Il y a 12 ans, Prof Adonis-Koffi créait l’unité de néphrologie pédiatrique au sein du CHR de Yopougon.

Publié le 30 mai, 2020

Le professeur Adonis-Koffi est accidentellement décédée le samedi 23 mai dernier avec deux membres de sa famille. Notamment son mari et son dernier fils de 13 ans. Pourtant le professeur titulaire de pédiatrie et directrice de l’unité de néphrologie pédiatrique était en plein combat pour la santé infantile.

Adonis-Koffi Laurence en avait fait son affaire personnelle, avant d’être fauchée ce samedi matin du 23 mai 2020. A savoir la prise en charge des maladies rénales chez l’enfant. Chaque fois qu’elle avait l’occasion, la directrice de l’unité de néphrologie pédiatrique du CHU de Yopougon, exhortait les pouvoirs publics à subventionner la prise en charge des dialyses des enfants insuffisants rénaux.

Première victoire

Il y a 12 ans, son premier combat aboutissait. Ce professeur titulaire de pédiatrie avait en effet réussi à faire prendre conscience de l’existence de l’insuffisance rénale chez les enfants. Et créait l’unité de néphrologie pédiatrique au sein du CHR de Yopougon pour prendre en charge ces enfants souffrants de ce type de complications moins connues chez les enfants.

A savoir le syndrome néphrotique, l’insuffisance rénale aigue et chronique. En Côte d’Ivoire, le syndrome néphrotique est la première cause des consultations en néphrologie (49%) chez les enfants âgés de 5 à 10 ans. Plus de 80% en guérissent si le dépistage et le traitement sont initiés très tôt. La jeune dame a démarré son projet par les consultations, puis l’hémodialyse, pour aboutir aux dialyses péritonéales. Depuis septembre 2019, l’Unité a été délocalisée à l’Institut national de santé publique d’Adjamé, en raison de la rénovation du Chu de Yopougon.

Depuis sa création, l’unité de néphrologie pédiatrique a enregistré près de 100 dialysés.  Avec son équipe, ce centre public a conduit des activités de prévention de Yamoussoukro où 3 600 élèves, soit 11% de la population ont été dépistés en 2013, puis dans un établissement de Cocody, plus de 1 072 enfants, se sont fait dépister en 2015. Elle comptait à son actif plus de 419 patients hospitalisés, dont l’âge varie entre 2 et15 ans et a procédé à 6000 consultations.

Après la réalisation de ce projet, avec le soutien des parents d’enfants malades, d’ONG et des autorités sanitaires, Adonis-Koffi avait une deuxième obsession : faire prendre en charge par l’Etat des soins de cette maladie, comme il le fait déjà pour les adultes. En effet, les parents des enfants payent 80 000 FCFA pour une séance de dialyse, soit 240 000 FCFA pour les trois séances hebdomadaires. Les adultes, grâce à la subvention de l’Etat, payent 1 750 FCFA la séance. Adonis-Koffi n’avait de cesse de plaider pour que les enfants malades de cette même maladie soient logés à la même enseigne.

Pour le professeur Laurence Adonis-Koffi, ce soutien était plus que nécessaire, puisque 90 à 95 % des traitements étaient abandonnés à cause de ces coûts élevés. Et dans l’exercice de son sacerdoce, il n’était pas rare que Pr Adonis Koffi mette la main à la poche pour les soins de bien de tout-petits malades.

Elle plaidait également pour l’augmentation du nombre médecins dans sa spécialité. « Nous sommes trois néphro-pédiatres diplômés en Côte d’Ivoire sur tout le territoire ivoirien, voire dans la sous-région, deux en néphrologie pédiatrique avec son collègue Diarrassouba et une néphro-pédiatre chez les adultes », regrettait-elle, lors de son dernier passage à la télévision nationale ivoirienne, fin 2019.

Après sa tragique disparition, des voix s’élèvent pour exiger l’aboutissement de ce dernier combat. « En sa mémoire, si les autorités peuvent faire aboutir ce projet, ce sera un grand hommage pour elle », souhaite Maitre Timité Adjoua Marguerite née Konan. Cette pédiatre professeur honoraire de l’UFR des Sciences médicales d’Abidjan a en effet été son professeur.

Au-delà, un collectif baptisé « Pour Le Maitre Adonys » a lancé une pétition en faveur de l’aboutissement du combat de cette femme engagée. Un combat qu’elle a conduit avec force, avant de tomber, les armes à la main le matin du 23 mai 2020, ensemble avec deux êtres qui lui étaient chers : son Mari et son dernier fils de 13 ans.

