Si l’accessibilité numérique facilite l’intégration scolaire, professionnelle et sociale des personnes handicapées visuelles., en Côte d’Ivoire, très peu parmi elles utilisent l’ordinateur. Voici le constat de l’Inspecteur principal option éducation, formateur en service à l’Institut National de Formation Sociale (INFS), Kouakou N’gbra Guillaume, également Président fondateur de l’ONG Hanhimanti. Une ONG qui forme à l’utilisation de l’ordinateur et variantes en vue d’amener les personnes handicapées visuelles à l’autonomie au moyen du webinaire. Dans cette première partie de l’interview qu’il a accordé à Voix Voie de Femme, ce père de trois enfants qui présente aussi un handicap visuel revient sur son parcours, ainsi que ses initiatives en faveur des personnes en situation de handicap.

Kouakou N’gbra Guillaume Charbel, Vous êtes le président de fondateur de l’ONG Hanhimanti. Une ONG de formation en informatique et de consultations pour déficients visuels. Parlez-nous brièvement de votre parcours et de la création de l’ONG.


Je suis par ailleurs, le Secrétaire Général de l’Organisation Nationale pour la Promotion des Métiers Accessibles aux Aveugles et Malvoyants de Côte D’Ivoire (ONaPMAAMCI), Délégué local de la Mutuelle Autonome des Enseignants de Côte D’Ivoire (MAECI) et Membre d’honneur de L’ONG Moahekoun.
J’ai débuté ma scolarisation à l’Institut National Ivoirien pour la Promotion des Aveugles (INIPA) à Yopougon. J’ai été ensuite orienté à l’actuel Lycée moderne de Yopougon Andokoi, puis à l’école William Ponty ou j’ai obtenu le baccalauréat série A2. J’ai été ensuite orienté au département de psychologie d’Abidjan pour une maîtrise en psychologie génétique différentielle avant d’entrer par voie de concours à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) où mon cursus professionnel a débuté.


L’ONG Hanhimanti a été créé le 07 décembre 2010, mais l’agrément a été signé le 06 Août 2020. L’ONG Hanhimanti est mise sur pied parce que, dans la société de l’information, l’accessibilité numérique facilite l’intégration scolaire, professionnelle et sociale des personnes non voyantes et malvoyantes. Elle s’est assignée le rôle de former à l’utilisation de l’ordinateur et ses variantes les personnes non voyantes et malvoyantes , de les accompagner psychologiquement en particulier ceux qui vivent en Côte d’Ivoire. Hanhimanti est un mot de l’ethnie Baoulé et signifie « à cause de ce qui sera dit demain ».
L’ONG Hanhimanti compte soixante-quatorze (74) membres; des membres fondateurs, des bénévoles, des bénéficiaires et des membres d’honneur. Peuvent être admis comme bénéficiaires, les membres, non voyants et malvoyants qui viennent d’être informés de leur état de cécité, des non voyants et malvoyants qui, n’étant pas satisfaits de la prise en charge qui leur est proposée, désirent les prestations de Hanhimanti. Peuvent être admis comme membres, les personnes qui adhèrent aux statuts de L’ONG hanhimanti, qui se sont acquittées de leur droit d’adhésion et qui paient régulièrement leur cotisation annuelle.


Comment avez-vous connu l’informatique?


J’ai découvert l’informatique par le canal d’un ami du nom de Koffi Denis, non voyant ivoirien qui est kinésithérapeute et qui réside en France. Il était en vacance en Côte D’Ivoire. Il m’a fait cadeau d’une copie de la revue d’écran job access with speech (JAWS) et je me suis acheté un ordinateur équipé à cette époque du système d’exploitation windows 98.
Feu mon neveux Pango Jean-Luc (paix à son âme) , Ingénieur en informatique de maintenance, très fier de moi quand je relève des défis, a aspiré un site internet qui expliquait le fonctionnement de l’informatique et qu’il a installé sur mon vieux windows.
J’ai commencé ainsi à apprendre seul l’informatique. Je passais de longues heures d’études après ma descente du travail donc pendant les nuits (de 21 heures à 2 heures du matin) bien sûr, après que je me sois occupé de ma petite famille.
Mon neveux Pango Jean-Luc va m’offrir la connexion à internet (ADSL) pour m’aider à apprendre car il était convaincu que l’informatique était la solution à mon handicap, la cécité. Il va plus tard, m’encourager à postuler à un concours à I-GOUV où j’ai été parmi les lauréats. Je me suis formé dans mon salon chez moi à Bingerville, en Côte D’Ivoire. En 2009, je dirais plutôt depuis 2009 puisque je continue de me former en informatique.
J’ai été distingué par le président Alassane Ouattara pour avoir été major lors de la cérémonie, un citoyen, un ordinateur, une connexion internet.


