Comme la plupart des entreprises du monde, le Musée national du Costume de Grand-Bassam (MNC) ressent l’impact du COVID-19. Depuis le 17 mars, plus personne ne se bouscule aux portes de ce prestigieux vestige du patrimoine culturel ivoirien.
Au Quartier France de Grand-Bassam, les rues sont presque vides ce mardi 19 mai 2020. Mais, à l’angle des boulevards Treich-Laplène et Gabriel Angoulvant, les hommes se comptent au bout du doigt. Les deux portails du Musée national du costume (MNC) sont fermés. Il est pourtant 10 heures. « Depuis la création de ce musée en 1981, jamais nous n’avons connu une telle ambiance de façon continue pendant bientôt deux mois », explique le conservateur principal du Musée, Tizié Bi Koffi, qui a bien voulu autoriser l’accès à notre équipe de reportage. L’institution muséale a dû fermer ses portes pour se conformer aux décisions du gouvernement, relativement à la lutte contre la propagation du coronavirus.
Le service minimum, assuré par N’Dah Kouamé et Soro Gbéritana, respectivement conservateur et technicienne de musée. Trois vigiles assurent la sécurité du bâtiment.
Bâti en 1893, ce bâtiment avait servi de Palais des Gouverneurs jusqu’au transfert de la capitale de Grand-Bassam à Bingerville. Il fut en effet érigé en Palais des Gouverneurs en 1893. Depuis 1981, il est transformé en musée et conserve des collections nationales des costumes, de l’organisation et du développement de toutes recherches intéressant l’art vestimentaire en côte d’Ivoire.
Nos hôtes, masqués, racontent comment la crise sanitaire de la Covid-19 a réduit leur activité. Les visites des objets d’art étant suspendues, ils se contentent de l’entretien de routine. « Les masques que nous portons ne sont pas liés à la protection contre la Covid-19. C’est notre quotidien. Notre métier impose le port du masque », explique Mlle Soro. Elle fait remarquer que le contact permanent avec ces objets nécessite cette protection contre toutes formes de poussières. Et ils se faisaient aider par une demi-douzaine de stagiaires. « Nous étions 14 travailleurs, y compris cinq stagiaires, confie N’Dah Kouamé. Le personnel est réduit au strict minimum ».
A cette heure, les deux fonctionnaires de service ce jour, n’ont pas grand-chose à faire. Chaque jour, du lundi au vendredi, le service de permanence est assuré par trois agents. « Nous attendons la levée des mesures de restriction pour espérer retrouver notre ambiance d’antan », espère M. N’Dah. La fermeture du musée prive l’institution de ses ressources additionnelles. Plus de visite, plus de recettes journalières, plus de délivrance de permis d’exportation…
Mais les victimes collatérales de cette crise sont ces dizaines artisans du musée. Tous les étals sont recouverts d’étoffes en plastiques. Quelques-uns sont restés sur place pour veiller sur les étals. Le temps de la reprise. « Nous sommes dans cette situation depuis deux mois », explique Amidou Konaté, vice-président de l’Association des artisans du musée. « Si le musée n’a plus de visiteur, c’est clair que nous n’aurons plus de clients », explique-t-il. Depuis ces longues semaines, ils n’ont reçu aucun soutien de l’Etat. « C’est à la télévision qu’on apprend que le gouvernement fait des aides. Nous espérons qu’on pense aussi à nous », espère M. Konaté. Qui en profite pour remercier ‘‘la seule âme généreuse’’ qui leur vient souvent en aide, Marie-Pierre, une philanthrope de nationalité française. « Avant la crise, chacun des artisans repartait, chaque soir chez lui, avec quelques argents pour subvenir aux besoins de sa famille. Mais la crise est en train de trop durer et cela commence à nous inquiéter », se lamente le vice-président de l’association des artisans du musée.
Le patron de l’institution, Dr Tizié Bi Koffi, est le premier à espérer la fin de cette crise sanitaire, dans les meilleurs délais. « Le problème de conservation du musée de Grand Bassam se pose avec acuité. On a donc besoin de plus de moyens pour remédier à ces problèmes. L’Etat fait des efforts pour nous accompagner et les quelques ressources additionnelles qui nous aidaient sont coupées depuis le 17 mars où le musée a fermé », fait observer le conservateur principal du Musée national du costume de Grand-Bassam. A l’en croire, le musée coupé de ses ressources additionnelles, c’est exposer le riche patrimoine culturel national à une dégradation sans précédent. D’où l’appel pressant à l’augmentation des ressources de l’Etat, mais également à imaginer des stratégies pour faire vivre le musée…avec le virus.
Ténin Bè Ousmane