En Côte d’Ivoire, le phénomène du harcèlement sexuel est une réalité, même si les victimes préfèrent très souvent se taire. Norberte Zézé, la trésorière du Réseau des Femmes Journalistes et des Professionnelles de la Communication (Ref jpci) dénonce ce fléau dans cette interview qu’elle a accordée, en ligne à VoixVoie De Femme.
En Côte d’Ivoire, les procès contre le phénomène du harcèlement sexuel sont presque rares. Peut-on pour autant conclure de sa faible ampleur au bord de la lagune Ebrié ?
A notre époque, quand on était étudiants, le terme le plus utilisé était » le droit de cuissage « . En effet, les hommes demandaient des faveurs sexuelles aux filles en quête d’emploi ou de stage en contrepartie d’une place de stage ou d’un emploi. Aujourd’hui avec le harcèlement sexuel, c’est la même réalité. En fait, là où les hommes et les femmes sont en interaction, ce problème a existé. Maintenant est-ce qu’il est plus présent dans le monde des médias que dans d’autres secteurs, je ne saurai y répondre avec exactitude. La réalité est que, face à la montée du Web 2.0 ou les réseaux sociaux, les femmes journalistes ont levé le lièvre. Les langues se délient donc.
Avez-vous des chiffres sur l’ampleur du phénomène en Côte d’Ivoire ?
On ne peut pas avancer de chiffre tant qu’il n’y a pas d’études scientifiques, sociologues sur ce centre d’intérêt. Pour ce qui est de la situation en Côte d’Ivoire, il m’est difficile d’avancer une quelconque statistique. Peut-être que ces études existent, mais je n’en ai pas connaissance.
Mais pourquoi les femmes ne portent-elles pas de plainte bien que le harcèlement sexuel soit puni par la loi ivoirienne ?
Les femmes ne portent pas plaintes à cause des pesanteurs socio-culturelles. C’est d’ailleurs le cas dans toutes les agressions que subissent les femmes, notamment le viol, les violences conjugales… Les femmes franchissent difficilement le pas. Plusieurs raisons expliquent cet état des choses. Dans nos us et coutumes, une femme qui se fait draguer, quoi de plus normal ou même banal. Mais, malgré la modernisation, nos sociétés voient encore la femme comme un objet sexuel. En raison de cette banalisation, les femmes ont souvent honte et peur d’en parler. A cela s’ajoute aussi la difficulté de se frayer un chemin sur le marché du travail. Les victimes se posent bien de question. Dans le cadre du travail, elle se demandent si elles doivent se plaindre au risque de perdre leurs emplois ou de ne pas en obtenir. L’avenir professionnel, le risque de perdre son gagne-pain, la société qui ne prête pas une oreille attentive à ces sujets sont autant de raison qui poussent les victimes à se taire.
Dans ces conditions est-ce qu’on peut dire que les femmes se résignent finalement au harcèlement ?
C’est un phénomène déplorable qui a sûrement brisé la carrière de plus d’une femme. Il a même hypothéqué les réelles chances de certaines femmes. Notre société moderne doit donc protéger les femmes par des dispositions juridiques. Si ces dispositions n’existent pas. Là où elles existent, il faut les renforcer et les rendre applicables. Il faut une sensibilisation des femmes elles-mêmes pour ne plus qu’elles aient honte ou peur de parler de ce qu’elles subissent. En plus des solutions juridiques, il faut aussi penser à l’accompagnement psychologique des femmes à travers des groupes de parole ou de soutien.
Avez-vous, vous-même été déjà victime de harcèlement dans votre métier de femme de médias ?
Personnellement, je n’ai pas été victime de harcèlement sexuel. Peut-être que je ne suis pas assez féminine ou « sexy » (ooh je rigole). Je crois que mon tempérament et ma personnalité sont suffisamment » intimidants », sait-on jamais. Sérieusement quand je faisais encore partie d’une équipe de rédaction, j’étais la seule femme journaliste de l’équipe. J’avais déjà planté le décor. Certes en riant. Mais fermement j’ai dit : « si vous avez des velléités de drague, choisissez celui que vous jugez digne parmi vous ». Peut-être que cette attitude les a pris au dépourvu et nous sommes restés de bons amis jusqu’à ce que je quitte, pour d’autres expériences professionnelles.
Cependant, j’ai connu le harcèlement psychologique ou moral en milieu professionnel. Très tôt quand j’ai vu venir, j’en ai parler au 1er responsables du journal. Ce dernier m’a rassurée et m’a mise en confiance. Malgré ça, quand une opportunité s’est offerte, je suis partie. En définitive, le harcèlement, qu’il soit sexuel ou moral, impacte négativement les conditions de travail de toute personne qui en est victime.
Vous avez peut-être été plus chanceuse ?
Chaque individu a en lui, un minimum d’estime de soi, donc personne ne peut s’accommoder d’une souffrance, d’une situation avilissante. Chacun développe alors ses propres mécanismes de défense. Quels ressorts qui permettent de supporter et supporter jusqu’où ? A chacun son seuil de tolérance.
Marina Kouakou
2 Commentaires
merci nous promettons que nous seront l’écho de la voix des femmes
J’apprécie vraiment la force féminine dont vous faites preuve et comme vous l’avez si bien dit, le procès pour ce genre de cas dans notre État est vraiment très restreint et déplorable. Le femme est ce qu’il ya de mieux à valoriser, cependant comment valoriser un tel être qui ne peut s’affirmer, cet être dont on empêche de s’exprimer, d’écouter ou encore de préserver l’innocence.
Que votre voix aie un écho là elle n’en avait pas. Il nous faudra encore des femmes battantes et une juridiction aussi digne de son nom pour épauler la femme et tel et le but de cet étudiant juriste que je suis…que Dieu bénisse toutes les femmes