L’explosion des nouveaux outils de l’information et de la communication ont réellement bousculer les habitudes quotidiennes sous nos tropiques. Ainsi, l’entreprenariat via les réseaux sociaux est un moyen fortement prisé chez les jeunes, adeptes de ces canaux à impacts directs. Fulbert Koffi, en est le prototype parfait, fondateur de « l’ivoirienne de la chocolaterie », celui-ci a réussi à réaliser son rêve d’enfance, à savoir, valoriser les potentialités agricoles locales et être un leader du marché agroalimentaire sur le sol ivoirien.
L’ivoirienne de Chocolaterie est une entreprise artisane spécialisée dans la confection de chocolat de qualité aux goûts exceptionnels à partir des meilleures fèves de cacao de Côte d’Ivoire. Cette entreprise numérique innovante est un modèle entrepreneurial et une réponse probante à la problématique du chômage en Côte d’Ivoire. Au cours de l’entretien qu’il a accordé à VoixVoie De Femme, le promoteur revient sur l’origine de cette ingénieuse idée. Entretien.
Qu’est-ce qui vous a poussé à intégrer l’univers de la chocolaterie ?
Journaliste de formation et de profession, je dirige une agence de communication digitale, à côté de cela j’ai toujours été un activiste agroalimentaire notamment en ce qui concerne la transformation et la consommation de nos produits locaux. Je me suis rendu compte que plus je militais, plus les gens adhéraient à ma cause. Un matin en pleine réflexion, je pense à ces milliers de jeunes qui chaque année s’adonne aux concours en payant 10.000, 13.000 alors que seulement 200 seront retenus, je me dis mais et si ces jeunes s’associaient pour monter une entreprise ? En publiant cela, mes abonnés m’ont donné raison, C’est comme ça que je peaufine l’idée de la vente du chocolat mais avec l’esprit de mettre sur pied une structure collective et participative. Mais je vous assure que toute la procédure de création de l’entreprise s’est opérer via les réseaux sociaux, c’est dire la force d’internet aujourd’hui !
Quels obstacles se sont présentés à vous durant la mise en œuvre de ce projet ?
A la base je suis coach en motivation, je me décourage rarement et j’abandonne rarement, j’ai pour coutume de dire « Si demain veut exister il va créer ses propres conditions », je suis donc prêt à toute éventualité. J’ai accepté depuis toujours que les problèmes font partie de la vie en entrant de ce métier. Ce sont les problèmes qui rendent le travail passionnant parce qu’ils nécessitent une solution et c’est ce qui fait ma force. Les embûches j’en ai connu, notamment du fait de ne pas avoir les rudiments nécessaires pour exceller dans cet univers, mais j’ai pris le temps de me former pour combler mes limites. Il arrivait des fois où je passais des nuits blanches à multiplier les recherches pour connaître le produit que je commercialise. J’ai privilégié les échanges avec les plus expérimentés pour en apprendre davantage et cela m’a aidé à m’accomplir.
Autre difficulté, il faut dire que le cacao étant mal valorisé chez nous premier producteur, les Ivoiriens ont un autre regard sur ce produit quand il est fait par les jeunes locaux. Le défi est de leur faire accepter leur propre cacao. Car, je pense qu’ils ont encore à l’idée que le cacao est mieux quand il vient de l’extérieur. Si depuis le primaire on nous avait dit que le cacao est ce qui fait vivre la Côte d’Ivoire en nous explicitant ses vertus et avantages, on aurait surement une autre perception.
D’où proviennent vos finances ? Comment arrivez-vous à faire fonctionner cette entreprise ?
On s’autofinance, lorsqu’on a besoin de fond de roulement cela se fait en interne. On se dit pour telle période il y aura de l’affluence on a besoin de produit. Quand on doit augmenter le fond de roulement, des volontaires dans le groupe font des prêts à de petits taux. Parfois nous faisons des levées de cotisations mais qui sont après rétrocédées. Nous sommes 136 actionnaires et il y a un quota d’achat pour chaque membre et ce sont eux qui contribuent à l’avancée du groupe. Nous ne voulons pas de subventions, ce que nous accepterons de l’état c’est l’action de nous céder des marchés pour faire valoir nos produits et rentabiliser. C’est cet argent qu’on aura gagné par ces efforts qu’on arrivera à l’étape d’industrialisation accompli. Nous donner des subventions ne réglera pas nos problèmes financiers. En imposant aux écoliers par exemple de prendre un chocolat chaud le matin et le soir, on nous ouvre des portes.
Pouvons-nous savoir le nombre de travailleurs dans votre structure ?
