L’épilepsie une maladie méconnue dans nos contrées. Considérée comme une maladie honteuse, humiliante parce que le malade tombe lors des crises. Tantôt appelée « maladie d’oiseau » ou « maladie de génie ». L’épilepsie fait peur.
« Au départ, je ne savais pas qu’il souffrait de l’épilepsie. Il tombait très souvent malade. Il chauffait de la tête jusqu’au genou. La plante de ses pieds étaient glacées. J’ai d’abord cru que le sang ne circulait pas normalement. Je l’ai emmené à l’hôpital communal où il a bénéficié des soins donnés par des infirmiers. Ils réussissaient à faire baisser la fièvre. Cette montée de fièvre était devenue récurrente et l’enfant avait toujours mal. Je faisais des allers-retours entre la maison, mon travail et l’hôpital. Sans aucun changement dans l’état de mon fils ».
C’est en ces termes que Mme Saka Olive Epse Tiéna, présidente de l’ONG « Tous contre l’épilepsie » nous explique son premier contact avec l’épilepsie. Accompagnée de sa vice-présidente Mme Sery Rose Delima, elles ont été les invitées de VoixVoie De Femme pour parler de leurs expériences avec l’épilepsie.
« Moi c’est à 8 jours que mon bébé a commencé à avoir des tics. Il inclinait la tête d’un côté. Il faisait ce geste plusieurs fois par jour. Je ne comprenais pas. Je l’ai envoyé à hôpital de San-Pedro. Mais personne ne m’a orientée ni me dire ce que je devais faire. » nous explique Mme Sery Rose, vice-présidente de l’ONG « Tous contre l’épilepsie ».
Cette ONG est née de la volonté des membres qui sont parents d’enfants épileptiques ou eux-mêmes atteints de la maladie. Leur objectif partager leurs expériences et sensibiliser à la cause de l’épilepsie enfantine. Mais surtout faire connaitre la souffrance des parents face à cette maladie peu connue des soignants et encore moins pour des parents démunis.
La grande crise, la grande frayeur
Assistante de Direction, à la mairie de Diégonifla dans le département d’Oumé, région du Gôh Mme Olive Saka raconte :
« Un jour, dans la nuit l’enfant a chauffé et il a commencé à avoir des palpitations. Il demandait de l’eau à boire. Il avait deux ans, il ne parlait pas correctement mais il se lamentait beaucoup. Nous avons passé toute la nuit dans cette situation sans savoir exactement ce qu’il avait. Le lendemain, j’ai fait un tour au travail pour prendre une permission. J’étais avec ma maman qui portait mon fils au dos. L’enfant allait de plus en plus mal. Il est devenu tout glacé. Mes patrons ont été très compatissants, ils m’ont aidée à envoyer l’enfant à l’hôpital. Et depuis ce jour mes patrons ont fait preuves de beaucoup de compréhension pour mes permissions. »
Célibataire à cette époque, avec un revenu modeste, Mme Olive Saka doit faire face, seule, aux frais d’une maladie que les infirmiers n’arrivent pas à identifier.
« A l’hôpital l’infirmière essaie de voir de quoi il s’agit. Des examens médicaux ont été faits. Malgré mes difficultés financières, je n’ai pas hésité, j’ai payé tous les examens. Sans m’expliquer les résultats des examens, ni me dire les soins qui ont été faits, sans non plus me dire ce qu’a mon fils, l’infirmière me faire savoir qu’il ne faut pas m’inquiéter. Et que l’enfant va beaucoup dormir. De retour à la maison, l’enfant s’est mis à dormir. Et moi je tenais absolument à le voir une fois réveiller. Pour voir comment est-ce qu’il allait se comporter. Après des heures de sommeil l’enfant se réveille, mais il a des difficultés à se relever. Il s’étire et là l’enfant reste bloquer. Il ne pouvait plus bouger et il a commencé à pleurer. Je le soulève et je constate que l’enfant est raide dans mes mains. Sa tête bascule vers l’arrière et ses pieds suivaient les mouvements de sa tête. Il tordait ses doigts, sa bouche se penche. Ses dents ont commencé à se serrer. Moi, en ce temps-là je ne savais pas ce que cela signifiait. J’ai pris rapidement mon enfant, je l’ai porté au dos. C’était vraiment compliqué. J’avais besoin d’un véhicule pour le conduire à l’hôpital. Je suis allée taper à la porte de mon voisin, un gendarme. Quand il a vu l’état de l’enfant il nous a aussitôt pris sur sa moto.
En route, je me posais des questions, puisque je viens de l’hôpital il y à peine un jour. Pourquoi l’enfant fait encore ses crises. J’ai pensé à un sort que quelqu’un a dû lancer à mon enfant. Automatiquement, j’ai demandé à mon voisin de me conduire vers l’église. Arrivés, le pasteur à prier. Quand il a fini de prier l’enfant était toujours dans le même état. C’est en ce moment que le pasteur m’a dit « même quand on prie dans le spirituel, il faut aussi partir à l’hôpital ». J’ai pris encore une moto, pour ramener l’enfant une fois de plus à l’hôpital.
