En Côte d’Ivoire, des Comités de gestion des établissements scolaires (COGES) sont institués pour impliquer d’avantage tous les acteurs de l’école, y compris les parents, à la promotion de l’institution éducative. Mais ces structures créées depuis 1995 ne font plus l’unanimité.
« Même pour les simples devoirs de classe, on demande aux parents de cotiser », s’exclame, agacée, Samassi Mariam, mère de deux élèves, rencontrée ce jeudi 12 novembre 2020. Son premier, l’aîné, un garçon en classe de seconde, fréquente le lycée moderne d’Abobo, quand le deuxième, une fille, est en classe de CM2, au Groupe Scolaire Ouantoué, une école primaire publique située à Abobo-Jean-Tahi. En plus des frais annexes à l’inscription qu’exigent les Comités de gestion des établissements scolaires (Coges) de ces deux écoles, cette veuve de 48 ans se voit talonner pour d’autres ‘‘cotisations Coges’’ et qui viennent de façons impérissables.
Depuis 1995 la Côte d’Ivoire a adopté la gestion participative de l’école en impliquant plus activement, les parents d’élève. Des Comités de gestion des établissements scolaires (COGES) ont ainsi été institués. Le « COGES » a pour mission de contribuer à la promotion de l’établissement où il siège et d’y créer les conditions d’un meilleur fonctionnement ; d’aider à l’entretien courant des bâtiments, des équipements et à la sauvegarde du patrimoine et de l’environnement ; de contribuer à l’encadrement civique et moral des élèves et stagiaires ; de favoriser l’intégration de l’établissement scolaire dans son milieu ; d’apporter un appui aux activités socio-éducatives de l’établissement ; de suivre l’évolution des effectifs des élèves et du personnel au sein de l’établissement et d’apporter un appui aux activités pédagogiques.
Il contribue également à la résolution du problème de déficit d’enseignants ; aide à la promotion de l’installation des cantines scolaires ; œuvre pour l’hygiène et la santé en milieu scolaire ; assure le suivi de la gestion des manuels scolaires ; recouvre et gère toutes les ressources financières de l’établissement autres que le budget de l’État.
Le COGES est chargé de gérer, pour le compte de l’établissement, les fonds générés par les activités génératrices de revenus qu’il initie ; d’aider à lutter contre la violence et la tricherie à l’école et d’assister les autorités de l’établissement dans la gestion des crises. Une panoplie de mission !
Mais de plus en plus de parents d’élèves se plaignent du fonctionnement de ces structures. En cause ‘‘les cotisations abusives’’ comme le dénonce Samassi Mariam. A chaque rentrée scolaire, les parents d’élèves sont appelés à payer des frais annexes durant les inscriptions en lignes.
« Le ministère de l‘Education national n’a pas d’influence sur les COGES », précise la ministre Kandia Camara. « Nous avons une direction d’encadrement du fonctionnement de ces structures. Mais le ministère n’intervient aucunement dans leur fonctionnement. C’est le Bureau qui se réuni et qui évalue les besoins et qui fixe le montant des cotisations de chaque année », explique-t-elle. Tout en insistant sur le fait que ce sont les parents d’élèves, majoritaires dans les différents bureaux, qui décident. Ces bureaux de GOGES, installés dans chacun des 18 000 établissements du pays fixent leur cotisation en fonction des besoins. Et ils sont placés sous la tutelle des collectivités territoriales. Les mairies s’occupant des écoles primaires quand les lycées et collèges sont sous la coupole des conseils régionaux.
« Ces maires et présidents de conseils régionaux devraient, en principe, prendre en charge toutes les dépenses de l’école dans leur circonscription. C’est aussi le rôle de toutes ces structures décentralisées. On ne doit pas faire payer des réparations d’établissements à des parents quand on sait que les communes ou les conseils régionaux peuvent dégager des lignes budgétaires pour y faire face », confie Bakayoko Sidiki, administrateur civil.
En octobre dernier, la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci) a condamné ces frais annexes imposés aux parents au nom des Goges. Et elle prévoit d’entrer en grève si ces taxes n’étaient pas supprimées. « Nous partageons entièrement cette revendication de nos enfants de la Fesci », soutient Aka Kadio Claude, président de l’Organisation des parents d’élèves et étudiants de Côte d’Ivoire (OPEECI). « En principe c’est notre combat que ce syndicat mène. Tous les parents d’élèves grognent. Nous commençons à nous interroger sur l’utilisation de cet argent collecté chaque année. Et on ne fait jamais de point sur ce à quoi l’argent a servi. Quand vous allez dans nos écoles, vous voyez des bâtiments, tables, bancs abîmés et même des problèmes de latrines. Pourtant nous cotisons chaque année », se plaint le président de l’OPEECI. « On a l’impression que ces comités sont créés pour enrichir des gens. Nous avons dans notre programme d’action pour l’année scolaires 2020-2021, un projet de réflexion sur ces structures », souligne M. Kadio.
Pour l’administrateur Bakayoko Sidiki, la création des COGES s’apparente à ‘‘un abandon’’ de l’école par les pouvoir publics. « On a le sentiment que l’Etat ne veut se limiter qu’à affecter du personnel enseignant dans les écoles et laisser tout le reste à la charge du parent d’élève », s’offusque-t-il. « On ne peut pas proclamer la gratuité de l’école et laisser à la charge des parents d’élèves la gestion globale de l’établissement ». Il invoque même le décret 2012-488 du 7 juin 2012 en son article 27 qui évoque clairement une mobilisation de fonds, y compris par les parents d’élèves pour s’occuper du gardiennage, de la sécurité, des coopératives, des fêtes scolaires et sportives… « Il faut réfléchir. A défaut de supprimer les COGES, il faut une réforme profonde pour soulager les parents », plaide Kadio Claude.
Ténin Bè Ousmane
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