Publié le 26 juillet, 2021

A Guibéroua, Dali Rodrigue fait des merveilles… Il a surmonté son handicap physique moteur, pour se révéler être l’un des artistes qui forcent admiration au-delà de ce chef-lieu de sous-préfecture. VoixVoie De Femme a visité l’homme dans son atelier.

Dali Rodrigue Israël plonge les fibres du pinceau dans le pot de peinture. La manche est solidement condamnée entre ses lèvres. Il ressort l’instrument au bout imbibé qu’il applique sur la toile. Il répète le geste plusieurs fois et … au bout du compte, de belles figures, un beau tableau. Cette curiosité a conduit l’équipe de reportage de VoixVoie De Femme à découvrir davantage l’artiste- artiste bien particulier. Il nous reçoit volontiers ce mardi matin du 13 juillet 2021 dans son atelier à Guibéroua. « Je suis né handicapé des quatre membres. Depuis l’âge de 8 ans, je fais de la peinture. Je peins avec ma bouche. C’est un don. Dieu m’a fait cette grâce », raconte Rodrigue.

L’artiste, dans son fauteuil roulant, se déplace par moment, de lui-même, d’un bout à l’autre de son atelier, dans cet environnement de peinture. Où on peut voir ici et là, des pots de peinture de différentes couleurs.

Des morceaux de tissu ou des pancartes vierges attendent de recevoir les premiers jets du pinceau, quand d’autres, déjà achevés, sont rangés dans un coin. Le temps que les clients viennent les récupérer. « Je pratique la peinture dans toutes ses dimensions. Je fais la peinture des bâtiments, la décoration intérieure, la calligraphie, la sérigraphie, les tableaux d’art et surtout le portrait qui est ma spécialité », énumère M. Dali, à propos de ses compétences.

Son handicap n’a jamais été un frein à son dévouement au travail. « Je ne me considère pas comme un problème, mais comme une solution pour résoudre les questions d’arts plastiques », fait valoir l’artiste multidimensionnel.

Ses clients, au-delà des particuliers, sont généralement des entreprises. Ils se recrutent essentiellement dans le milieu des Petits et moyens entreprises (PME). Notamment les salons de coiffure, de couture, les entreprises de micros finances, les restaurants, maquis et bars, en passant par certaines administrations de la place qui le sollicitent pour les écriteaux.

La renommée de l’artiste est presque nationale. C’est un homme bien décoré de médailles. Il a été Lauréat de Vacances-Culture 2011.  « En 2011 à Yamoussoukro, j’ai été désigné meilleur artiste plasticien. 

C’était à l’occasion du concours de Vacance-culture », se souvient Dali Rodrigue. « En 2017 également, à Bouaflé, j’ai réitéré le même exploit. C’était en présence du ministre de la Culture, Maurice Bandaman», poursuit, non sans fierté, l’artiste.

Mais Dali Rodrigue a quelques regrets. Cette période de gloire n’a véritablement pas contribué à booster sa carrière. Mais, il ne se reproche rien pour autant. « En tant que lauréat, le ministre Maurice Bandama a échangé avec moi sur mes projets. Aujourd’hui, je suis laissé pour compte », regrette l’artiste peintre. « Il me semble que le financement des projets des personnes handicapées coince généralement. Est-ce mon cas ? », s’interroge l’artiste.

« Si on veut regarder le physique des gens avant de les aider, on n’aura rien compris de la vie », dénonce-t-il. Avant de plaider pour que l’État soit davantage regardant des personnes en situation de handicap.

« Nous ne cherchons qu’une petite place au soleil. Il faut nous aider», insiste le plasticien.

Ce n’est pas pour autant qu’il va baisser les bras. Bien au contraire. Il travaille assez pour subvenir à ses besoins. « C’est ce que l’Éternel vous donne comme don que vous pouvez monnayer. Ce métier que j’exerce me rehausse et me permet de m’épanouir dans la société. Je me sens donc utile à l’humanité», soutient notre interlocuteur.

L’histoire de l’artiste

Issu d’une famille de 11 enfants, Rodrigue se souvient avoir vécu, une enfance joyeuse, dans un centre de personnes handicapées à Abobo, une commune de la ville d’Abidjan. C’est de là qu’il est parti pour « se chercher ». Tant bien que mal, l’homme arrive à vivre de son art. D’où ses conseils à ses camarades qui ont fait le choix de la facilité en tendant la main aux autres. « À ceux qui mendient, je leur demande de fouiller au dedans d’eux même. Dieu n’a jamais créé quelque chose par erreur. Il ne fait rien au hasard. En tout être humain, il y a quelque chose qui dort. Qu’ils prient beaucoup, qu’ils cherchent la face de l’Éternel pour que Dieu dévoile ce qui est en eux », enseigne Rodrigue. Sa foi en Dieu est très forte. Son inspiration, révèle t’il vient du créateur. « Le Seigneur occupe une grande place dans ma vie. Le saint esprit est ma force. Quand je m’éloigne de lui, je manque d’inspiration», confie-t-il discrètement son secret. Convaincu d’être mortel, Dali Rodrigue tient à laisser quelque chose en héritage. « Mon projet véritable, c’est d’avoir une école de formation des jeunes à la peinture. Ce que Dieu m’a donné, je ne veux pas partir avec. Je veux laisser ça ici, en héritage aux générations futures ».

Père de deux enfants aujourd’hui, Dali Rodrigue affiche sa fierté d’homme épanouie qui vit grâce à son art.

Alain Doua

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