La communauté éducative en Côte d’Ivoire est en conclave depuis le lundi 19 juillet 2021 à Abidjan. Sous la houlette de la ministre de l’Education nationale et de l’alphabétisation, ces assises, baptisés ‘‘états généraux de l’Education nationale’’, devront déboucher, au bout de six mois de travaux, sur rapport à remettre au président de la République.
Il était temps de s’arrêter et de regarder dans la marmite de l’école ivoirienne ! Depuis cette dernière décennie, toute la communauté éducative avait fini par s’accorder sur le constat que le système éducatif en Côte d’Ivoire traverse une crise sans précédent. Les tares qui suscitent scandale sous d’autres cieux sont devenus un fait banal au bord de la lagune ébrié : Non-respect des enseignants, congés anticipés, tricherie, enseignement au rabais, grèves intempestives, complaisance dans l’évaluation des élèves, violence au sein des établissements…
Le dernier rapport de 2021 du Programme d’analyse des systèmes éducatifs de la CONFEMEN (PASEC) est sans équivoque. Le document de 400 pages critique le faible niveau des élèves en Côte d’Ivoire. Précisant que 66,9% des élèves au CP2 ne savent ni lire ni écrire !
Et à propos de la fraude, elle est devenue ‘‘un phénomène normale’’ selon le président de l’Organisation des parents d’élèves et étudiants de Côte d’Ivoire (OPEECI), Claude Kadjo. Selon lui, durant les examens de grand tirage de 2020, il y a eu au total 16.102 cas de fraude au BAC et au BEPC. Doublant ainsi le chiffre de 2019 qui était de 8 630 cas. A l’édition de cette année 2021, plusieurs cas de tricheries ont été enregistrés dans bien des centres d’examen du BAC et du BEPC.
L’ouverture de ces assises dans un tel contexte sonne comme une bouffée d’oxygène pour toute la Côte d’Ivoire, honnie par les critiques contre son système éducatif. En tout cas, les états généraux ont été accueillis comme bonne nouvelle par plusieurs acteurs du secteur. C’est le cas d’Ekoun Kouassi, secrétaire général du Syndicat national des enseignants du second degré de Côte d’Ivoire (Synesci). « L’organisation de ces états-généraux de l’éducation nationale est une reconnaissance par l’Etat que notre système éducatif va très mal », se félicite M. Ekoun. Pour lui, l’Etat ivoirien s’est souvent précipité à changer de système sans véritablement faire un travail d’adaptation.
Les phases de la politique de l’école
Les politiques de l’éducation en Côte d’Ivoire ont connu trois grandes phases, selon le président de l’OPEECI, enseignant à la retraite. Il cite d’abord le système d’enseignement hérité de la colonisation qui a duré de 1960 à 1963. Ce système a été reformé avec des améliorations comme l’introduction de l’enseignement de la philosophie à partir de la classe de première. Le suivant, dit « enseignement rénové » a duré de 1963 à 1970 et enfin la phase dite « Programme d’éducation télévisuelle ». Cette phase commence en 1971 et est abandonnée en 1982. Date à laquelle le pays fut confronté à la crise économique, où il se voit imposé des Programmes d’ajustement structurels.
« C’est à partir de là que le pays a commencé à importer ses programmes extérieurs. De 1982 à 2002, le gouvernement adopte la « Pédagogie par objectif (PPO) ».
Après 20 ans de pratique soldé par un diagnostic en 2002, elle est remplacée à partir de la rentrée scolaire 2002-2003, par « l’Apprentissage par compétence (APC) » ou ‘‘Formation par compétence (FPC)’’.
Après 8 ans d’application, le ministère de l’Education nationale procède à un recadrage de ces programmes APC et des guides d’exécution. « Mais cela n’a rien changé puisque l’école ivoirienne continue de sombrer », souligne Kadjo Claude après avoir évoqué toutes ces phases de la politique du système éducatif ivoirien. C’est pourquoi, il se dit très attaché à l’aboutissement de ces états généraux. « Ils doivent rassembler tous les experts et les acteurs pour faire un bilan de tout ce parcours ».
Pour Ekoun Kouassi, ces états généraux doivent être décisives. « Il faudra mettre de côté le volet politique. Parfois, pendant les rencontres, on n’aboutit à rien, parce que les acteurs se retiennent à cause des intérêts politiques en jeu. Je souhaite que le politique ne vienne pas peser lors de ces états généraux », espère le secrétaire général du Synesci. « Tous les problèmes doivent être abordés courageusement », préconise de son côté le secrétaire général de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire ( FESCI), Allah Saint Clair. « Il s’agit de sauver l’école ivoirienne. C’est le lieu de sensibiliser tous les parents et partenaires du système éducatif à faire des contributions objectives, pour qu’on ait une école d’excellence, une école dans laquelle on ne parlera plus de de violence et de grève », recommande syndicaliste estudiantin. Pour la Coalition du secteur éducation-formation (COSEFCI), les conclusions de ces assises doivent être valorisées à la fin des travaux. « Au-delà des travaux, c’est plutôt la mise en application des résolutions qui donnera un sens à ces états généraux », souligne Kouamé Bertoni, porte-parole de la COSEFCI…
Au lancement des travaux, le 19 juillet, le Premier ministre était effectivement président à l’hôtel Ivoire. Histoire de marquer toute l’importance de ces travaux pour le gouvernement. D’ailleurs, dans son discours, Patrick Achi a bien invité chaque Ivoirien à en faire une affaire personnelle. « L’école ivoirienne est l’affaire de tous. Elle sera ce que nous, Ivoiriens, aurons voulu qu’elle soit. Il nous appartient d’assurer à notre jeunesse, toujours plus nombreuse et vivante, une éducation, une formation de qualité pour l’enraciner dans la citoyenneté et la faire prospérer durablement sur un marché du travail compétitif en lui donnant accès à des emplois décents, motivants et bien rémunérés », avait indiqué M. Achi. Et s’adressant aux experts et à tous les participants aux travaux, il a les a invité à questionner « courageusement, avec honnêteté et franchise, le système, évaluer les rôles de toutes les parties », avant de « formuler des recommandations en vue d’un meilleur positionnement de notre système éducatif ».
Ténin Bè Ousmane
1 Commentaire
J’espere que l’application de ces decisions qui sortiront de ces assises sera efective et sincere!