Publié le 2 septembre, 2020

En Côte d’Ivoire la drogue n’est plus seulement une affaire d’hommes. Elle ne l’a jamais été d’ailleurs. Mais le nombres de jeunes femmes addictes semble s’accroitre de plus en plus.

Ce vendredi 28 août 2020, l’attitude de Kadi et Lucie n’a laissé personne indifférent dans ce gbaka (mini car) que nous avons emprunté en direction d’Abobo. Depuis leur montée dans le véhicule de transport en commun, à Adjamé, les deux filles se sont affaissées l’une contre l’autre… et parlaient à peine. Les deux avaient le corps tatouées… « Elle sont vraiment coupées », rigole l’apprenti de Gbaka.

Cette scène n’émeut plus personne à Abidjan. Car elles sont nombreuses ces jeunes filles devenues accrocs de la drogue qui ne quittent plus les fumoirs.

Et leurs familles sont les premières à en pâtir. En tout, c’est le combat quotidien de celle de Diane B., 30 ans, encore très dépendante de ces stupéfiants depuis plus de 10 ans.

Il y’a trois ans, la famille de Diane l’a fait interner chez un tradipraticien, à Bouaké. Mais les résultats ne sont pas à la hauteur. Peinée et attristée, Christelle sa sœur ainée, ne désespère pas pour autant. Elle continue de croire fortement que ce traitement soit le bon afin de la revoir stable.

 « Nous avons fait de notre possible, mais c’est très difficile. Elle a plusieurs fois été sous traitements médicaux et même traditionnels, mais elle n’a pu s’en passer », raconte-t-elle.

C’est à l’école que Diane tira sa première taffe. C’était en 2009. « Elle avait parfois des réactions bizarres. Elle piquait très souvent des crises de colère, elle agressait des passants dans les rues, on ne la comprenait plus jusqu’à ce qu’elle disparaisse de la maison un matin », se souvient Christelle.

Plusieurs avis de recherches ayant été lancés, Diane restait introuvable encore quelques mois jusqu’à ce que ses amis l’ai ramené auprès des siens un après midi. Il l’avait aperçu en bordure de route. « Ce jour-là, elle était ballonnée, et toute sale. Elle ne reconnaissait plus personne », s’en souvient Christelle, avant d’écraser une larme. 

Et de poursuivre : « elle a été conduite à l’hôpital, on nous a également proposés des médicaments traditionnels. Il n’y avait pas d’amélioration c’est ainsi qu’à la demande de notre cousine, elle a été conduite prêt d’elle. Par moment ça va, mais elle n’est pas totalement au point. Nous prions ».

Conséquences

Plusieurs femmes trainent encore les stigmates de ce phénomène. Les conséquences de la drogue sur les femmes, sont sans équivoque. Selon une étude américaine, la consommation de drogues réduit le volume du cerveau chez les femmes mais pas des hommes. De nombreuses études ont déjà montré que les femmes sont plus sensibles que les hommes à la consommation d’alcool et de drogues et à leurs effets à long terme : maladies, dommages au foie.

« Elles ont en général connu cela de par leur entourage depuis leur jeunesse », explique la criminologue Kah Pascaline, exerçant à SOS Violences sexuelles, une Organisation non gouvernementale de lutte contre les violences sexuelles. Selon elles, les femmes toxicomanes qui penchent dans la criminalité « deviennent plus violentes que les hommes ».

C’est pourquoi elle recommande aux familles d’accentuer la surveillance sur leurs enfants.  « Il est difficile d’en sortir véritablement. Et ce combat doit être l’affaire de tous. Les mairies doivent dégager les espaces autour des écoles et y éviter l’installation de pharmacies par terre, lieu par excellence de circulation de la drogue ».

Prise en charge

En Côte d’Ivoire, la prise en charge sanitaire des usagers de drogue est essentiellement assurée par des structures telles que l’Institut National de Santé Publique (INSP) d’Abidjan Adjamé et la « Croix bleue » d’Abidjan-Williamsville… qui déterminent avant tout le taux de drogue avant d’amorcer un traitement.

Le traitement administré est médical et psychosocial. Mais, selon un rapport de l’ONUDC, le nombre très réduit de structures de prise en charge sanitaire, l’absence de pratiques sanitaires adaptées, le manque de personnel de santé, font que la prise en charge pose le problème d’efficacité.

Marina Kouakou

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