Vous avez par la suite créé votre site internet tout seul. Comment avez-vous procédé?


Mon site internet dont l’adresse est: www.hanhimanti.com que j’ai dédié à L’ONG hanhimanti est « mon bébé informatique ». En effet, après que je me sois auto-formé en informatique, car je suis autodidacte en informatique, j’ai jugé bon de créer un site internet avec toutes les options d’accessibilité, d’en être le webmaster pour les personnes aveugles.
Avec mon ordinateur vocalisé, j’ai acheté un domaine en France , j’ai installé des logiciels appropriés pour les personnes aveugles et au quotidien j’anime ce site. L’appétit informatique venant en exerçant, je suis aussi webmaster de quatre autres sites internet pour des associations de personnes aveugles. L’informatique est ma passion…
Avez-vous des statistiques des personnes aveugles ou malvoyants qui utilisent internet en Côte d’Ivoire?
Très peu de personnes aveugles et malvoyantes utilisent l’ordinateur et variantes en Côte D’Ivoire. C’est pour le moment un luxe au lieu d’être une nécessité.


Comment se fait la prise en charge des personnes que vous recevez au sein de l’ONG?


L’adhésion est de cinquante-mille (50000) FCFA payable par le bénéficiaire. Elle couvre le temps que dure la formation qui est de cent (100)heures. Le coût total de la formation est de un million (1000000 ) de FCFA, soit neuf-cent-cinquante-milles (950000) FCFA qui sont supportés par l’ONG Hanhimanti. Les bénéficiaires ne paient plus rien en dehors de l’adhésion. Les non bénéficiaires paient dix-milles (10000) FCFA l’heure ainsi que les non aveugles. Les séances d’apprentissage se font par télétravail.
Nos prises en charge concernent les aveugles et malvoyants et leur entourage. L’objectif des formations en informatique de l’ONG Hanhimanti aux aveugles et malvoyants, est de les amener à l’autonomie au moyen du webinaire (utiliser l’ordinateur et variante pour assumer leur quotidien). Les personnes aveugles ou malvoyantes disposent en effet, de moyens leur permettant d’utiliser un ordinateur pour, notamment, rédiger et lire des documents, envoyer et recevoir des messages électroniques ou encore consulter des sites Web. Pour qu’elles puissent profiter pleinement de ces possibilités offertes par les nouvelles technologies, encore faut-il que des précautions soient prises .
En matière d’utilisation de l’informatique, les personnes déficientes visuelles se répartissent en deux catégories.

Lesquelles?

D’une part les personnes aveugles ou très malvoyantes dont la vision résiduelle ne peut être utilisée pour une lecture soutenue. D’autre part, les personnes malvoyantes pouvant, dans des conditions adaptées, utiliser leur vision résiduelle pour lire.
Il est précisé que, en matière de saisie, sauf cas de handicap moteur, toutes les personnes déficientes visuelles peuvent apprendre à se servir d’un clavier azerty classique. Le problème à résoudre est celui de la restitution de ce qui s’affiche à l’écran. Sur l’ordinateur d’une personne aveugle ou malvoyante ne pouvant utiliser sa vision résiduelle, on installe un logiciel appelé « lecteur d’écran » ou « revue d’écran ».
Disposant le plus souvent d’un synthétiseur vocal, le lecteur d’écran récupère l’information textuelle et la restitue vocalement à l’utilisateur. Cette vocalisation porte aussi bien sur le texte frappé au clavier que sur le contenu de l’écran (menus, boîtes de dialogue, texte des documents, pages Internet…). Si la personne connaît le braille, le lecteur d’écran peut aussi gérer en parallèle un afficheur braille connecté à l’ordinateur. L’afficheur reconstitue les caractères brailles correspondant à une portion de ligne de l’écran, des touches de fonction permettent le déplacement dans l’écran.

