Yacouba Sangare est un passionné du 7ème Art. Vice-président de la Fédération africaine de la critique cinématographique (FACC) et président de Ciné Connexion, l’association des critiques de cinéma ivoirien, le journaliste de profession préside depuis un an, le Cinéma Numérique Ambulant (CNA). Dans cette interview accordée à VoixVoie De Femme, il évoque les grands défis de l’industrie cinématographique en Côte d’Ivoire.
En Côte d’Ivoire, vous êtes bien connu dans le domaine du cinéma. Vous dirigez aujourd’hui le Cinéma Numérique Ambulant. Pouvez-vous en quoi consiste ce type de cinéma et quelles en sont ses missions ?
Le Cinéma Numérique Ambulanta pour principal objectif de diffuser des films africains dans des régions où le cinéma existe très peu. Créé par deux techniciens français du cinéma, Christian Lambert et sa compagne Laurence Vendroux, le CNA est né en 2001 à Ouidah au Bénin d’un constat simple : les films de qualité réalisés en Afrique et qui racontent, pour la quasi-majorité d’entre eux, des histoires qui concernent et intéressent les Africains ne sont pas accessibles à ceux-ci, faute de structures de diffusion adéquates et aussi de salles de cinéma.
Le CNA a donc décidé de mettre à profit la légèreté et la qualité du numérique afin d’apporter le cinéma africain vers son public naturel : celui des villages et des quartiers populaires. En plus des films de fictions (courts et longs métrage), il projette également des productions audiovisuelles destinées à sensibiliser les populations sur les graves problèmes de développement, de santé ou de société auxquels elles se heurtent.
Le CNA est un véritable outil de développement culturel et social au service des populations.
Le réseau des CNA gère aujourd’hui une vingtaine d’unités de projections installées dans dix pays : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, France, Mali, Niger, République centrafricaine, Sénégal et Togo.
Le CNA est un réseau solide d’associations nationales indépendantes, toutes membres du CNA Afrique, leur fédération basée à Ouagadougou. Le Cinéma Numérique Ambulant s’est imposé comme l’un des plus importants diffuseurs en Afrique, avec 1200 séances de cinéma et 300 000 spectateurs enregistrés par an. Le 29 juin et le 20 août 2001 au Bénin. Le succès de l’initiative est immédiat. Les 40 séances de projetions organisées rassemblent 15 000 spectateurs, soit une moyenne de 375 participants par séance. Suffisant pour rassurer les partenaires qui décident d’accompagner le projet. Une association est créée, deux unités mobiles de projection installées à Ouidah et à Natitingou, un véhicule et du matériel acquis, le personnel recruté et les premières tournées planifiées : le Cinéma Numérique Ambulant est né !
Comment distinguez-vous ce Cinéma numérique du cinéma en général ?
Le cinéma numérique, c’est la production et la diffusion d’œuvres cinématographiques dans un format numérique professionnel normalisé et sécurisé par des normes internationales ISO. Ce qui l’implique l’utilisation d’outils numériques pour faire ces films et les distribuer.
Aujourd’hui, avec la révolution technologique, tout le cinéma est numérique. Les films sont tournés avec des caméras numériques de dernière génération et circulent dans le monde, en fichiers numériques. Ils sont facilement transportables sur des disques durs, ou téléchargeables sur des plateformes sécurisées comme Vimeo, pour ne pas faire de publicité. Dans cette dynamique, les salles de cinéma se sont également mises à l’ère du numérique. Il y a quatre ans, en 2016, 98,2% des écrans du parc mondial étaient équipés en cinéma numérique. Je pense qu’aujourd’hui, c’est 100% ; parce que plus personne ne produit de film en argentique, entendez par-là l’utilisation de la pellicule. Avant l’avènement du numérique, les films étaient produits et diffusés avec des pellicules, enroulés dans de grosses bobines. A cette époque, la production cinématographique était très onéreuse, car les pellicules coûtaient très chères. Aujourd’hui, avec une caméra numérique dotée d’une bonne résolution HD, vous pouvez prétendre faire un film. Le numérique a, en quelque sorte, démocratisé la pratique du cinéma, quoique faire du cinéma a des règles et s’apprend. C’est un peu comme en photographie, qui utilise aujourd’hui la pellicule ? Plus personne. Tous les appareils photographiques qui sont fabriqués sont désormais numériques. C’est la même chose pour le cinéma, avec les caméras. Le support argentique fait dorénavant partie du passé.
Quel bilan pouvez-vous dresser, un an après la création du CNA ?
Nous n’avons pas fait grand-chose, en termes d’activités. Nous avons organisé les projections de films du Festilag (Festival du film des lagunes) organisé par la comédienne ivoirienne Naky Sy Savané. Nous avons plutôt consacré cette première année d’existence du CNA en Côte d’Ivoire à la mise en place effective de la structure : démarches administratives pour la reconnaissance légale de l’association ; formation de notre équipe technique (projectionniste et animatrice) ; acquisition d’équipements (écran, vidéoprojecteur, écran, groupe électrogène etc.). L’année 2021 sera consacrée au déploiement sur le terrain. Nous initierons des projets et nous organiserons beaucoup de projections de films.
Où sommes-nous avec le festival annuel Ciné Droit Libre à Abidjan, dont vous êtes l’initiateur ?
Ciné Droit Libre, qui est un festival de films sur les droits humains et la liberté d’expression, se porte bien, en dépit des péripéties pour lever des fonds. La 12ème édition s’est déroulée du 14 au 17 octobre dernier autour du thème : « Pour des élections apaisées ». Elle a sensibilisé les populations sur la nécessité d’aller à des élections apaisées. Concrètement, le festival s’est articulé autour de quatre axes principaux à savoir : les projections débats au Goethe-Institut, à l’Institut Français et à la Cité Houphouët-Boigny de Koumassi ; l’atelier de formation des journalistes sur la couverture électorale dans les locaux de la Fondation Friedrich Naumann pour la liberté ; l’atelier d’Education des populations aux droits humains à Abobo-Sagbé et Koumassi Cité HB ; la campagne digitale «1 mot pour la paix » qui a consisté à diffuser des messages de célébrités et de citoyens ordinaires appelant à la paix et à des élections sans violence.
Je rappelle que le festival a été organisé en partenariat avec la Fondation Magic System et l’Union européenne dans le cadre du projet « Engagés pour la paix ». Le parrain était A’salfo, lead-vocal de Magic System. Les activités se sont bien déroulées et nous avons eu des débats instructifs.
Ténin Bè Ousmane
1 Commentaire
Merci Sangaré Yacouba, vice-président de la FACC, une interview riche et intéressante. À lire et à faire lire. Merci à VoixVoie De Femme.