A Abidjan, il faut débourser d'importants moyens pour avoir accès à un local pour son commerce.

Publié le 23 novembre, 2020

La majorité des bailleurs qui font louer des espaces à titre commerciaux, exigent le Pas de porte, un montant en plus de la caution et du loyer.  Pour fixer ce droit d’entrer souvent élevé, les bailleurs tiennent compte de l’emplacement de l’espace.

Cécile A, loue un magasin de vêtements au Deux-Plateau. Ce grand appartement situé en bordure de rue de ce quartier chic d’Abidjan lui revient à 500 000 FCFA, le mois. Mais avant d’y accéder ont lui a fait payer le Pas de Porte, à 30 000 000 FCFA !

Le Pas de Porte est une somme d’argent qu’un bailleur demande au locataire, au début du bail. Il s’agit en quelque sorte d’un droit d’entrée exigé pour obtenir la mise à disposition des locaux. Ce Pas de Porte est exigé très souvent à titre de supplément de loyer, pour se prémunir contre le risque de voir les valeurs locatives du secteur croître plus rapidement que le loyer, dont les hausses sont limitées, sur la période de location… Ce montant représente souvent une sorte de contrepartie de certains avantages commerciaux accordés…

Le hic, c’est que ce montant n’est pas à la bourse de tous. Cécile A a du recourir à un soutien extérieur pour finalement avoir accès à ce magasin, situé en plein cœur des deux plateaux. « Quand je suis tombée sur l’annonce de la disponibilité du magasin, je n’avais que 25 000 000 FCFA à ma portée. Ma chance est que j’avais déjà mes marchandises que je stockais à la maison. Je les vendais en ligne, à mes connaissances et aussi dans les bureaux depuis des années. J’ai demandé un prêt de 8 000 000 FCFA à mon mari. Cette somme m’a permis de compléter les sous, de payer les 30 000 000 F CFA. Ce rêve n’aurait pas pu voir le jour sans aide extérieur », raconte l’entrepreneure.

Si Cécile n’avait pas eu cette chance, elle serait résignée, comme ces milliers de femmes, à vendre en ligne ou à squatter les rues pour proposer leurs marchandises aux clients. C’est le cas d’Adjara Cissé, cette vendeuse ambulante de friperie au sein du grand marché d’Adjamé. Le bébé au dos, les mains chargées de sa marchandise, la jeune femme est toujours sur le qui-vive. Dès qu’elle soupçonne une présence de la police municipale, elle court se cacher… Histoire d’éviter de voir sa marchandise confisquée. « On n’a pas les moyens pour loyer un magasin. Ça, c’est pour les nantis. J’ai voulu avoir un espace en bordure de route vers Adjamé-Saint-Michelle, le bailleur parlait de 20 000 000 FCFA. A l’intérieur du marché c’était 18 000 000 FCFA », témoigne Adjara. Ces montants sont versés pour le Pas de Porte.

En Côte d’Ivoire, la loi est muette sur cette pratique. Contrairement au coût du loyer qui a été plafonné à un taux de 10 %, et fixé à deux mois le paiement de l’avance et de la caution des loyers, le bail commercial est en effet régi par les articles 101 à 134 de l’Acte Uniforme de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA).  A travers un code des loyers des baux commerciaux relatif à cet Acte Uniforme, publié dans le journal officiel. Le Pas de Porte n’est pourtant mentionné nulle part dans ce texte. Les organisations professionnelles des commerçants privilégient la négociation. « Que pouvant nous faire si ce n’est négocier. Lorsque nous recevons les plaintes, nous allons vers les bailleurs. Je me rappelle que le bailleur au marché de Cocody-Saint-Jean avait demandé la somme de 3 000 000 FCFA pour le Pas de Porte. Lorsque les femmes sont venues se plaindre et que je l’ai appelé, il a accepté de discuter et a finalement réduit l’accès au magasin à 300 000 FCFA. Il leur a demandé de payer à leur rythme », se souvient Irié Lou Collette, présidente de l’Organisation des femmes du vivriers de Côte d’Ivoire.

Comme la Présidente des femmes du vivriers, la mairie d’Adjamé, plaide souvent auprès des bailleurs pour leur demander de fixer des prix raisonnables pour les femmes. « Nous avons pour ambition d’aider les femmes et les jeunes dans la commune, mais quand un opérateur économique prend sur lui de construire des magasins, il cherche à en retirer profit. Il fixe le Pas de Porte. En tant que mairie et tutelle on leur a demandé d’être raisonnable. On fait ce qu’on peut, mais j’avoue qu’on peut ne pas aller au-delà, puisque l’investisseur est aussi venu pour tirer profit et non perdre », explique le directeur de cabinet du maire d’Adjamé Sanogo Fatogoma. « Dans notre commune, poursuit-il, il y a un problème de site. La mairie, à elle seule, n’a pas de site. Ce qui fait les magasins ont un coût. Et même quand on a des sites propres à nous, on passe par des prestataires », a-t- expliqué.

A l’en croire, ce problème survient à cause du manque de volonté et d’encadrement des commerçants. « Nous nous faisons fort d’encadrer les femmes et les jeunes entrepreneurs qui n’arrivent à pas trouver ces frais de Pas de Porte. Au sein de la mairie, il existe des fonds pour les jeunes et les femmes. Le problème c’est que certains, non formés, prennent ces fonds et ne respectent pas les contrats. Parfois, pour un montant de 1 000 000 FCFA, elles convoitent un magasin de 900 000 FCFA. Cela ne peut pas fonctionner. On leur demande d’investir en fonction de leur moyen. Actuellement nous avons arrêté le projet. On essaye de le confier à une microfinance qui va acheter le nécessaire dont ils ont besoin avec un petit appui financier pour ceux qui sont vraiment intéressés ». Et ces soutiens sont suivis d’encadrement. « On a un guichet Emploi-Jeune qui les accompagne dans la gestion des projets, des Business Plans. Il faut juste travailler sur les mentalités de sorte que ceux qui viennent souscrire s’efforcent de rembourser les financements ».

Marina Kouakou

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