Publié le 26 avril, 2021

L’accouchement par voie basse occasionne souvent quelques  ‘‘déchirures’’ chez les parturientes. Cette opération qui suit la première douleur de l’enfantement, laisse des séquelles aux victimes quand elle est pratiquée sans anesthésie.

« J’ai subi une déchirure pour permettre le passage de mon bébé. Pour la réparation la blessure, la sage-femme a décidé de me suturer. Mais sans anesthésie. J’ai refusé. Elle m’a obligé… Je senti la douleur de l’aiguille. C’était très douloureux », se souvient Audrey Assahon, mère d’un enfant. Marquée ainsi à vie, la jeune dame ne veut plus connaître cette expérience. Elle ne pense plus à la procréation. Car, affirme-t-elle, « la douleur est incomparable à celle de l’accouchement. Je dirai même qu’elle est plus douloureuse ».

« Mon cœur a failli lâcher »

Comme Audrey, de nombreuses femmes subissent cette douloureuse pratique. Fatou Nour, en a fait l’expérience plusieurs fois. « Je continue de subir des sutures sans anesthésie. Au cours de mon dernier accouchement, j’ai beaucoup plus senti la douleur de l’aiguille. La sage-femme a été sans pitié ! J’ai tellement crié. La douleur était telle que mon cœur a failli lâcher. Je n’en pouvais plus, je me suis évanouie durant l’opération. A mon réveil, elle avait fini de me suturer », se remémore la mère de 3 enfants.

 « Couche toi, je vais faire mon travail »

Pour les victimes, les cris des parturientes n’ont aucun effet sur ces sages-femmes. Toutes se souviennent de cette phrase qu’on leur lance à la figure : « couche toi, je vais faire mon travail ».

Toutes les femmes ne sont pas exposées à ses supplices. Selon Florentine N’Guessan, c’est à la demande des parturientes qu’elles sont suturées avec anesthésie. « Si les sages-femmes pratiquent la suture sans anesthésier, c’est parce que les femmes ne l’exigent pas », soutient cette sage-femme.

« A mon accouchement, témoigne Florentine N’Guessan, j’ai été suturée avec anesthésie. Mais c’était à ma demande. Si tu ne demandes pas, les sages-femmes feront ta suture sans anesthésie. Car l’anesthésie n’est pas gratuite », fait savoir la sage-femme.

Les sages-femmes justifient cette pratique. « Par expérience, nous avons constaté que lors d’une suture avec anesthésie, les femmes saignent abondamment. Lorsque les femmes saignent abondamment, le sang couvre les tissus de la peau. Ainsi la réparation de la peau ne peut être faite. C’est ce qui explique la suture sans anesthésie », explique Maïmouna Kangouté, la présidente du Syndicat des sages-femmes de Côte d’Ivoire. « Dans certains cas, poursuit-elle, les femmes supportent la douleur, car selon elles, la douleur de l’accouchement qu’elles ont déjà subie était plus intense. D’autres par compte exigent l’anesthésie ».

La présidente des sages-femmes explique que cette pratique sans anesthésie se fait à cause du manque de produit à utiliser. Dans la plupart des cas, la sage-femme n’a pas le choix que de la ‘‘coudre’’ sans anesthésie. C’est avec regret que nous demandons aux parturientes de prendre courage pour supporter la douleur de l’aiguille », soutient Maïmouna Kangouté.

Christelle Achi, sage-femme et influenceuse dénonce une « violence obstétricale » pratiquée par certaines de ses collègues. « Après un accouchement, la réparation d’une épisiotomie ou la suture d’une déchirure devrait se faire avec une anesthésie. Si on vous ‘‘déchire’’ à l’accouchement, vous avez le droit qu’on vous injecte un médicament pour éviter la douleur, avant de vous ‘‘coudre’’. Le faire sans anesthésie entraine chez la patiente une douleur atroce et un traumatisme à vie », dénonce-t-elle.

L’influenceuse invite les femmes à « réclamer une anesthésie ». Car selon elle, « rien » les « oblige à subir ce supplice ».

Christelle Achi va plus loin et invite les femme à demander la prescription de Lidocaïne (anesthésie) à la dernière consultation. « Vous devez l’avoir sur vous, le jour de votre accouchement. Pour éviter de vous retrouver dans une situation de manque du produit. Le produit ne vous coûtera pas plus de 2 000 F CFA. Vous avez le droit de vous plaindre si vous ne bénéficiez pas d’une anesthésie alors qu’elle est disponible. Ne souffrez plus en silence. Une femme en salle d’accouchement a des droits qui doivent être respectés », exhorte la sage-femme influenceuse.

Le Docteur Brice Mbakop, insiste sur le fait que la suture ne se réalise qu’en cas d’urgence et qu’en aucun cas, elle ne devait être pratiquée sans anesthésie.

« Je viens d’apprendre avec dégoût que l’usage de l’anesthésie locale pour les sutures du périnée fait encore débat au sein des équipes soignantes dans certaines maternités. Si après votre accouchement vous devez être suturées pour une déchirure du périnée ou une épisiotomie, vous devez au moins bénéficier d’une anesthésie locale. Nous sommes en 2021, pas en 1800 », regrette le Médecin spécialiste en médecine générale. « C’est votre droit le plus absolu et il est non négociable. Ce n’est pas une faveur que vous fait la sage-femme, le médecin ou plus globalement l’équipe soignante. Soigner, c’est avant tout faire du bien, ne pas infliger de la souffrance. On doit bénéficier d’un soin, pas le subir », clarifie le Dr Brice M’bakop.

Et d’ajouter : « L’anesthésie n’est pas connue de tous. En général, les femmes ne savent pas qu’on doit injecter un liquide pour réduire la douleur. Celles qui sont conscientes en majorité sont les femmes du corps médical. Les prétextes comme le gain de temps ou l’indisponibilité des produits anesthésiques ne doivent plus être évoqués dans une maternité. Ce n’est qu’une question d’organisation. Vous ne devez pas réclamer vos droits, vous devez les exiger ». 

Audrey Assi (stagiaire)

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