Je me nomme Bene Affia Juslaine, célibataire sans enfant. Actuellement Je suis danseuse professionnelle de la danse traditionnelle « Kété ». Je suis titulaire d’un Bac A2. J’ai arrêté mes études de mon propre chef pour me consacrer à ma passion : la danse « Kété ».
J’ai commencé à danser à huit ans
La danse «kété» est de chez moi. C’est une danse pratiquée par le peuple Bron de la Côte d’Ivoire. J’ai appris à danser à l’âge de 8 ans, j’étais en classe de CE1.
C’était en 2010, des danseurs professionnels de cette danse, venus du Ghana, sont arrivés dans notre village, Assuétia-Banon dans la région du Gontougo pour enseigner la danse traditionnelle « Kété ». https://ivoirepolitique.org/presentation-de-gontougo/
Nous étions plus de six (06) jeunes filles volontaires pour apprendre cette danse. A ce jour, je suis la seule qui continue à la pratiquer. Au début de mon apprentissage, il y avait beaucoup de préjugés sur la pratique de la danse « Kété ». Certaines personnes ont tenté de me décourager. Il se racontait que quand on pratique cette danse on mourrait très jeune. Aussi que pour arriver à bien danser il fallait avoir recours à « des talismans ou des médicaments ». Et pourtant je n’ai pas eu besoin de telles pratiques pour savoir danser.
J’ai arrêté mes études pour la danse « Kété »
Quand j’ai arrêté les études après mon BAC A2 au profit de la danse « Kété », j’ai entendu beaucoup de critiques : « C’est pour cette danse que tu refuses de continuer tes études » ? Oui j’ai arrêté mes étude pour cette danse. Je suis fière d’être danseuse professionnelle de la danse traditionnelle « Kété ». J’ai plus aimé cette danse que mes études. C’est une passion.
A l’année du Bac en 2019, j’ai dit à ma maman « Le moment est arrivé, je vais passer mon Bac. Si je ne suis pas admise j’arrête mes études. Et même si par la grâce de Dieu je suis admise j’arrête quand même. Et Dieu merci j’ai réussi à mon Bac A2. Je n’ai pas changé d’avis. J’ai arrêté mes études.
Ma mère m’a beaucoup encouragée
Après ma formation, je n’avais pas trop confiance en moi pour danser en public. A l’occasion d’une cérémonie au village , ma mère m’a dit d’aller danser. C’était ma première prestation et je n’avais pas encore fini ma formation. J’avais à peine 9 ans. J’avais peur de rater ma prestation alors j’ai refusé d’y aller. Mais ma mère a insisté et avec ses encouragements j’ai dansé, dansé… Le public a beaucoup apprécié, j’ai été acclamée. Et c’est comme ça que c’est parti.
Il faut dire que ma maman est une artiste, chanteuse traditionnelle. Elle pratique la danse « Adowa ». La danse « Adowa » fait partie des danses de chez nous. Contrairement à la danse « Kété » où il y a que des instruments, dans la danse « Adowa » il y a en plus des instruments des chanteuses.
A mes débuts, encore petite fille, c’est par le truchement de ma maman que les gens m’invitaient aux cérémonies, anniversaires, mariages, baptêmes et même les funérailles. Et elle m’accompagnait à mes prestations, je dansais sur ses chansons. Grâce à elle je sais aussi danser la danse « Adowa ». Aujourd’hui, ma mère a arrêté sa carrière. Moi je continue de danser la danse « Kété ». Je suis mon propre producteur. Les gens me contactent directement pour leurs cérémonies.
La danse « kété » et mon autonomie financière
Cela fait 19 ans que je danse et j’ai 25 ans cette année. J’ai certes arrêté mes études mais grâce à cette danse je suis à l’aise j’arrive à me nourrir , à me loger à assurer mon quotidien. Je ne suis pas riche mais je suis autonome. je dois dire qu’avec la danse « kété » j’ai gagné beaucoup d’argent, mais je n’ai pas su économiser. Quand ma maman me conseillait d’économiser à cette époque , je ne l’ai pas écouté. Aujourd’hui c’est difficile. Je gagne beaucoup moins. J’ai moins de prestations et j’ai du mal à économiser. Je suis installée à Abengourou, chef-lieu de la région de l’Indénié-Djuablin.
Je suis très fière d’être une danseuse de « Kété »
Je ne regrette rien. Je suis fière, tellement fière d’être danseuse traditionnelle de « Kété ». Il faut savoir que ce n’est pas seulement pour l’argent qu’on danse. C’est pour la culture, pour mon attachement et mon identité au peuple Bron. Cette danse est tout un symbole. Les percutions et la gestuelle permettent de traduire les émotions et les valeurs culturelles. C’est une façon de parler au public, de communiquer la joie, la gratitude, le respect, la solidarité et la spiritualité. Chaque geste a un sens précis selon la cérémonie et le message à transmettre. La danse Kété est pour moi une façon de vivre et de partager mon identité. Quand des personnes m’appellent pour me dire « On t’a vu danser dans telle ou telle cérémonie. » C’est une reconnaissance qui me rend fière. Cela n’a pas de prix.
Mes projets à 25 ans, trouver un travail stable
Comme toute femme j’aspire au mariage et avoir des enfants. Fonder un foyer m’amène à reconsidérer mon avenir entend que danseuse de « Kété ». Célibataire je voyage beaucoup. Les cérémonies ont lieu généralement les week-ends. Ça commence le vendredi et cela peut s’entendre juste qu’au dimanche. Je suis donc très souvent absente de chez moi. C’est difficile de concilier une vie de femme mariée et mère avec mon travail de danseuse. Les hommes n’aiment pas les femmes qui sont toujours en déplacement. J’envisage de plus en plus à chercher un boulot plus stable. Heureusement que je suis titulaire d’un Bac A2. C’est le moment de le ressortir du placard. Je peux passer des concours ou suivre une formation pour trouver du travail. Cela ne signifie pas que je n’aime plus la danse. Mais à 25 ans, je pense à former un foyer.
Mon véritable rêve, était de créer un groupe ou une école de la danse traditionnelle « Kété ». Former des jeunes filles, partager mon savoir-faire. Je n’aurais plus eu besoin de chercher du travail. Malheureuse, je n’ai pas pu obtenir de l’aide pour le réaliser. J’ai donc abandonné cette idée.
Alioun C.