Il est né et a grandi dans le commerce de la mangue. Il y a prospéré et il est aujourd’hui propriétaire d’usine, héritage familial transmis de père en fils depuis 3 générations. Sofa corporation est la première entreprise industrielle de conditionnement de fruit et légumes de la ville de Sinematiali.  Monsieur Soro, nous parle de son activité.

Quelle est la différence entre usine de traitement et usine de transformation ?

Il y a une usine de transformation de fruits séchés tropicaux à Assé, dans la commune de Bonoua. Elle a été mise en service en avril 2021. Je ne l’ai pas encore visitée. Sinon il n’y a pas d’usine de transformation de la mangue en Côte d’Ivoire. Mais on a commencé à implanter des usines de mangue séchée.

Quel type d’usine avez-vous ?

Nous avons une usine de conditionnement de la mangue fraîche. Mais en accord avec les membres de ma famille nous avons installé une usine de mangue séchée. Les rejets par tri de l’usine de conditionnement sont acheminés dans cette usine pour la transformation en mangue séchée.

Comment êtes-vous devenu propriétaire d’usine ?

C’est une histoire de famille. Mon grand-père fut le premier commerçant de mangues à Sinematiali. Mon père a pris la relève. Je travaillais avec mon père. C’est donc une activité familiale. Mon grand-père achetait la mangue, se rendait à Ferké pour prendre le train et allait la vendre à Abidjan. Mon père a appris auprès de lui et nous avons pris la relève aujourd’hui.

Combien coûte une usine de conditionnement ?

Il n’y a pas un montant fixe. La mienne a coûté plus de 100 millions de nos francs.

Avez-vous des associés ?

Ph: DR

Oui. Ce sont mes frères qui sont mes associés. On a fait de cette activité une affaire familiale. En réalité nous avons trois usines de conditionnement. Il y a celle que mon père nous a laissée, celle de mon petit frère et la mienne. En plus de ses trois usines de conditionnement, nous avons monté en commun l’usine de la mangue séchée.

Vu les potentialités dans la filière est-ce que vous songez à dépasser le cap de l’usine de la mangue séchée ?

On y songe. On a déjà fait le business-plan et on est confronté au problème de financement. C’est le gros souci en Côte d’Ivoire ce côté de financement de projet. Les banques ne sont pas très réceptives à ce genre de demandes. Spécialement dans la filière mangue les montants pour acquérir du matériel d’usines sont très élevés si bien que les banques sont hésitantes. Il n’y a pas de facilité à avoir des financements. Pour faire l’usine de la mangue séchée nous avons fait toutes sortes de démarches auprès d’une banque sans avoir gain de cause.

Est-ce les acteurs que vous êtes ne peuvent pas s’unir pour installer une vraie usine de transformation ?

C’est une possibilité. Mais chacun de son côté se débat tellement pour faire fonctionner son unité que c’est extrêmement difficile.

Est-ce que la concurrence est saine entre vous ?

En matière de commerce ce n’est pas évident d’avoir une concurrence saine. Chacun veut avoir plus que l’autre. Et puis il y a la survie. Il faut fonctionner pour continuer d’exister.

Quelle sont les étapes de création d’une usine de conditionnement ?

Le gros problème en Côte d’Ivoire est le côté finances. Sinon avec l’administration c’est facile. Tu te fais établir les documents demandés et tu peux créer ton usine si tu en as les moyens.

Vous employez combien de personnes pendant la campagne ?

Le nombre varie en fonction de la campagne. Cette année on avait près de 130 personnes dont 80 à 85 femmes.

Quel conseil pouvez-vous donner à quelqu’un qui veux investir dans le conditionnement de la mangue ?

J’ai toujours du mal à donner une réponse à cette question. Mais en toute chose il faut avoir l’amour de ce qu’on veut faire. On ne se lève pas pour entrer dans la filière mangue qui veut. Il faut avoir les moyens et maîtriser l’environnement. Connaître le fonctionnement dans la filière parce que même pour faire le commerce il faut se former. Nous qui sommes déjà dans la filière continuons de nous former.

Est-ce que vous bénéficiez des programmes nord-sud ?

C’est vrai qu’il y a toutes ses possibilités qui s’offrent à nous. Mais on ne pourra en bénéficier que si l’Inter-mangue arrive à s’installer. Généralement ces projets se traitent avec des groupements. C’est pour cela qu’on s’attèle à rendre fonctionnel l’Inter-mangue.

Au niveau de l’Etat est-ce que des actions sont menés pour aider la filière à s’améliorer ?

L’Etat s’implique. Quand la filière était sous menace d’embargo, l’Etat a subventionné les produits de traitement des vergers. Pendant deux ans l’Etat a préfinancé les produits pour les planteurs. Mais l’assistance de l’Etat est minime parce que jusque-là l’Inter-mangue n’est pas encore légalement constituée. Il reste un certain nombre de documents à fournir.