L’infirmière me demande de partir avec l’enfant à Oumé. Malheureusement l’ambulance n’était pas disponible. J’étais obligée de voir mes contacts. J’ai un ami qui a mis sa voiture à ma disposition, nous sommes partis rapidement. Arrivés à Oumé, j’étais vraiment déboussolée. Je ne savais pas quoi faire. Ils ont mis l’enfant dans une salle où l’hygiène n’était pas respectée. Et les malades au nombres de 4 étaient des personnes âgées. L’enfant continue toujours ses crises. A ma grande surprise, mon enfant a ouvert grandement sa bouche, comme si sa respiration voulait s’arrêter. Je demande à l’infirmière si je peux avoir une chambre où j’allais mettre mon enfant. Elle m’a dit pour trois jours le coût était de 10.000f. Nous avons fait trois jours dans l’hôpital. Mais moi, je n’étais pas satisfaites des soins. L’enfant convulsait. Ils l’ont mis sous perfusion. Je me suis posée encore des questions. Je demande aux aides-soignants ce que mon enfant avait. Mais personne pour me donner une réponse.
Je suis sortie de l’hôpital, sans savoir de quoi souffre exactement mon enfant. Ils m’ont donné des ordonnances. Sans oublier que chaque jour passé là-bas j’achetais des médicaments. Durant les trois jours, ils passaient chaque 5h pour nous donner des ordonnances. Malgré tous ces soins, la situation ne change pas. Pour finir, l’enfant était constipé. Au troisième jour, j’ai pu le soulager avec du beurre de karité. Et l’enfant m’a dit dans son langage « Maman on a qu’a parti ». J’ai compris que mon enfant étais fatigué de tous ces traitements. Il avait que 2 ans. Je me suis fiée à ses mots et nous sommes partis. Quand j’essaie de savoir de quoi souffrait mon enfant, les médecins m’ont dit que c’est une surinfection.
Les crises ont repris deux jours après notre arrivé de l’hôpital d’Oumé. nous sommes allés à l’hôpital de Diégonifla. Là-bas j’ai montré les ordonnances au docteur, qui m’a dit qu’il n’a rien de bon au niveau du traitement. J’étais stupéfaite. J’ai demandé donc au docteur de soigner mon enfant. Étant donné qu’il sait ce qui est bon pour guérir mon garçon. Mais quand nous sommes arrivés à la maison l’enfant continuais toujours ses crises. Ils ne m’ont pas encore parler d’épilepsie. Ils ont juste fait des injections a l’enfant. »
Chez les tradipraticiens le miracle ne s’est pas produit
Deux mères d’enfants atteints d’une « maladie mystérieuse », devant laquelle, même la médecine moderne perd son latin, vont parcourir villages et campements à la recherche d’un médicament miracle pour la guérison de leurs progénitures. De guérisseurs en guérisseurs leur vendant des canaris de plantes médicinales sensés guérir !
« C’est plus tard que ma tante m’a proposé d’aller chez les tradipraticiens. Elle a vu que je gaspillais de l’argent pour rien, puisqu’il n’y avait pas d’issue dans les hôpitaux. J’avais complètement abandonné l’hôpital. Je cherchais d’autres solutions. J’ai commencé avec les tradipraticiens. Quand on me dit qu’il y a une personne qui soigne dans une ville, je me lève automatiquement avec l’enfant au dos, on part. Et c’était de l’argent que je dépensais. Pour la santé de mon enfant, j’étais prête à tous juste pour qu’il retrouve la guérison. J’ai fait le tour des guérisseurs de Diégonifla.
Mme Olive Saka raconte avec beaucoup d’émotion ce chemin qu’elle a choisi emprunter pour soigner son fils : « L’enfant ne marchais plus, il était toujours couché. Nous l’avons envoyé chez une dame qui soigne. Elle a marqué l’enfant à la joue, soi-disant c’est la « maladie d’oiseau ». Elle m’a rassurée que si elle faisait ça tout irait bien. Arrivé à la maison, le même jour l’enfant arrivait à marcher, il parlait et se sentait bien. Il avait même l’appétit. J’étais vraiment heureuse. Le lendemain, mon enfant pique la crise à nouveau. Elle (la tradipraticienne) n’était pas loin de notre habitation, donc j’ai ramené l’enfant vers elle. Elle a pris des poudres pour nettoyer l’enfant. Elle m’a donnée un canari. Mais tout était sans effet. Je venais de comprendre que la solution n’était pas ici (chez cette guérisseuse) . J’ai commencé à me renseigner partout. Je suis passée au quartier Baoulé, j’ai reçu l’écho que les Baoulés soignaient bien. Chez eux on disait que c’était « palu garçon ». Et ils faisaient le traitement selon leur perception de la maladie. J’ai décidé de quitter la commune de Diégonifla. Je suis repartie à Oumé pour me renseigner sur les tradipraticiens. Au passage je remercie ma patronne qui me comprenait et me laissait du temps pour m’occuper de mon enfant. J’ai fait le tour des localités: Oumé, Daloa, Soubré, Yamoussoukro. Le cas de Yamoussoukro, c’est lorsque je suis arrivée à Oumé qu’ils m’ont fait savoir que la femme venait de partir sur Yamoussoukro. Je l’ai suivi aussitôt. J’ai même fait une semaine dans un village de Soubré où on le soignait chaque 24h. Mais pas de solution, l’enfant étais toujours dans son état ».
