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La campagne de commercialisation 2022-2023 du cacao ivoirien s’est ouverte début octobre avec une hausse du prix d’achat garanti aux producteurs. Mais malgré cette augmentation, les préoccupations des acteurs de la filière sont toujours d’actualité.

La culture du cacao représente entre 15% et 20% du PIB en Côte d’Ivoire. Elle emploie près de 600.000 planteurs et fait vivre près du quart de la population, selon le Conseil du Café-Cacao. A ce titre, cette filière est le principal pilier de l’économie ivoirienne. 

L’annonce de la hausse du prix d’achat de la fève de cacao à 900 Fcfa le kilo contre 825 Fcfa la campagne précédente a été saluée par les acteurs, notamment les producteurs. Mais les préoccupations restent les mêmes : il s’agit notamment du respect de l’application du prix d’achat du cacao sur le terrain, des exigences du marché international et de la transformation locale du produit.

A l’annonce du prix d’achat de cette campagne, Bernard Kouamé, président de la société coopérative de Gabiadji dans le département de San-Pédro (sud-ouest), a réagi. « Ce prix est à saluer. Mais il faut scrupuleusement veiller à son respect sur le terrain pour le bonheur du petit producteur », avait-il déclaré. 

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Pour justement lutter contre cette pratique, le gouvernement a procédé à l’identification magnétique des producteurs. La remise des premières cartes individuelles permettant de faire les transactions commerciales de façon sécurisée s’est déroulée le mercredi 6 avril 2022 à la salle des fêtes de l’immeuble de la Caistab, à Abidjan Plateau, au cours d’une cérémonie officielle organisée en présence du ministre d’Etat, ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Kobenan Kouassi Adjoumani.

Carte du producteur

A cette cérémonie le directeur général du Conseil du café-cacao, Koné Brahima Yves, a communiqué les caractéristiques de la « Carte du producteur ». Portant les mentions d’identification du bénéficiaire, elle lui attribue également un matricule et précise la localité et la délégation dont il est issu.

Ce document sert de carte bancaire sécurisée utilisée comme portefeuille électronique pour les transactions commerciales sur le café-cacao et permet également à son détenteur d’effectuer des paiements relatifs aux ventes de produit, de faire des dépôts et envois d’argent ainsi que les transactions commerciales sur le café et le cacao.

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« Combien de fois n’avons-nous pas souffert des acheteurs véreux qui veulent payer notre café et notre cacao, fruit de dur labeur, à un prix en dessous du prix fixé par le gouvernement ? Combien parmi nous ont perdu des sommes considérables et même la vie en transportant de l’argent de la vente de notre cacao et de notre café ? », avait commenté le porte-parole des producteurs, Anoh Frédéric. Et de remercier les autorités ivoiriennes, en premier chef le président de la République, pour cette initiative inédite dans l’histoire de la filière en Côte d’Ivoire.

Mais la filière de « l’or brun » est confrontée à un autre gros problème. La Côte d’Ivoire, le numéro un mondial de la production de cacao, est mise sous pression par l’Union européenne qui représente plus de 67 % de ses exportations. En cause, une série de mesures en cours d’application depuis plus d’un an et qui prévoit de n’autoriser l’entrée sur le marché européen que des produits dont la chaîne d’approvisionnement respecte des critères préétablis comme la lutte contre la déforestation et la lutte contre le travail des enfants dans les plantations.

Interrogé sur RFI et France 24, en février dernier, au moment du sommet UE-Afrique, le président Alassane Ouattara s’est insurgé contre ces nouvelles directives qui pourraient entrer en vigueur en 2024. « Si les Européens ne veulent pas acheter notre cacao, d’autres vont l’acheter. Si les Américains ne veulent pas acheter notre cacao, d’autres pourront l’acheter. Nous devons travailler ensemble à ce que le cacao soit durable », avait-il affirmé. Le président avait accusé les pays occidentaux – responsables de l’essentiel de la pollution mondiale depuis la révolution industrielle – de donner des « leçons » d’écologie à l’Afrique.

L’industrialisation

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L’autre stratégie privilégiée du gouvernement est l’industrialisation. Le secteur de la transformation (broyage des fèves, compression de la pâte de cacao, etc.) représente 7 à 8% de la richesse créée. C’est donc le doublement de la valeur ajoutée de sa filière que vise la Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, celle-ci maîtrise déjà 35% de la transformation de son cacao ; pour un volume supérieur à celui des Pays-Bas, très actifs dans le secteur. Le gouvernement, qui poursuit sa politique de création d’usines de broyage, vise une capacité de 100% à l’horizon 2030.

Pour Axel Emmanuel Gbaou, célèbre artisan chocolatier ivoirien, cette stratégie va dans le bon sens. « Avoir la capacité de broyer notre cacao supprimerait les intermédiaires actuels. Et nous donnerait mécaniquement plus de poids dans la négociation avec les confiseurs. Cela changerait la donne ». Mais comment maximiser la redistribution de richesse vers les planteurs ? En maîtrisant la transformation, le gouvernement pourrait certes mieux contrôler les prix. Mais une autre solution pourrait aussi viser à doter les planteurs ou les coopératives, en unités de transformation. En d’autres termes, créer un écosystème de petites et moyennes entreprises industrielles.

On le voit, la Côte d’Ivoire est confrontée à la survie de la filière cacao. Dans cette optique, le gouvernement a engagé une série de mesures pour rassurer les producteurs et pérenniser la culture du cacao.

Sékongo Naoua

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