Supposons qu’une personne veille créer un verger. Que faites-vous en tant que patron d’usine de conditionnement ?

Ce que nous pouvons faire c’est de vous démarcher. Vous savez qu’il y a plusieurs unités de conditionnement. La deuxième approche est de vous attendre tranquillement dans nos bureaux. Vous savez que chaque usine a sa renommée.

Quelles sont les zones de production actuellement ?

On a des plantations jusqu’à Bouaké et même à Yamoussoukro. Mais l’essentiel dans la production c’est le traitement des vergers. Par exemple, il n’y a pas beaucoup de plantations dans la zone de Bouaké si bien que personne n’a pensé à y implanter une usine. Donc ses vergers sont tellement loin des zones de conditionnement que personne ne pense porter assistance.

Sinon la mangue à Bouaké arrive à maturité avant celle de la zone de Korhogo. Quand on prend l’exemple du Pérou, ils font six mois de campagne. C’est parce que le pays est grand. Donc quand la campagne commence là-bas elle s’enchaîne sur les six mois.

C’est donc un avantage pour l’Inter-mangue d’encourager le développement de la production de la mangue vers les zones de Yamoussoukro et Bouaké!

C’est vrai que la mangue de Yamoussoukro arrivé en maturité avant celle de la zone de Bouaké qui à son tour arrive en maturité avant celle de Korhogo. Mais la réalité c’est que la mangue réussit plus en savane que dans ces zones-là. Le climat au nord est plus adapté à la culture de la mangue.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés ?

Dans la filière mangue il y a des années où vous gagnez et il y en a où vous perdez de l’argent. Ces trois dernières années ont été des années de perte. Il y a beaucoup d’exportateurs qui doivent aux planteurs.

Cela est aussi dû aux exigences sur le marché. Les différentes certifications qu’ils faut chercher font que les choses sont devenus plus difficiles. Vous savez aussi que le marché est régi par la loi de l’offre et la demande qui n’est pas toujours favorable. A cela s’ajoute le fait que la campagne ne dure qu’un mois à cause du changement climatique.

Que faîte-vous pendant les onze mois restants ?

Ph: DR

Il n’y a pas d’activités à l’usine pendant cette période. Tout le monde est libéré sauf les vigiles, le chef du personnel et le comptable. Ce sont les permanents.

Est-ce que ces permanents sont pris en compte toute l’année ?

Oui ils sont payés douze mois sur douze.

Que faites-vous pendant les autres mois ?

Avec l’esprit d’entrepreneur que nous avons, chacun pense à agrandir son empire. Nous mettons à profit ce temps pour faire l’entretien de l’usine, la maintenance et à réfléchir aux activités qui peuvent être menées. Certains dans la filière ont des activités annexes d’autres pas.

La Côte d’Ivoire occupe quel rang au plan mondial ?

On est loin derrière le Brésil et le Pérou.

Qu’est-ce qui explique cet écart ?

Je pense qu’il y a une histoire de climat. A cela s’ajoute le fait qu’en Côte d’Ivoire on n’arrive pas encore à traiter correctement les vergers. Au Pérou et au Brésil ce ne sont pas des vergers de deux à trois hectares que vous voyez mais de grandes superficies. Ce type de verger est plus facile à traiter que les petits vergers que nous avons ici en Côte d’Ivoire.

Est-ce que les exigences du marché européenne sur la traçabilité des produits venant d’Afrique est d’actualité dans la filière mangue ?

C’est une réalité au niveau de la mangue. Quand j’ai parlé de conditions qui s’imposaient à nous c’est tout cela. Chaque année il y a plusieurs certifications qu’on demande et cela coûte cher. Fort de cela s’il y a un souci sur un de mes cartons sur le marché européen, à partir du code je peux vous dire de quel verger la mangue a été récolté et sa date de conditionnement.

Est-ce une condition pour vendre sur le marché de l’union européenne ?

Tout dépend de votre client. Si le client l’exige, on est obligé parce que l’on a du produit à vendre et l’acheteur nous le demande. Notre intermédiaire ne le demande que si son acheteur à lui le demande. C’est donc une chaîne dans laquelle nous n’avons pas de pouvoir. Chaque année des gens viennent contrôler les conditions de travail dans nos unités de conditionnement. Ils posent des questions à ceux que nous employons pour savoir comment ils sont traités.

Vous avez une usine de mangue séchée. Comment cela se passe-t-il ?

Nous exportons la mangue séchée au même titre que la mangue fraîche. Le marché le plus convoité avec la mangue séchée est le marché américain. Mais pour y parvenir il faut une certaine quantité. Il faut 600 à 800 tonnes pour avoir accès à ce marché. Ce qu’on n’arrive pas à faire puisqu’il n’y a pas encore assez d’usine de mangue séchée. Mais de plus en plus certains acteurs s’intéressent aux unités de la mangue séchée.

Réalisé par Sékongo Naoua

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