Les femmes subissent pas mal d’inégalités sur le marché du travail. Outre le fait qu’elles soient en sous-effectif, elles souffrent d’inégalités salariales. Pourtant, selon le rapport de la banque mondiale sur la situation économique de la Côte d’Ivoire intitulé « Et si l’émergence était une femme », le pays pourrait gagner au moins 6 milliard de dollars s’il venait à respecter les normes d’une société équitable et juste.
La plus part des entreprises préfèrent collaborer avec les hommes. Pourquoi ? « Avec eux, les choses vont vites. Il n’y a pas de grossesses qui pourraient interrompre le travail. La seule indisponibilité se trouve parfois au niveau des congés ou congés maladie. Pourtant avec les femmes, c’est tout autre chose. Il y a la grossesse qui inclut les lourdeurs, les descentes un peu plus tôt lorsqu’elles sont nourrices, le souci de rentrer faire à manger à la famille les soirs, sans compter les congés maladies auxquels elles ne sont pas épargnées aussi », explique Jérôme A, Entrepreneur à Abidjan. Sur une dizaine d’employés, ce dernier ne collabore qu’avec 2 femmes. « Qu’es ce que vous voulez, l’entrepreneur ne vise que le gain », se justifie-t-il.
En Côte d’Ivoire, les femmes sont moins présentes sur le marché de l’emploi, mais aussi sous payées. Le rapport de la banque mondiale « Et si l’émergence était une femme », indique par ailleurs qu’« en 2015, le pays occupait le 11ème rang sur 188 pays quant à l’indice de l’équité des genres ».
A SOPHIA (Société Anonyme pour la promotion de l’habitat, des infrastructures et de l’aménagement foncier), on compte « une quarantaine de femmes et une centaine d’hommes », selon Mme Koné, Directrice du service communication. Mais, « Il n’y a pas de soucis au niveau de la rémunération. Je touche le même salaire que les autres directeurs de l’entreprise », témoigne-t-elle.
Si ladite entreprise fait l’exception quant aux inégalités salariales en Côte d’Ivoire, les statistiques nationales, indiquent qu’ « une femme reçoit en moyenne un salaire mensuel de 94 000 FCFA, alors que celui d’un homme avoisine les 141 000 FCFA » selon la Journaliste écrivaine Agnès Kraidy, Spécialiste des questions du genre qui a donné une conférence sur la thématique le 9 mars 2021 à l’occasion de la journée internationale de la femme.
Nous avons ces chiffres, poursuit-elle « parce que les femmes participent moins au marché de l’emploi. Elles sont occupées que les hommes dans les tâches ménagères. Les femmes consacrent deux à trois heures par jour de plus que les hommes à s’occuper des tâchent ménagères. Elles prennent deux à 10 fois plus de temps à prendre soin des enfants, et passent un et quatre fois moins d’heures sur le marché du travail.
Ce qui entrave leur promotion économique ou social. Elles ont moins accès à des emplois productifs que les hommes. Elles travaillent souvent dans des entreprises petites et informelles faiblement productives. Cette proportion est de 90% alors qu’elle n’est que de 68% pour les hommes. Cet écart est encore plus grand dans les zones urbaines ou 52% des hommes occupent un emploi salarié dans une entreprise formelle ou dans le secteur public contre 26, 4% pour les femmes. Elles sont aussi moins présentes dans la fonction publique qui est relativement bien payée et sécurisante », développe la spécialiste.
A l’en croire, l’inégalité à l’endroit des femmes est due à des facteurs économiques mais aussi sociologiques. « Sur le plan économique, éduquer un enfant coûte chère à une famille alors on choisit d’investir sur le garçon parce que la jeune fille en cour de route va se marier ou ne va pas être productive. On estime qu’elle est éduquée pour aller vivre avec un homme. On ne permet pas à la femme de se tromper, pourtant quand on ne se trompe pas, on ne peut pas avancer et se relever », a-t-elle détaillé.
La loi à propos des inégalités?
La loi ne constitue pas un frein à l’accès des femmes au marché de l’emploi. Au contraire, le code du travail de 2015 a introduit d’importantes réformes, facilitant les conditions de travail des femmes et protégeant au mieux leurs droits.
« Toutefois, dans un souci de protection accrue des femmes et des enfants, l’Etat a dressé une liste de travaux interdits à ces deux catégories de personnes, en raison du caractère dangereux desdits travaux. Selon l’article 23.1 du code de travail, la nature des travaux interdits aux femmes, aux femmes enceintes et aux enfants est déterminée par décret. En dehors de ces cas, toute femme peut accéder à n’importe quel type de travail si elle en a les compétences requises », fait savoir la Juriste Rogatienne Degrou.
Selon elle, la rareté des femmes dans certaines catégories d’emplois est le plus souvent due aux préjugés entretenus sur lesdites catégories d’emplois et les pesanteurs socio culturelles. « Cependant, force est de constater que de plus en plus de femmes s’intéressent à des emplois autrefois considérés comme uniquement réservés aux hommes. Aussi peut-on rencontrer de nos jours, des femmes conductrices de taxis, de bus, des mécaniciennes etc », laisse-t-elle entendre.
En ce qui concerne les inégalités salariales, précise Rogatienne Degrou « Les inégalités salariales sont strictement interdites par la loi. En effet, aux termes de l’article 31.2 du code de travail, tout employeur est tenu d’assurer pour un même travail ou un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les salariés, quels que soient leur sexe, leur âge, leur ascendance nationale, leur race, leur religion, leurs opinions politiques et religieuses, leur origine sociale, leur appartenance ou leur non appartenance à un syndicat. En d’autres termes, « à travail égal, salaire égal » ».
Qu’en dit la spécialiste ?
Pour la Journaliste écrivaine Agnès Kraidy, Spécialiste des questions du genre, l’équité des genres est un outil de développement économique qu’il faut comprendre comme un outil qui nous permet de nous construire dans un développement pensé, structuré, et stratégique. « Les femmes ivoiriennes souffrent de nombreuses inégalités. On sait qu’une adolescente ivoirienne à deux fois moins de chance de terminer son éducation secondaire qu’un garçon, ce qui veut dire forcément qu’il y aura un déséquilibre plus tard. On sait aussi qu’une femme avec les mêmes niveaux d’études qu’un homme profite difficilement d’un emploi salarié et son salaire est en moyenne à 30% inférieur de celui d’un homme. C’est la réalité nationale du rapport de la banque mondiale ».
Que faut-il faire ?
Agnès Kraidy tente d’apporter quelques solutions. Il s’agit de donner les mêmes chances aux filles et garçons au niveau de l’éducation de sorte à ce qu’ils « deviennent des adultes qui prennent conscience de leur différence et qui savent apporter la compétence à leur société », repenser la contribution des hommes par rapport aux tâches ménagères, afin de « permettre aux femmes d’être productives et de pouvoir jouer leur rôle de mère »…
Marina Kouakou