Selon un rapport de la BM, la Côte d'Ivoire occupe la 62e place sur 190 pays en matière d'égalité entre homme et femme.

Publié le 15 juin, 2020

L’égalité dans les couples, la reconnaissance des enfants nés hors mariage, sont autant de dispositions qui suscitent beaucoup de débat… dans les ménages. Retour sur ces textes qui révolutionnent la société ivoirienne.

Le couple de D. Esther a connu de vives turbulences. Mme Esther, l’épouse, femme d’affaire, et mère de deux enfants se sentait souvent frustrée du fait qu’elle n’était pas associée aux prises de décisions de son foyer. « Puisqu’on dit que c’est l’homme le chef, le mien ne me consultait pas avant de prendre des décisions. Il décidait tout seul du choix des écoles, du bien-être de nos enfants… cela m’agaçait.   On a failli se séparer. Mais finalement on a pu échanger et se comprendre », se souvient-elle.

Aujourd’hui, plus de 10 ans après, Mme Ester se félicite de l’évolution de la législation en Côte d’Ivoire dans le domaine de l’égalité entre l’homme et la femme. Des efforts qui ont été reconnu dans le dernier rapport de la Banque mondiale, rendu public le 14 janvier 2020. Ce document qui s’est penchée sur la manière dont les lois affectent les femmes aux différentes étapes de leur vie professionnelle, classe la Côte d’Ivoire à la 62 ème place, sur les 190 économies.

Les progrès significatifs

Tout a commencé depuis 2012 où, le 21 novembre, le Parlement ivoirien a voté ces nouveaux textes de lois portant sur la modification du Code de la famille. Ces modifications ont ouvert la route à la mise « en adéquation du droit ivoirien et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes des Nations-unies, ratifié par le pays en 1995 ». On ne devait plus parler de chef de famille. Et le ménage était conjointement géré…

Plusieurs autres textes ont suivi. Arrêtons-nous sur celui du mariage adopté fin mars 2019. Il vise à renforcer les écrits en faveur de la famille, de la filiation, des minorités et de la succession, après les deux premières réformes d’août 1983 et janvier 2013. L’objectif pour le chef :  améliorer et équilibrer les rapports des conjoints.

• Exit le mariage pour les homosexuels

Le premier article du projet souligne : « Le mariage est l’union d’un homme et d’une femme célébrée par devant l’officier de l’état civil ». Cet article avait été rayé dans le texte de 2013, soulevant un vent d’indignation de milieux religieux, qui avaient dénoncé une loi en faveur du mariage entre homosexuels.

• Mariage à 18 ans pour les femmes

Le deuxième article indique que « l’homme et la femme avant dix-huit ans révolus ne peuvent contracter un mariage ». Le texte en vigueur fixe l’âge du mariage à 20 ans révolus pour l’homme et à 18 ans révolus pour la femme.

Dissolution du mariage ?

C’est l’une des innovations majeures : l’incapacité physique de consommer le mariage ou l’impossibilité de procréer de l’un des deux époux, est désormais motif de nullité du mariage. En effet, l’article 4 mentionne que « le consentement (au mariage) n’est pas non plus valable si celui qui l’a donné ignorait l’incapacité physique de consommer le mariage ou l’impossibilité de procréer de l’autre époux, connu par ce dernier avant le mariage ». Si cette disposition vient régler une insuffisance dans une société où la stérilité est un sujet tabou, elle risque d’être l’un des points polémiques du texte. En effet, le projet de loi n’indique pas par quel mécanisme les époux doivent prouver, avant leur mariage, leur capacité à procréer ou à consommer le mariage.

Les biens du couple

« Les biens communs, autres que les gains et revenus des époux, sont administrés par l’un ou l’autre des époux », précise l’article 82 du nouveau texte. L’article en vigueur sur le même sujet est une source de discrimination dénoncée par les mouvements féministes. Celui-ci formule ainsi que les « le mari administre seul tous les actes d’administration ou de disposition sur les biens communs ».

Patronyme de l’enfant

En mars dernier, d’autres textes sont passés au Sénat et ont été adoptés par les députés. Il s’agit de textes relatifs au patronyme de l’Enfants.  « Toute personne doit avoir un nom et/ou plusieurs prénoms. Le nom s’acquiert par la filiation ou par la décision de l’autorité administrative ou judiciaire. Le nom est immuable, imprescriptible et inaliénable, sauf les cas prévus par la loi. L’enfant né dans le mariage porte le nom de son père. Il est ajouté le nom de la mère si celle-ci le demande. Si l’enfant ne porte que le nom de son père, il peut demander qu’il y soit ajouté le nom de sa mère. En cas de désaveu, l’enfant ne porte que le nom de sa mère », stipule l’article 1 et 2.

Et de préciser en son article 3 et 4. « L’enfant né hors mariage porte le nom de ses parents à l’égard duquel sa filiation est établie (…). Aussi, les enfants nés dans le mariage, des mêmes auteurs portent le même nom. Cependant, ceux nés hors mariage des mêmes auteurs portent le même nom, lorsque leurs filiations sont établies simultanément à l’égard des deux parents ».

Le 29 novembre dernier, le porte-parole du gouvernement, Sidi Touré avait expliqué que ces évolutions étaient rendues nécessaires « par l’évolution de la société ivoirienne ». « Ce projet de loi introduit des innovations importantes dans les règles législatives qui gouvernent la vie des personnes et de la famille. Il apporte une définition précise du domicile, qu’il distingue de la résidence, et fixe les conditions du changement du domicile. Aussi, il impose à toute personne physique une obligation de déclaration de domicile à la mairie ou la sous-préfecture où se situe le domicile choisi, dans les six mois de son installation ».

Ces lois dans leurs applications rencontrent souvient des difficultés. Du fait de leurs cultures spécifiques certaines communautés les acceptent difficilement. Pour le Sociologue Dr Vasséko Karamoko, cela est dû au fait que les populations n’ont pas été associées à ces prises de décisions. les gens s’adapteront avec le temps. « La loi est votée. Mais au-delà il y a des interactions, positions sociales, la reconnaissance en certaines valeurs que chacun ne veut pas perdre du fait que la loi n’a pas tenu compte du fonctionnement », fait remarquer le sociologue. Il invite les décideurs à animer des débats sectoriels afin d’évaluer les mentalités et de prendre en compte l’avis des populations.  « Il faut voir comment la mentalité peut évoluer. Il faut savoir si les acteurs sont susceptibles d’accepter ou de refuser s’ils sont encore attachés aux normes anciennes. Sont-ils d’accord pour l’amélioration de ces valeurs par rapport à d’autres variables ? Il faut tout expliquer d’abord.  Par exemple le nom de la mère sur l’extrait de naissance de l’enfant, c’est pourquoi ? qu’es ce que cela signifie ? », fait-il remarquer par exemple.

« Le pouvoir public devrait d’abord décentraliser la question. Au niveau sectoriel et régional chacun devra contribuer à l’écriture de ces lois pour voir si c’est conforme à nos principes ou pas. Nous avons nos sociétés il faut les assumer », plaide le sociologue.

Marina Kouakou

1 Commentaire

  • par Mariam SIDIBE
    Publié juin 15, 2020 8:53 am 0Likes

    Bon dossier, Oui il faut organiser des débats pour connaitre le sentiments des femmes et des hommes mêmes des enfants sur ces lois nouvelle qui bouleversent les principes coutumiers de notre société. Merci pour ce dossier. Bravo.

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