Publié le 6 mars, 2023

Diaby Sidik ingénieur environnement, agent en charge de la prévention des risques et préparation à la lutte de la compagnie d’Intervention contre les pollutions en milieu marin et lagunaire (Cipomar) du Centre ivoirien antipollution (Ciapol), explique les missions de l’équipe d’évaluation de la situation et d’intervention de cette compagnie en cas de pollution en mer. C’était au cours de l’exercice dénommé « Obangamé Express », qui s’est déroulé du 28 janvier au 3 février 2023, et qui consiste à préparer les acteurs du Ciapol à faire face à un cas de pollution des eaux. Une initiative de la coopération régionale et internationale. 

Qu’est-ce qu’une pollution maritime ?

Conformément à la Convention de Montego Bay de 1982, c’est le rejet, chronique, accidentel ou illicite, de substances naturelles ou artificielles dangereuses telles que les hydrocarbures, les déchets solides ou liquides et les substances nocives dans les eaux marines, ayant pour conséquences des effets néfastes sur l’environnement marin et l’économie bleu.

Quels sont les cas les plus courants de pollutions maritimes ? 

Les cas les plus courants sont ceux des pollutions marines d’origine tellurique (80 %). Il s’agit des rejets en mer de déchets (sachets plastiques) et produits dangereux d’origine terrestre provenant des activités industrielles et domestiques. Ensuite viennent les pollutions marines opérationnelles (14 %) qui résultent des rejets en mer de déchets produits à bord des navires comme des ordures, des eaux usées, des eaux de cales souillées, des eaux de ballast et l’eau de nettoyage des citernes ainsi que les gaz d’échappement des moteurs et les émissions de ventilation des citernes des navires. Les plus redoutées sont les pollutions marines accidentelles (4 %) qui arrivent en 3ᵉ position dont leur survenue se fait à la suite d’un incident ou d’un accident en mer occasionnant des rejets d’hydrocarbures et de produits chimiques ainsi que l’abandon des épaves dangereuses dans le milieu marin. Enfin, on peut parler des pollutions marines naturelles (2 %) résultant des rejets naturels dans les mers et les océans d’hydrocarbures fossiles provenant de certaines fissures des fonds marins.

Quel est le rôle du Ciapol en cas de déversement d’hydrocarbure en mer ?

Dans ce genre de cas, le Ciapol reçoit l’alerte signalant l’incident. Une fois l’alerte donnée, le Ciapol et ses différents partenaires organisent dans les plus brefs délais un survol aérien. Le survol aérien vise à faire l’évaluation de la situation et définir la stratégie de lutte. A la suite de cela, le Ciapol envoie une mission avec ses partenaires à bord d’un navire pour engager la lutte contre la pollution. Bien avant les interventions, la mission procédera au prélèvement des échantillons pour confirmer certaines caractéristiques du produit et à la collecte d’un certain nombre de données environnementales et météorologiques en vue d’une meilleure déclinaison de la stratégie de lutte. Donc, en fonction de toutes ces données collectées et traitées, nous engageons la lutte. Pour cet exercice, en fonction des données collectées et traitées, nous avons jugé bon d’opter pour la stratégie de lutte en mer ‘’Agir sur le polluant’’ par le confinement-récupération du produit déversé à partir du déploiement d’un barrage gonflable type mer et d’un récupérateur.

Ce barrage est-il adaptable à toutes situations de pollution maritime ?

Tout dépend des conditions météorologiques, de la quantité d’hydrocarbure déversée en mer, mais aussi du comportement du produit. Quand, il s’agit par exemple des hydrocarbures légers comme l’essence et bien d’autres, on peut si possible laisser évaporer naturellement la substance ou procéder à sa récupération à partir des feuilles ou boudins absorbants. Pour notre exercice, puisqu’il s’agissait d’hydrocarbure lourd, une réponse immédiate était nécessaire. Faute de quoi ce liquide aurait pris du volume en s’émulsifiant au bout de quelques heures et se propager vers les côtes. Ainsi, les efforts et la quantité de déchets à récupérer pourraient augmenter.

Une fois l’hydrocarbure récupéré, qu’en faites-vous ?

A ce niveau, il faudrait peut-être rappeler qu’on distingue deux grandes phases (amont et aval) de gestion des déchets. A la suite d’un déversement, on a toujours un temps d’évaluation de la situation et de prise de décision. La filière dite ‘’Amont’’ inclut les stockages et le transport, la filière dite ‘’Aval’’ comprend traitement et l’élimination.

Si vous étiez face à un cas de déchet, comment l’auriez-vous traité ?

Dans ce cas, il s’agit de la filière dite ‘’Aval’’ comprenant le traitement et l’élimination. A ce niveau, différents procédés de traitements s’offrent à nous, à savoir le traitement physico-chimique qui consiste soit à faire l’extraction du polluant par des solvants organiques ; soit par stabilisation des déchets pollués à la chaux vive. Le traitement biologique consiste en une bio restauration du substrat pollué soit sur place, soit sur site ou hors site. Enfin, le traitement thermique qui consiste à incinérer en centre collectif les déchets pollués.

Pour l’élimination, Les solutions de traitement thermique (incinération) ou biologique n’existant pas à grande échelle en Côte d’Ivoire, les déchets issus de la collecte des hydrocarbures déversés dans le milieu seront orientés en fonction de leur nature physique et de leur teneur en hydrocarbures vers l’une des deux voies d’élimination suivantes : la stabilisation via la société ITI (Installations de Thermique Industrielle) : cette approche, peu coûteuse, est utilisée pour le traitement des déchets liquides (après décantation), solides ou pâteux (de teneur inférieure à 15 % en hydrocarbures). Le recyclage en raffinerie (à la SIR) : cette option est viable pour des hydrocarbures faiblement contaminés et/ou dégradés et sera à privilégier, en cas de pollution accidentelle. Hormis ces solutions, en cas de pollution majeure, on pourra recourir à l’implantation d’un processus dédié et créé in situ ou étudier la possibilité d’exportation de ces déchets considérés comme dangereux au sens réglementaire du terme.

Combien de temps mettez-vous pour réagir face à une telle situation

En cas de pollution, il est nécessaire de déployer très rapidement ces moyens de lutte. Dans notre exercice, l’accident a eu lieu ce matin. Aussitôt alerté, nous avons dégagé tous les moyens afin d’intervenir dans les plus brefs délais. Le Ciapol agit avec promptitude et efficacité.

Êtes-vous le plus souvent confronté à ce genre de pollution ?

Nous ne sommes pas très souvent confrontés à ce type de pollution. Mais, il faut être prêt. Parce qu’une pollution accidentelle ne signale pas. Donc, on se doit d’être toujours prêt. Nous avons un numéro d’urgence qui est toujours ouvert à cet effet afin d’assurer la veille environnementale.

Grace Djazé

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