Publié le 8 février, 2021

Une étude réalisée en 2019 dans dix  pays d’Afrique subsaharienne par le programme d’analyse des systèmes éducatifs de la CONFEMEN (PASEC) et publiée en décembre 2020, indique une baisse considérable du système éducatif scolaire ivoirien. L’étude a mesuré le niveau de compétence des élèves en début et fin de scolarité primaire, en langue d’enseignement et en mathématiques. Mais aussi, analysé la maitrise par les enseignants, de contenu disciplinaires et didactiques en compréhension de l’écrits et mathématique, avant de faire des recommandations. Qu’en pensent les acteurs du système éducatif ivoirien ? Notre panel.

Andjou Andjou, SG (SNEPPCI)

« Nous devons convoquer un forum »

« Cette étude affirme que notre système éducatif scolaire est en régression. Ne connaissant point les critères d’évaluation, je ne peux être pour ou contre. C’est un constat que nous faisons tous. Les résultats de cette étude interpellent tous les acteurs du système éducatif scolaire à savoir le gouvernement, la communauté éducative, le ministère de tutelle, et même notre société. Il s’agit de la formation de l’avenir, de demain. Ce qui n’est donc pas à négliger. Nous devons convoquer un forum, si possible des états généraux, nous devons tirer les conclusions de cet échec ».

Ekoun Kouassi, (Internationale de l’Education)

« Nous n’avons pas été associés à l’enquête »

« Je ne parlerais pas en mon nom, mais au nom de l’International de l’Education section Côte d’Ivoire. La structure qui regroupe toutes les organisations du secteur de l’éducation. Au-delà de cela, les pays francophones ont un syndicat qui est le Comité syndical francophone de l’éducation et la de formation. Tous les pays francophones sont regroupés là. Nous avons tenu deux vidéos conférence au cours desquelles nous avons été informés que les résultats de l’enquête ont été programmé en fin décembre.

Nos partenaires extérieurs ont été choqués parce qu’ils souhaitaient que nous fassions partir de l’enquête. Ce qui n’a pas été fait. Nous allons bientôt nous réunir pour une déclaration commune. Nous n’avons pas été informés et n’avons pas été associés. Pour se faire, nous avons reçu des instructions. Nous allons rencontrer les autorités… évoquer ces sujets, discuter sur les recommandations, chercher à comprendre pourquoi nous n’avons n’a pas été associés, si nous le seront par la suite… Après cela l’Internationale pourra mener des démarches. Nous tiendrons bientôt une conférence de presse pour une expression commune ».

Claude Aka Kadjo, Président (APEECI) 

« Que chacun joue son rôle »

« C’est une analyse exhaustive faite par des experts en éducation. Depuis plusieurs années, tout le monde se plaint du niveau scolaire de nos enfants. Des élèves du CP1 au CM2 ont du mal à lire, et à calculer. Plusieurs raisons militent en cette dégradation du système. Les conditions difficiles d’apprentissage, les effectifs pléthoriques, le niveau intellectuel de beaucoup d’enseignants recrutés sans trop de rigueur, les différentes méthodes qui changent à tout moment sans que les formateurs ne les maitrisent. Les moyennes de passage en classe Supérieur qui sont de 4/10 au primaire et de 9/20 au secondaire. Les taux d’admission de complaisance. L’abandon des redoublements enlève à l’élève le goût de l’effort. La non implication des parents dans l’éducation et la formation de leurs enfants. La violence en milieu scolaire caractérisée par le refus des élèves à terminer les cours en se donnant eux-mêmes les congés à leur volonté.

 La tricherie, les grèves des enseignants dues à des revendications non satisfaites etc.…

Pour remédier à cette baisse drastique du niveau de nos apprenants, il faut de la rigueur dans le recrutement des enseignants. Assurer une formation en permanence des enseignants par les conseillers pédagogiques, les inspecteurs eux-mêmes contrôlées par les DREN, DDEN, etc…

Que chacun joue pleinement son rôle avec grande probité. Démultiplier les infrastructures d’accueil pour décongestionner les classes. Relever les notes de passage en classe Supérieur. Éviter de changer à tout moment les méthodes d’enseignement sans en faire un bilan. Lutter contre tous les fléaux qui minent le système pour pacifier le milieu scolaire. Créer des cantines dans les écoles pour aider les enfants à se maintenir à l’école. Au besoin, créer des internats pour donner à la majorité des jeunes filles et même les garçons pour améliorer leur niveau. Et pour cela, il faut que le ministre convoque les états généraux de l’éducation en côte d’ivoire pour redresser le système. Que chacun prenne véritablement conscience que nous avons des défis à relever pour redorer le blason de notre école naguère tant enviée par les autres pays ».

