Les parents d'élèves se plaignent de plus en plus des frais annexes dans les écoles ivoiriennes.

Publié le 20 octobre, 2020

Pour lutter contre la vente désordonnée des fascicules au sein des lycées et collèges, la ministre de l’Éducation nationale, de l’enseignement technique et de la formation professionnelle, Kandia Camara a mis des garde-fous. En 2019, lors de la traditionnelle réunion de rentrée à Grand-Bassam, elle était formelle. La vente des fascicules et autres documents non autorisés n’était plus acceptables. Qu’en est-il réellement sur le terrain.

Les faits se déroulent dans le courant de l’année académique 2019-2020. Inscrite dans un établissement public à Abobo-Avocatier, en classe de 3ème, Esther se trouve, tout le temps, confronter à l’achat de fascicules. Conçus par les professeurs de cet établissement, ces documents pratiquement imposés et non certifiés par le ministère de tutelle sont vendus de manière illégale. «  Lorsqu’un parent essaye de se plaindre des multiples achats de documents, son enfant devient la cible de l’administration en complicité avec les professeurs. Il devient l’ennemie de tous », témoigne Audrey A, soeur aînée d’Esther.

« Après les frais d’inscription qui ont coûté 14 100FCFA, poursuit la parente d’élève, nous avons été contraints d’acheter les fascicules à 10 000FCFA. Les professeurs utilisent uniquement leurs documents pourtant ces livres ne sont pas bien fourni en exercice. On a dû acheter à nouveau les livres au programme pour lui permettre de mieux s’exercer ».

Malheureusement, Esther n’a pas pu valider son année. Elle est renvoyée de cet établissement scolaire. Elle est réinscrite dans un collège privé, de la même commune. Là-bas, c’est le même scénario. Après s’être acquitté de la scolarité qui a coûté 90.000FCFA, elle a dû acheter un fascicule à 1500 FCFA. « C’est à la demande d’un enseignant que nous avons l’acheté et aussi pour éviter qu’elle soit prise pour cible. La preuve, il donne le plus souvent des exercices provenant de ce document, qu’il corrige et donne une note ». L’enseignant est sans état d’âme. Il n’hésite pas à coller un zéro à tous les élèves qui n’ont pas ce fascicule pour les inciter à l’achat immédiat.

L’achat immédiat des fascicules est l’objectif majeur des professeurs. Les stratégies pour obliger à l’achat diffèrent d’un établissement à l’autre. Dans un collège semi-privé d’Adjamé-Renauld, il faut débourser 7 000 FCFA pour les fascicules non autorisés, 10. 000 FCFA pour le suivi à distance de l’enfant (sms, appels), 6000 FCFA pour les rames de papiers et les stylos marqueurs, en plus de la scolarité. L’obligation de l’achat est établie pour les classes de 6ème et 5ème. « A partir de la classe de 4ème il y a moins de pression », témoigne Anne B, élève dudit collège. Et d’ajouter : « Les fascicules que proposent les enseignants sont parfois des photocopies des cahiers d’habileté, et quelques exercices qu’ils ajoutent. Ils utilisent les rames de papiers qu’ils nous font acheter pour ça. Au cours de l’année scolaire, ils n’utilisent que les livres au programme », détaille-t-elle.

Le phénomène est dénoncé par les parents d’élèves. « Cette pratique est indécente et elle gangrène le milieu scolaire au niveau des parents qui y laissent des plumes. Elle crée une injustice entre les enfants qui n’ont  pas les moyens de les acquérir, s’oppose à  l’utilisation des ouvrages scolaires imposés  par l’état. Fait une concurrence déloyale aux vraies libraires professionnelles», dénonce le président de l’Organisation des parents d’élèves et étudiants de Côte d’Ivoire, Kadio Aka Claude.

Il projette une réunion de son bureau national pour trancher la question des fascicules, de même que les frais d’inscription et de réinscription, les jours à venir.

« Je souhaite que la Ministre soit ferme. Que les parents refusent d’acheter ces documents. Cependant si on estime que c’est nécessaire pour les élèves, qu’on réglemente et que le coût soit abordable pour tous », a-t-il souhaité.

Approchés pour en savoir davantage sur la vente des documents illégaux, les enseignants se défendent.  « Dans une classe, il peut avoir plusieurs documents pour la même discipline. Les autres peuvent servir de recherche ou d’exercice. L’enseignant va choisir un seul document et cela lui servira de document de classe. Il y a plusieurs document c’est vrai. Généralement quand le fascicule est fait par le conseil d’enseignement on souhaite que les élèves le prennent. Dans ces documents tout y est. Le cours et les exercices. Nous ne privilégions pas les élèves qui achètent au détriment de ceux qui n’en ont pas. Nous faisons comprendre aux parents qu’il y a un véritable intérêt économique pour les parents et utile pour les élèves. Nous n’acceptons pas que les enseignants le fassent individuellement c’est pourquoi nous sensibilisons les collègues qui le font. C’est vrai qu’il y a des brebis galeuses. Il peut avoir des collègues qui le font mais nous combattons cela », se défend Ekoun Kouassi, responsable syndical d’enseignant.

Par ailleurs, il préconise : « Tous les collègues d’une même discipline doivent se réunir pour faire les fascicules de tous les niveaux. Notre travail est difficile, si on ne trouve pas des solutions on ne pourra pas terminer le programme ».

 Les fascicules autorisés doivent suivre une procédure normale. Il s’agit de les produire en conseil d’enseignement, les présenter à la direction de la pédagogie et de la formation continue pour que les inspecteurs généraux de la discipline puissent prendre connaissance du contenu, et le corriger si possible… avant validation.  Mais peu d’enseignants respectent cette consigne. Pourquoi ? « Parce qu’elle prend du temps », justifie Ekoun Kouassi. vivement l’application de mesures idoines pour réglementer cette montée d’anarchie qui perdure depuis des lustres, comme le souhaite Kadio Aka Claude.

Marina Kouakou

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