Publié le 14 mars, 2021

Depuis le lancement de la campagne de vaccination contre la Covid-19, les Ivoiriens ne se bousculent pas vraiment dans les centres. Pourtant le pays entend augmenter le nombre de doses pour protéger le maximum de personnes… volontaires.

« Personnel de santé, FDS, Enseignants, vous êtes important dans le dispositif sanitaire, éducatif et sécuritaire. Faîtes-vous vacciner » ; « Se faire vacciner et respecter les gestes barrières, c’est la meilleure option pour une pleine protection contre la Covid-19 » ; « Fais-toi vacciner, respecte les gestes barrières et empêche ainsi la propagation du virus » … Tels sont les SMS qui font vibrer les téléphones de millions d’Ivoiriens, depuis le 26 février dernier, date de la réception des premiers vaccins contre la Covid-19, par les autorités sanitaires ivoirienne.

Mais ces messages n’ont visiblement que très peu d’effet sur les populations. Depuis le lancement officiel de l’opération le 1 er mars 2021, les agents vaccinateurs tournent les pouces dans les centres. VoixVoie de Femme en a fait le constat, ce samedi 13 mars 2021, à l’Institut national de l’Hygiène publique (INHP) de Treichville. « Après le lancement qui a vu un peu plus de monde, les autres jours n’ont pas connu assez d’affluence », nous confie cet agent de santé. A 15 heures, il n’a pas atteint la poignée de patients. Il affiche pourtant une mine optimiste. « Pour le moment, tout le monde n’est pas concerné », défend-il. Non sans préciser que cette première phase de la campagne concerne les agents de santé, les forces de défense et de sécurité et les enseignants. Elle concerne également les personnes âgées de plus de 50 ans, et ceux souffrant d’une maladie chronique, notamment la tension, le diabète, l’asthme, le cancer… « Pour ces grands malades, ils doivent apporter la preuve qu’ils ont ces maladies, en fournissant, soit une ordonnance ou un certificat médical », explique-t-il.

Depuis le 26 février 2021, l’initiative COVAX a expédié 504 000 doses du vaccin AstraZeneca/Oxford, sous licence par le Serum Institute of India (SII) en Inde et 505.000 seringues à Abidjan. Ce stock constituait le deuxième lot expédié et livré en Afrique par la facilité COVAX dans le cadre d’un effort sans précédent pour fournir au moins 2 milliards de doses de vaccins COVID-19 d’ici la fin 2021. A Abidjan, en plus de l’INHP, d’autres centres de vaccination sont ouverts dans les communes d’Abobo, Yopougon, et Port-Bouët.

L’explication de la faible affluence donnée par l’agent assermenté de l’INHP ne semble pas partagée par la plupart des personnes concernées par cette première opération. « Nous saluons le gouvernement pour sa volonté de protéger le corps enseignant contre toute forme de maladie. Mais en ce qui concerne la Covid-19, beaucoup d’enseignants préfèrent attendre », révèlent Ekoun Kouassi, secrétaire général du Syndicat national des enseignants de Côte d’Ivoire (Synesci). Selon lui, la plupart des enseignants n’ont aucune confiance dans cette opération. « Avec ce que nous entendons dans le monde sur ses vaccins, les gens attendent pour voir », soutient le syndicaliste. Il invoque les polémiques sur ces vaccins dans les pays occidentaux, pourvoyeurs pourtant de la plupart de ces vaccins. « Vous vous souvenez que sept pays européens, dont le Danemark et la Norvège, ont interrompu l’utilisation d’un lot d’un million de doses du vaccin AstraZeneca, envoyé à 17 pays de l’Union européenne, après avoir détecté des problèmes de circulation sanguine chez plusieurs personnes vaccinées », fait remarquer M. Ekoun.  

Au-delà des enseignants, les Forces de défense et de sécurité affiche la même méfiance vis-à-vis du précieux vaccin. « Avec ces informations venant d’Europe, comment voulez-vous qu’on se jette à l’eau en cobaye», ironise le Marechal Bamba S., gendarme exerçant à Abidjan.

Pour le secrétaire général du Synesci, le gouvernement doit plutôt axer son action sur la communication et non la sensibilisation. « Il fait mettre les gens en confiance. Il fait les rassurer », insiste M. Kouassi.

Pour tenter de rassurer le corps enseignant, la ministre de la l’Education nationale s’est prêté à l’expédition, jeudi, en se faisant vacciner, comme l’avait déjà fait plusieurs membres du gouvernement. «Je suis venue aujourd’hui me faire vacciner non seulement pour être en bonne santé, pour ne pas être victime de cette maladie, mais pour dire à mes partenaires les enseignants, à mes collègues enseignants, tout le personnel administratif, à tous les élèves qui ont plus de 18 ans et aussi aux parents d’élèves, donc à tous les membres de la communauté éducative de se faire vacciner pour éviter de contracter cette maladie et ainsi demeurer en bonne santé », avait-elle insisté.

En acquérant ces doses de vaccins, le gouvernement ivoirien se félicitait de pouvoir faire vacciner le maximum d’Ivoiriens. Elle attend encore 1,5 million d’autres doses de vaccins, fournies gratuitement via l’initiative COVAX.

« Les vaccins sauvent des vies. À mesure que les agents de santé et les autres personnels de première ligne seront vaccinés, nous pourrons constater un retour progressif à la normale, notamment un meilleur accès aux services de santé, d’éducation et de protection pour tous et en particulier pour les enfants. L’UNICEF et ses partenaires travaillent ensemble pour aider les pays à se préparer à l’introduction du vaccin COVID-19 et au déploiement de la campagne de vaccination dans le pays. Dans l’esprit de la couverture maladie universelle, nous ne devons laisser personne derrière », avait promis Marc Vincent, Représentant de l’UNICEF en Côte d’Ivoire. Mais le défi reste de convaincre les Ivoiriens à s’approprier le vaccin.

Ténin Bè Ousmane

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