« Mon fils n’est pas un humain, c’est un génie. Il doit disparaitre »
Comme sa présidente Mme Sery Rose Delima a eu recours également aux tradipraticiens. « Après une semaine d’hospitalisation à l’hôpital de San Pedro ça n’a rien donné. L’enfant continuait à faire le même signe. Je suis rentrée à la maison sans aucune amélioration de l’état de mon bébé. Une amie m’a conseillé l’hôpital de Korhogo où son fils qui faisait les mêmes signes a été traité. J’ai vu un pédiatre à qui j’ai montré les vidéos des crises de mon fils. En effet, je filmais toutes les crises de mon bébé. Ce sont ces vidéos qui ont permis au docteur de dire que mon bébé a l’épilepsie ».
Mais, les premiers médicaments n’eurent aucun effet sur les crises de son garçon. Elle s’est alors tournée vers l’indigénat.
« Le sirop qui a été prescrit ne donnait rien. l’enfant piquait ses crises. C’est comme ça que la belle-mère de mon grand-frère m’a conseillé l’indigénat. De Korhogo je me retrouve à Boundiali… les canaris sur canaris, ça n’a rien donné. Je partais d’indigénat en indigénat. L’enfant, ça n’allait plus… je suis revenue à Abidjan. Sur le conseil de la belle-mère de ma petite-sœur, je me suis retrouvée à Man, dans un village appelé Makahébli, le traitement n’a rien donné…je suis allée dans un autre village « Zaguiné » dans les montagnes… les soins n’ont rien donnés. On m’a envoyée chez un monsieur qui m’a dit que mon enfant n’est pas un enfant mais un génie et qu’on doit mettre du kaolin sur mon enfant pour qu’il disparaisse. Devinez un peu ma souffrance… Je pensais que le ciel me tombait sur la tête… »
Enfin des spécialistes: Les neurologues !
Le miracle ne s’est pas produit. Elles ont finalement décidé de refaire confiance à la médecine moderne. Et elles ont repris le chemin de l’hôpital.
Pour Rose Delima il était inconcevable qu’on fasse disparaitre son enfant. Sur les conseils d’une amie elle quitte précipitamment ce village des 18 montagnes pour à Abidjan. C’est en juin 2021 qu’avec l’aide financière de ses amis, Rose arrive au CHU de Cocody pour faire l’examen EEG (Électroencéphalogramme) à son fils. L’examen confirme que l’enfant est atteint de l’épilepsie.
Mme Tiéna, après 2 ans d’ « errement » pour soigner son garçon, s’est finalement tournée vers l’hôpital : « Le 28 Novembre 2020, l’enfant à faire une crise. Et cette crise à durer plus de 3 heures. Nous l’avons emmené chez les pasteurs qui ont priés. La nuit qui a suivi nous sommes partis avec l’enfant à l’hôpital. Ils lui ont fait jusqu’à trois injections. Tout a commencé à se calmer. Mon mari à trouver que les canaris et indigénats n’étaient pas utiles. Et à suggérer d’aller chez des spécialistes. Ma collègue m’a demandé d’aller à Bouaké où il y a des neurologues. Et des spécialistes qui pourront nous aider… à Bouaké, le pédiatre m’a reçu sans prendre de l’argent. Il a consulté l’enfant, en me posant des questions. Il m’a demandé de faire des examens et l’ EEG à l’hôpital psychiatrique de Bouaké. Je me posais des questions si mon enfant était fou vu que j’étais à l’hôpital « psychiatrique ». Et c’est comme ça qu’on m’a donné la vraie prescription de « DEPAKINE ». C’est en fonction du poids qu’on donne le médicament. « DEPAKINE » m’avait déjà été prescrit par un médecin à l’hôpital de Diégonifla avec une mauvaise posologie. Et le traitement n’a rien donné. Avec DEPAKINE c’est 30ml/poids. Et c’est ce que l’enfant utilise aujourd’hui. »
« L’ONG « Tous contre l’épilepsie » pour éviter de se faire arnaquer
pour conclure Olive Saka nous explique les raison de la création son ONG : » C’est au vue de cette situation que j’ai trouvé utile de créer l’ONG « Tous contre l’épilepsie ». Cette ONG est créée ce n’est pas dans le but de me faire de l’argent. Mais pour aider les personnes. Expliquer ce que j’ai vécu. Montrer ce qui se passe en réalité. Pour ne pas que d’autres personnes ne se fassent arnaquer comme moi. J’ai failli vidé mon compte parce que je voulais à tout prix la guérison de mon enfant. J’ai été négligente. Si j’avais su très tôt je n’allais pas passer par cette mésaventure. »
Le plaidoyer de Olive SAKA, dans la suite de cet article qui sera publiée le lundi 18 octobre 2021. L’ONG « Tous contre l’épilepsie » est joignable à ce numéro 225 07 77 22 98 11.
Mamesy