Ténin Bè Ousmane

Encadré : la Côte d’Ivoire pleure Adonis-Koffi !

Le décès accidentel du professeur Adonis a suscité la consternation générale en Côte d’Ivoire. Du monde politique à celui des médias en passant par ses collègues, amis et parents, les larmes fusent de partout.

Première dame, Dominique Ouattara

Chers amis,

J’ai appris avec beaucoup d’émotion la disparition tragique du Professeur Laurence Adonis-Koffy, son époux Guillain Koffy et leur jeune fils Emmanuel. Je voudrais m’incliner devant la mémoire des disparus et leur rendre hommage.Laurence et Guillain Koffy étaient des personnalités remarquables très appréciées pour leurs qualités humaines ainsi que pour leurs compétences professionnelles Le Professeur Laurence Adonis-Koffy, professeur titulaire de néphrologie pédiatrique travaillait sur un projet de création d’une unité de néphrologie pédiatrique à l’hôpital mère enfant de Bingerville. Elle était aimée de tous.

Je voudrais adresser mes condoléances attristées aux familles éplorées et leur dire que je partage leur peine. Je me joins à leurs prières pour le repos de l’âme des disparus.

D.O

Aka Aouélé, ministre de la Santé et de l’Hygiène publique

« Depuis Abengourou, où je suis actuellement en mission, j’ai appris la disparition du Pr Laurence Ya Adonis-Koffi, Chef de service de Neuphro pédiatrie du Chu de Yopougon ainsi que deux membres de sa famille. Disparition survenue à la suite d’un accident causé par un conducteur en état d’ébriété. Profondément sous le choc, j’adresse mes condoléances à sa famille biologique et professionnelle. Que DIEU accueille cette dame, qui se dévouait corps et âme pour le bien-être des enfants malades ».

Des Collègues

Dans un vidéo publié le samedi 23 mai sur les réseaux sociaux, Dr Frédéric Noua : « Je n’ai plus le courage, ma Jumelle est partie juste parce qu’elle est sortie pour faire son sport pour maintenir la forme avec son époux et son enfant. Et elle trouve la mort. C’était ma jumelle. Ça fait 36 ans bientôt qu’on se connait. En 1984 quand j’ai mis pied en Côte d’Ivoire, pour les études médicales nous avons commencé nos premiers pas à la Fac. On a fait la première année ensemble. Adonis, une étudiante parfaite, une étudiante irréprochable. Tu nous montrais le chemin à suivre, le modèle de l’étudiante. C’est ce modèle qui nous a accompagné jusqu’à notre premier concours d’internat. Nous étions 7 admis sur 300 candidats en 1990. Tu étais 2è, moi j’étais 5è… » voir la totalité de la vidéo

Homme politique

Mamadou Koulibaly (homme politique) : « Quelle dramatique matinée ! Elle sort avec sa famille faire du sport, marcher un peu. Ils rencontrent la mort par la faute de jeunes, dans une voiture lancée à vive allure dont ils perdent le contrôle. Le prof Laurence Adonys Koffy, son époux et leur enfant tués. Profonds regrets ! »

Journaliste

Emilienne P. Amangoua, journaliste à Fraternité Matin

« C’est avec grande tristesse que j’ai appris le décès tragique du Pr Adonis Koffi, survenu le samedi 23 mai, des suites d’un accident au cours duquel son époux et son fils ont aussi perdu la vie. J’en suis profondément peinée.

En Janvier 2019, j’ai eu l’honneur de l’interviewer dans le cadre d’un dossier sur le calvaire des parents dont les enfants souffrent de la maladie du rein, publié dans le quotidien Fraternité Matin du 15 février 2019. C’était à l’unité de néphrologie pédiatrique du Chu de Yopougon.

Outre le Pr Adonis, j’y ai rencontré, ce jour-là, des parents dont les enfants souffraient également d’insuffisance rénale chronique. Tous étaient découragés, démunis du fait du traitement long, des séances de dialyse aux frais insupportables pour eux. La chevalière de la santé infantile qu’était Pr Adonis avait toujours su trouver les paroles de réconfort pour les parents de cette frange fragile de la population.

C’était une femme affable, joviale, véritablement engagée pour la cause des enfants malades du rein. Dommage, elle s’en est allée. Hélas que la mort est imprévisible !

La Côte d’Ivoire et l’Afrique te pleurent car elles perdent en toi un Prof émérite. »

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