Le gouvernement ivoirien exige un quota de 30% de siège à l'Assemblée nationale réservés aux femmes.

Dans le souci d’améliorer le taux de représentations des femmes dans les assemblées élues, le gouvernement a pris une loi pour exiger un quota d’au moins 30% dans lesdites tribunes. Les élections législatives du 6 mars 2021 s’annoncent comme un scrutin test à cette révolution en Côte d’Ivoire.

« J’estime qu’en Côte d’Ivoire, on n’analyse pas les lois en profondeur (…) Je suis candidate pour changer les choses ». Gonflée à bloc, Générosa Kouadio, a décidé de se lancer dans la course cette année. Elle brique le siège de député pour l’une des circonscriptions de la région du Bélier, plus précisément la circonscription 020. Journaliste de profession, cette jeune femme fait bien partie des 464 femmes candidates aux législatives du 6 mars 2021 qui ont décidé de croiser le fer avec 3174 candidatures hommes ! Un chiffre bien infime puisqu’elles représentent seulement 14, 62% de candidats pour la prochaine législature. Au regard de ces chiffres, ont les jugerait défaites d’avance. Mais cette année, les femmes déjà très faiblement représentées dans les assemblées élues, ont avec elle, la loi du 14 octobre 2019.

Marguerite Yoli-Bi, commissaire centrale à la CEI.

L’article 3 stipule de ce texte stipule que pour les scrutins uninominaux ou de liste, un minimum de 30% de femme sur le nombre total des candidats présentés au cours de la consultation électorale est exigé. Et toute liste de candidature doit respecter l’alternance des sexes de telles sorte que si deux candidatures de même sexe se suivent, la troisième doit être de l’autre sexe.

L’un de ses articles va plus loin pour assurer à tout parti politique ou groupement politique dont la liste atteint au moins 50% de femmes candidates, lors des scrutins précités, « un financement public supplémentaire ». Elle a été sanctionnée, en novembre 2020 par un décret d’application.

Faut-il noter que ce texte a été pris pour rehausser la présence des femmes dans les assemblées de prise de décision, comme l’a bien relevé ce vendredi 29 janvier 2021, la Commissaire centrale de la Commission électorale indépendante (CEI) Marguerite Yoli-Bi. Lors d’une conférence qu’elle donnait au Centre des médias et de l’information électorale à Abidjan, l’activiste faisait remarquer que son pays reste très mal classé, en la matière, tout en se référant aux statiques mondiaux de 2019 de l’Union internationale des parlements (UIP). « La Côte d’Ivoire est classée 160ème sur 193 pays, avec 11,37% de femmes à l’Assemblée nationale, là où le Niger est 122ème, avec 29 femmes sur 171 députés, avec 16, 95% ; là où le Sénégal est 11ème avec 69 femmes sur 165 députés soit 41, 08% ; là où le Rwanda occupe la première place avec 49 femmes sur 80 députés soit 61,21% ; là où la France est 17ème avec 228 femmes sur 577 députés », égrenait-elle.

Pis, au-delà de l’Assemblée nationale, le pays ne compte que 19 sénatrices sur 99, soit un pourcentage de 19,19% ; 16 femmes maires sur 201 au total pour un taux de 7,96% ; sept femmes sur 41 ministres, soit 17,07% et seulement une seule femme présidente de Conseil régional pour les 31 régions, soit 3,33% !

Cette loi censée booster la présence des femmes à l’Assemblée nationale va-t-elle donner des résultats escomptez ? La Commission centrale de la CEI ne veut pas en douter. En effet, si les 212 candidates sont élues, elles dépasseront de loin les 50% puisque l’assemblée nationale ne compte que 255 élus. « Le nombre de femmes candidates est certes bas par rapport à celui des hommes, mais il est bon par rapport aux sièges que les femmes veulent », se veut confiante la commissaire centrale de la CEI, non sans se réserver de ce qu’il s’agit bien d’élection et que seuls les électeurs ont le dernier mot.

Mme Yoli-Bi entouré des femmes leaders au terme de sa conférence au Centre des médias.

D’ailleurs Marguerite Yoli-Bi concède qu’il existe bien de défis devant ces femmes à l’assaut de l’Assemblée nationale. L’un d’eux est le gap qui la sépare du code électoral de la loi du 14 octobre 2019. L’ordonnance qui l’intègre dans le code électoral l’a amputée ! « Cette ordonnance stipule que pour les législatives, le quota de 30% ne s’applique qu’aux circonscriptions de plus de deux sièges. C’est-à dire celles qui ont trois, quatre, cinq, six et sièges, Il y en a sept », révèle Marguerite Yoli-Bi. Précisant que cette disposition a bel et bien été respecté par la CEI dans ses délibérations. « Notre bréviaire, c’est le code électoral qui dit qu’il faut 30% de femmes dans les assemblées élues pour les circonscriptions de plus de deux siège », souligne la commissaire centrale de l’institution dirigée par le magistrat Ibrahim Kuibiert Coulibaly.  Ces circonscriptions concernées sont le Tchologo, le Poro, le Haut-Sassandra, le Gbêkê et les communes Koumassi, Abobo, Yopougon. La loi a donc été respectée par la CEI seulement dans les sept circonscriptions électorales. « Ce n’est pas beaucoup, mais c’est ce qui est écrit dans la loi électorale qui nous régit. C’est en partie ce qui est dans la loi or la loi électorale est une loi organique. Ce qui fait qu’elle est au-dessus de la loi simple (…) J’ai un souci avec cette nuance en tant qu’activiste femme. Mais en tant que commissaire de la CEI, on ne me demande pas de commenter ni de modifier la loi. On me demande de l’appliquer », regrette la conférencière.

Cette nuance ne décourage pas pour autant les femmes qui semble bien décidées et entendent se soutenir le 2 janvier 2020, la présidente du Groupement des organisations féminines pour l’égalité homme-femme (GOFEHF), Rachel Gogoua annonçait la formation de 75 candidates, 75 suppléantes et 75 directrices, campagnes retenues après délibération. « Le GOFEHF s’engage à accompagner toutes les femmes dont les candidatures seront validées par la Commission électorale indépendantes (CEI) et prévoit aussi d’aller dans leurs différentes circonscriptions électorales pour des missions de sensibilisation à leur profit ». Le groupement a par ailleurs lancé une invitation à toutes les femmes désireuses d’être candidates et qui sont bien implantées dans leurs circonscriptions électorales à s’inscrire pour la formation.

Marguerite Yoli-Bi se félicite de ce coup de fouet du gouvernement donné à l’ambition politique des femmes, mais elle espère plus d’engagement de l’Etat ivoirien. « Le gouvernement a fait un pas en prenant cette loi ; qu’il fasse un autre pas en nommant au moins 30% de femmes et de jeunes aux postes de décision. Ce ne sont pas les expertises qui manquent. Il peut même adopter une loi de sièges réservées aux femmes, comme cela se fait au Rwanda », plaide l’activiste, experte en question du genre.  

Ténin Bè Ousmane

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