Le balafon est de plus en plus utilisé dans les orchestres. Cela n’indique-t-il pas que cet instrument de musique à de bon jours devant lui ?

 Vous parlez-là du balafon chromatique qui est différent de celui des communautés ou balafon traditionnel.  Ce balafon qui jouent dans les orchestres, est accordé selon les notes universelles, selon les notes du piano. Donc il peut jouer dans n’importe quel orchestre parce qu’il est fait pour parler la   langue de l’universel. Il peut être accordé de manière à parler Malinké, senoufo, lobi, chinois, allemand, français. Avec cet instrument, on peut toutes les musiques. Les sons de coupé décalé, de reggae, du Jazz, du blouse…

Mais dans le cas du balafon communautaire vous avez par exemple le balafon Malinké, le balafon lobi, le balafon sénoufo…

Ces balafons sont accordés selon le parler des communautés. Chez les Lobis, le balafon parle lobi. Donc il est accordé selon la langue lobi. Si c’est le balafon des Sénoufo, donc le djéguélé, alors il est accordé selon les intonations de la langue senoufo. Et je dirais les langues senoufos parce qu’il y a plusieurs sous-groupes chez les Sénoufo. Environ une trentaine. Donc ce balafon est fait pour parler la langue de la communauté. Généralement on dit ce balafon qu’il est pentatonique.

N’est-ce pas là une faiblesse du balafon traditionnel ?

Non, pas du tout. Lui, il est fait pour parler des communautés, de leur vécu… Il est le porte-parole de sa communauté, alors que le balafon chromatique est fait pour parler la langue de l’universel.

Comment comprendre le message véhiculé dans ces sons. Parce qu’il n’est pas évident de comprendre le sens de ce balafon, y compris pour les membres de la communauté…

C’est cela, les freins. Le mode d’accordage du balafon traditionnel fait que les sonorités ne sont pas pures. Elles sont un peu brouillées. Il ne suffit pas de parler senoufo, lobi ou malinké pour comprendre le message. Parce que le message n’est pas très clair et c’est ça qui fait sa particularité, son originalité. Et très souvent, le son est brouillé par des bruiteurs. Le joueur de balafon peut avoir un hochet de poignet qui fait du bruit. Tout cela contribue à donner d’autres artifices au son. En définitive, le son apparait comme brouillé. Les notes n’étant pas suffisamment claires, il faut chercher à les déchiffrer.

Comment arriver à décoder ces notes ?

Il faut se rapprocher des maîtres, des praticiens. Au fur et à mesure de leurs explications, vous pouvez comprendre. Mais il faut d’abord maitriser la langue de la communauté pour espérer comprendre ou déchiffre le message. Ce n’est pas toujours évident.

Il arrive qu’on y ajoute des chœurs dans le cas du djéguélé, chez les Sénoufo. Mais c’est dans le cadre du registre panégyrique, c’est-à-dire le registre de l’encensement, des louanges où on met en lumière quelqu’un qui incarne des valeurs cardinales. Chez les Senoufo, c’est le brave, le grand cultivateur qui y a droit. Ce registre sert à encenser les personnes qui ont du mérite et dont la société doit être fière. Il y a aussi le registre du sacré qui concerne le balafon rituel. C’est le cas dans la célébration des obsèques d’anciens joueurs de balafon ou d’ancien maîtres. C’était le cas pour feu le Premier ministre Amadou Gon. C’était un homme de culture. A ses obsèques un hommage lui a été rendu par le balafon à Korhogo. Dans ce type de registre, vous n’entendrez personnes chanter. Vous avez seulement les notes du balafon.

Ténin Bè Ousmane

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