Publié le 25 avril, 2022

Inauguré le 1er avril 2022 dernier, le tout nouveau marché de Yopougon-Camp Militaire, fait déjà parler de lui. Conçu pourtant pour le bien-être des populations, il se trouve que ce marché moderne, rencontre déjà ses premières difficultés.

Face aux difficultés de places, de positionnement, les opérations de déguerpissement, Voiedefemme.net est allé en savoir plus. Reportage.

Il est exactement 10 heures lorsque notre équipe arrive sur les lieux. Sous un soleil de plomb, les cris des vendeuses se font attendre.

 A l’entrée de ce bel édifice, nous sommes d’emblée frappés par la grandeur, la modernité et le haut standing de cette nouvelle œuvre architecturale. A l’intérieur, tout y est. Et c’est avec plaisir et engouement que chaque femme s’active à recevoir sa clientèle.

Conçu à hauteur de 1 milliard 700 millions, selon le maire Gilbert Koné Kafana, ce marché dispose de 500 étals, 144 magasins, deux blocs sanitaires, un bloc administratif, sept box pour boucherie, deux locaux pour chambre froide, une mosquée, un restaurant, un espace de déchargement de marchandises, des voies de circulation des véhicules et plusieurs autres commodités.

Un spectacle que cette vendeuse de poissons frais, apprécie fort bien. Pour elle, c’est un rêve devenu réalité. « Tout est disposé comme il le faut. Tout est en place et les clients n’ont vraiment pas de difficultés à trouver ce qu’ils cherchent », s’est-elle réjouie.

Poursuivant, cette dame nous fait savoir que ce marché a la capacité d’accueillir encore plus de femmes. « Les places ne sont pas chers. Seulement à 100 000 F CFA ».  

Au moment où nous passions en revue chaque dispositif dudit marché, des cris stridents nous interpellent dehors. De quoi s’agit-il ? « L’’heure du déguerpissement », répond une vendeuse. Nous décidons d’avoir le cœur net.

Nous avançons tranquillement et prudemment lorsque la foule se disperse soudainement. En clair, les agents de la police municipale sont là. A bord de leur véhicule, ils s’attèlent à « mettre de l’ordre » autour du marché. L’objectif est simple : « dégager toutes les commerçantes qui sont autour du marché ».

Et il n’est pas difficile d’imaginer la méthode de ces agents. Puisque, très rapidement, ces derniers s’en prennent à des marchandises de certaines femmes positionnées aux abords de cet espace dédié au commerce.

Piments, tomates, oignons, attiéké, carottes, choux, … tout est emporté. Même les tables n’y échappent pas. Elles sont mises en petites pièces, au grand désarroi des femmes. En pleures, une victime se console malgré elle.  « C’est quelqu’un qui les envoie vers moi… S’ils veulent, qu’ils cassent tout. Je reviendrai de plus bel pour arranger ma table. Je serai ici qu’ils le veuillent ou pas ». Comme elle, plusieurs autres femmes qui se disent lésées, ne savent plus à quel saint se vouer.

Ce que les femmes demandent !

Toutes ces femmes, mères de famille pour la plupart, souhaitent, elles aussi, avoir une place au sein du marché. Même les personnes qui exercent dans leur magasin, situé à proximité du marché, ne sont pas en reste. A les écouter, il y a une injustice dans la gestion des affaires de ce nouveau marché.

Surtout, poursuit un vendeur de viande congelée, il a bien été interdit aux responsables des magasins d’exposer leurs produits en dehors de leur périmètre. Or, nous confie-t-il, certains commerçants sont laissés pour compte, agissant ainsi à leur guise. Chose que déplorent, avec lui, certaines femmes.

« Si on n’expose pas nos produits, comme le font les autres, comment les clients sauront ce que nous vendons ? », s’est-il interrogé.

A côté de ce vendeur de viande, de nombreuses femmes réclament avec clémence une place pour exercer librement leur activité au sein du marché. Elles le disent : « Nous sommes fatiguées de devoir fuir à chaque arrivée des agents de la police municipale ». Plusieurs pertes de leurs produits vivriers ont déjà été enregistrés.

C’est justement le cas de Mme Bla. Cette mère de famille, installée dans ce lieu depuis 1993, en appelle à la clémence des autorités pour lui trouver une place. « Nous voulons un magasin. Peu importe le prix, même s’il coûte 1 million, nous allons le prendre. Tout ce qu’on veut, c’est juste un magasin pour y mettre nos marchandises… Ma maman est dans ce marché depuis 1993. Elle est même à la base de la construction de plusieurs magasins que vous voyez ici », aimploré, désespérée, sa fille à ses côtés.

A l’en croire, sa mère a tenté tout ce qui était possible à pour avoir un espace de vente au sein du marché, mais rien n’y fit. Mieux, selon la jeune fille, sa mère est sous une pression constante à cause de ses marchandises qui sont constamment exposés au danger.

D’ailleurs, le magasin dans lequel elle exerçait, a été mis en pièce par les agents du service sanitaire de la mairie. Et ce, sous prétexte que celui-ci avait été construit sous une fosse septique. Après vérification, selon elle, il s’est avéré que ce n’était pas exact. Conséquence : les produits de vente de Mme Bla sont exposés aux intempéries du soleil et du vent.  

 « Les produits se décomposent chaque jour… C’est une grande perte pour nous. Nous ne savons pas où mettre la tête », avoue-t-elle avant d’ajouter que : « L’autre jour, nous n’étions pas sur place et les agents de la police sont venus ramasser nos marchandises pour s’en aller ».

Que disent les autorités municipales

En vérité, toutes ces femmes ont un seul but : trouver une place comme les autres. Une opération difficilement réalisable à cause du nombre de places dans ce marché. « Difficile mais pas impossible », rassure un agent de la police municipale.

Pour M. Dieudonné, le président de ce marché, « toutes ces femmes qui sont pourchassées, le méritent. C’est parce qu’elles ne se sont pas intéressées au projet du marché qu’elles n’ont pas de places aujourd’hui », indique-t-il, serein.

Selon le premier responsable des commerçants de ce nouveau joyau de la commune de Yopougon, « il y a eu une longue période de recensement des commerçants du marché. Certaines femmes, par manque de moyen, n’ont pas souscris au projet. Par contre, d’autres ont estimé que c’était inutile ».

Quant à l’agent de la police, il s’est montré plus rassurant. « La municipalité est en ce moment en phase d’audit. Chose qui pourra permettre d’identifier des places dans le marché », a-t-il assuré. Parce que, poursuit-il, il y a certaines femmes qui possèdent, plusieurs places. Chose qui est anormale. « Patienter jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée », a-t-il demandé aux femmes.

Par contre, pour ce qui est de l’opération de déguerpissement, l’agent de police s’est montré très intransigeant. « C’est de la volonté du maire, Gilbert Koné Kafana, de garder ce marché très moderne », a-t-il dit. à en croire cet homme en tenue, « aucune femme ne doit être perçue aux alentours du marché ».

« Il est évident de faire respecter la volonté du maire qui est de : ‘’faire de ce lieu, le marché le plus moderne’’… Ce sont nos mamans. Toutes ces marchandises que nous réquisitionnons, c’est juste pour les interpeller à ne pas rester-là… Vous remarquerez que si nous faisons un mois sans venir ici, sans intervenir, vous verrez comment ce lieu va devenir », insiste-t-il.

Le débat est ouvert devant cette situation. Faut-il laisser ces nombreuses femmes désespérées qui n’ont que cette activité pour subvenir aux besoins de leur famille exercer aux alentours du marché ou non ?  

Arsène Lohouré

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