Un autre point important à prendre en considération est que l’audition et le toucher ont un fonctionnement très différent de la vue. Quand une personne voyante regarde un écran (ou un document papier), elle a une vue d’ensemble. Elle repère les titres et sous-titres, généralement mis en évidence par des artifices graphiques (caractères plus gros, en gras…) et commence sa lecture à la partie qui l’intéresse.

Qu’en est-il de l’audition ainsi que le toucher?


Avec l’audition ou le toucher, il en va autrement. Il n’est pas possible d’avoir une « écoute d’ensemble » ou un « toucher d’ensemble » comme on peut avoir une vue d’ensemble. D’autre part, si la personne déficiente visuelle peut connaître les attributs graphiques (gras, taille) d’une zone de texte, ce n’est pas très facile car cela nécessite une démarche spécifique (et consommatrice de temps) de recherche de ces attributs qui sont perçus spontanément par une personne voyante.
En outre, même pour des personnes déficientes visuelles très entraînées, l’écoute d’un texte ou sa lecture en braille sont nettement moins rapides que la lecture visuelle par une personne voyante.
Pour que les personnes déficientes visuelles puissent lire des documents informatiques ou des pages Web dans de bonnes conditions de vitesse, il est donc primordial que soient utilisées les possibilités de structuration des documents et pages Web offertes par les logiciels (titres, listes à puces ou numérotées, table des matières…). Les documents ou pages Web ainsi créés comportent des « balises » que peut interpréter le lecteur d’écran et, ainsi, une personne déficiente visuelle peut commencer par ne lire que les titres pour ensuite lire le détail correspondant au titre qui l’intéresse.


Pour les malvoyants disposant de capacités visuelles résiduelles suffisantes, il existe des logiciels d’agrandissement permettant la présentation du contenu de l’écran sous plusieurs formes (plein écran, loupe, ligne, écran partagé…) et la modification très fine des couleurs d’affichage (inversion de polarité, affichage en noir et blanc, suppression ou remplacement de couleurs…).
Certains logiciels offrent aussi des aides sonores (lecture des textes affichés, prononciation des saisies faites au clavier).
En définitive, les Technologies de l’Information et de la Communication représentent aussi de nos jours, un enjeu majeur pour les personnes aveugles et malvoyantes.
Pour les déficients visuels en effet, la numérisation offre un immense espoir parce que ce mode de codage permet de l’exprimer selon diverses modalités sensorielles. Un texte numérisé peut aisément s’écouter par synthèse vocale, mais il peut aussi se lire sous forme de braille.
Le numérique incorpore de ce fait, le potentiel maximal d’expression qui puisse imaginer et correspondre aussi bien aux besoins des voyants qu’à celui des non voyants.


L’ONG dispose de combien de formateurs au total?


Nous sommes cinq formateurs membres de l’organe dirigeant. Le président Kouakou N’gbra que je suis, le conseiller Michael, Lurkin, le secrétaire général Kouacou Roger (des aveugles) et le chargé au développement et l’assistant informatique ( des voyants).

La suite de l’interview dans la prochaine parution du 11 au 18 octobre 2021.

Interview réalisée par Marina Kouakou


2 Commentaires

  • par KOUAKOU Leslie
    Publié octobre 12, 2021 5:59 pm 0Likes

    Très bel article! L’utilisation de l’ordinateur par les aveugles doit être promue.

  • par Kouakou N’gbra Guillaume Charbel
    Publié octobre 5, 2021 8:00 pm 0Likes

    Très bon article; l’ordinateur est la solution des aveugles en terme d’insertion

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