En emploi direct nous sommes au nombre de 15, 10 personnes en interne et 5 commerciaux. En emploi indirect, on tourne autour de 50 personnes.
Comment êtes-vous organisés au sein de l’Ivoirienne de la chocolaterie ?
Nous fonctionnons comme une entreprise normale, nous sommes une SAS avec un conseil d’administration, une direction. Des chefs de production, responsable commercial qui gèrent l’atelier. Avec les autres membres nous conversons sur une plateforme et notre terrain de prédilection est le digital. A Bouaké par exemple nous avons des réseaux de distribution. Nous avons un atelier ici mais le processus commence à Bonoua où nous avons l’unité de transformation. Les fèves y sont triées, torréfiées et broyées avant d’être transporter ici en poudre ou en pâtes. A partir de là nous sommes en atelier là où le travail de création se met en place avec les collaborateurs d’ici. Le produit fini est épinglé dans notre showroom, nous le vendons directement en boutique. Nous disposons d’un chocoladrome qui permet aux clients de consommer sur place. Le 2eme maillon est composé essentiellement de distributeurs et nous travaillons à l’élargissement de notre réseau. Nous avons constaté que la grande distribution de marchandise agroalimentaire n’est pas détenue par les ivoiriens, nous nous disons qu’en mettant des produits dans la distribution classique on peut être limité. Il fallait crée notre propre réseau local de distribution et c’est ce que nous faisons.
Quel changement cette activité a-t-il apporté dans votre vie ?
Je ne savais pas que ce que je nourrissais depuis tout jeune allait se réaliser. Depuis mon enfance j’avais ce rêve d’être dans cet univers. Étant petit j’expérimentais des mélanges de produits qui donnait des résultats incroyables à la stupéfaction de mes proches. Je suis épanoui parce que je suis dans la lignée de ce que je voulais et je suis encore bien heureux de constater que j’arrive à changer le regard des gens sur le cacao. Je ressens de la fierté parce qu’avec mes éclairés (collaborateurs) on s’aperçoit que je contribue à l’avancée de mon pays. Quand le président Félix Houphouët Boigny affirmait que tout ivoirien doit être utile à son pays, je me sens inscrit dans cet ordre de pensée. J’ai un sentiment de joie, celui d’apporter un plus à l’essor de mon pays.
Comment vous démarquez vous des autres ? Quel innovation avez-vous apporter dans ce secteur ?
L’innovation se trouve dans la présentation du chocolat. L’imaginaire ivoirien pense directement à une tablette de chocolat dès qu’on parle de chocolat. Nous nous venons avec l’idée de mettre la consommation du chocolat au même niveau que l’attiéké. Tous nos produits ont des saveurs variées selon des présentations et emballages différentes made in Côte d’Ivoire que vous ne verrez pas dans les grandes surfaces. Nous voulons permettre à tout ivoirien de se procurer et déguster plus facilement le chocolat.
Parlez-nous de la rentabilité de votre activité ?
Nous ne pouvons pas parler de rentabilité à l’heure actuelle parce que nous avons moins de 2 ans. Tout début est difficile. C’est le souci de beaucoup d’entrepreneur qui n’ont pas les fondamentaux de l’entreprenariat. Ils pensent bénéfices direct or il faut d’abord maintenir l’activité, cela nécessite du temps. Nous produisons actuellement autour de 10k/jour, souvent à des week-end, sur commande ou moment de réjouissance nous effectuons le double voir triple. Nous sommes en train de percer progressivement le marché, nous parlerons de rentabilité dans peut-être 2 ou 3 ans. Pour l’instant, nous réfléchissons à la stabilité de notre business.
Quels sont vos ambitions ? Comment voyez-vous l’avenir ?
Si Dieu nous donne la santé, il s’agit d’avoir une première usine de chocolat 100% local dans environ 5 ans. Notre ambition est de détenir une grande part de marché des produits issus du cacao. L’idée derrière est qu’on puisse avoir des produits locaux à travers toute la chaîne de production. Nous attendons moins de l’Etat mais beaucoup des Ivoiriens d’où le nom de notre écurie. Qu’ils se mettent à consommer local pour donner de l’énergie à ce que nous faisons. Nous voulons être ce levier qui va booster la consommation du cacao 100% ivoirien en Afrique. L’extérieur est l’affaire des multinationales, si nous réussissons à conquérir notre pays, dans les 10 prochaines années il faudrait que notre réseau s’étende au moins aux pays limitrophes. Qu’on ait du chocolat ivoirien à Bamako, à Dakar, à Niamey ou à Ouagadougou, c’est ça le but.
Entretien réalisé par Bakayoko Ahmed