Koné Soumaila, SG (SYNAPE-CI) :

« Ce n’est pas le seul rapport qui accable la Côte d’Ivoire »

« Nous sommes fort surpris par ce résultat, ce classement. Étant donné que sur tous les tropiques l’État de Côte d’Ivoire se déploie à dire qu’il a fait beaucoup d’investissement en matière d’éducation. Les investissements lourds fait par l’Etat devaient impacter sur le résultat et sur la performance de notre système scolaire. Malheureusement, l’évaluation faite par la PASEC indique le contraire. Il advient que chacun puisse se remettre en cause et que l’état puisse convoquer les assistes générales sur l’école.

 Il y a forcément nécessité de tirer les conséquences parce que la responsabilité se situe à tous les niveaux (gouvernement, acteurs du système scolaire, parents d’élèves et toute la société). Cela doit permettre à tous de repenser le système éducatif pour que véritablement la Côte d’Ivoire puisse se reprendre. Ce rapport est dramatique. Il n’honore pas le pays. Il y a lieu de convoquer urgemment les assises et plancher sur la question. Ce n’est pas le seul rapport qui accable la Côte d’Ivoire. Lorsqu’on fait une évaluation au niveau de la francophonie, par rapport au niveau des élèves quant à savoir lire, calculer, écrire. On se rend compte véritablement que nous sommes toujours dans une position qui n’honore pas le pays contrairement aux autres pays de la sous-région. Tous les acteurs s’évertuent à le dire, les enfants ivoiriens ne savent ni lire, ni écrire, ni compter ».

Kouamé Bertoni, porte-parole (COSEFCI) :

« C’est le résultat du recrutement au rabais »

« Ce rapport n’est que la confirmation de ce gros mal dont souffre l’école ivoirienne. Vous vous rappelez la coalition au nom de laquelle je parle avait initié une grève et demandait la suppression des cours de mercredi et la suppression de l’emploi des instituteurs adjoint. Madame la ministre avait dit que les cours de mercredi avaient été initiés pour rehausser le niveau en mathématique et en français des enfants.

Aujourd’hui, on se rends compte que les élèves ivoiriens ne savent ni lire, ni écrire, ni calculer. Cela veut dire que la réforme des cours de mercredi est très mauvaise. Également nous avons souhaité la suppression de l’emploie d’instituteur adjoint. Le BEPC d’hier ne vaut pas celui d’aujourd’hui. Vous vous rendez bien compte que quand on recrute au rabais, on ne peut qu’avoir des rendements au rabais.

La version de ce rapport vient pour amener le ministère de l’éducation nationale à aller aux états généraux de l’école pour regarder en profondeurs les nombreux problèmes qu’il y a. La question des profils pédagogique par exemple. Au départ nous sommes allés avec la formation par objectif, après il y a eu la formation par compétence, après il y a eu l’approche par compétence. Finalement les enseignants nagent dans tout un fleuve de profil pédagogique aussi incompris les uns, les autres.

Ce rapport est la confirmation que ces profils ne sont pas bons. En réalité, il faut redéfinir nos objectifs réels. Si nous souhaitons vraiment qu’en fin de formation nos enfants sachent lire et calculer par exemple, il faut appliquer réellement la formation avec les compétences ».

Allah Saint Claire, SG (FESCI) :

« On est en train de détériorer l’école »

« C’est une honte qu’un pays comme la Côte d’Ivoire soit logé à l’avant-dernière place. Mais cela n’est pas surprenant. Nous sommes dans un pays où des professeurs enseignent des élèves de toutes sortes, les professeurs d’EPS vendent des livres et cahiers, les libraires font palabres aux enseignants transformés en vendeurs de livres.

Nous avons effectué un séminaire au bureau national de la FESCI sur l’adoption de la matrice semestrielle. C’est-à-dire sur son fonctionnement. Là-bas, nous avons décidé que nous allons aux états généraux de l’école, afin de permettre à toute la communauté de pouvoir se mobiliser autour de l’école en Côte d’Ivoire. Ce que nous avons demandé.  Et jusqu’à présent ça n’a pas été fait.

Il y a un adage qui dit-il n’est jamais mauvais de faire un mur. Mieux vaut tard que jamais. J’appelle à l’urgence le gouvernement, le président de la République pour que tous aient un regard porté sur l’école ivoirienne. Il faut une mobilisation de toute la communauté. Il y a du travail. Il faut que tous les Ivoiriens se mettent ensemble pour pouvoir relever le niveau.

Il faut prendre conscience que chaque acteur du système est en train de détériorer l’école. Les élèves qui font des tontines sexuelles, qui fument la drogue. Les enseignants qui se sont transformés en livreurs et les proviseurs qui sont transformés en collecteurs de frais annexe et additionnel. Il faut parler de tout cela. J’insiste. Il faut être assis ensemble pour énumérer ces fléaux qui minent notre système. »

Propos recueillis par Marina Kouakou

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