’y a plus d’ambulance. C’est comme ça que le fiancé a utilisé son véhicule pour le transfert », s’en souvient la nouvelle grande mère. Plus tard, elle apprendra que le bloc était libre, mais qu’il n’y avait pas de linge propre.

Au CHU d’Angré, où elle accouche autours de 22 heures, tout se passe bien. Yvette est prise en charge comme il faut. C’est à la sortie qu’on lui présente sa facture.

Yvette en ressort saine et sauve, mais dans bien de cas, ces dysfonctionnement médicaux continuent d’endeuiller de nombreuses familles ou laissent parfois des stigmates.

Quelle procédure de transfert ou évacuation médicale ?

Pourtant, les médecins sont unanimes. Tout transfert ou évacuation d’un patient ne peut se faire sans ce document précieux. « Il doit mentionner le motif, l’heure de décision et de départ, et enfin le centre de référence », précise la spécialiste en surveillance d’unité de soins et  Sage-femme Tatiana Tanoh.

Dans la même veine, Jacques Sissoko, Directeur du SAMU de Cocody, une structure qui réalise au moins 80% des transferts ou évacuation dudit centre explique. « Lorsque le CHU nous contact, nous exigeons un rapport médical qui donne les critères du malade. Ainsi nous savons comment le prendre en charge. Nous demandons le point de chute. Il faut par exemple que Bouaké  confirme que le malade est attendu dans tel service et nous demandons le nom du chef de service. On confirme ces renseignements auprès de lui. Nous faisons partir une ambulance dans la ville qui demande l’évacuation, si le SAMU n’y est pas déjà, ou l’équipe sur place  va vers le malade. On  fait le point et décide de la manière dont nous allons le faire voyager. On prévient l’heure à laquelle le malade arrive », fait-il savoir, car s’en plaint-il, « Il est déjà arrivé que les équipes arrivent et restent dans la cour pendant des heures à chercher de la place. Imaginez deux heures pour un malade sous respirateur ! ».  Mais, il tient à préciser : « Nous nous retrouvons rarement sans billet d’évacuation. Je n’écarte pas la possibilité que des fautes se présentent ».

Pour lui, il faut une sensibilisation accrue des agents de santé et même de la population qui laisse souvent les factures impayées. « La sensibilisation pourrait améliorer les choses », pense-t-il.

Quels coûts ?

Au CHU de Cocody, comme dans d’autres centres sanitaires, les transferts ou évacuations ont un coût. Lorsqu’il s’agit de l’ambulance de l’hôpital, il faut régler la facture à la caisse. Au SAMU, il faut régler après l’intervention. « Le transfert c’est 25 000 FCFA à Abidjan. D’une ville à l’autre la location de l’ambulance est fixée en rapport avec la distance. A parti de 100 Km. Nos factures comprennent par ailleurs les frais de dossier fixés en fonction du lieu du transfert, et la facture médecin accompagnant », conclut-t-il.

Marina Kouakou

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