C’est connu ! La Côte d’Ivoire est l’un des pays de l’Afrique les plus touchés par le phénomène de la corruption. Tout le monde en parle, mais personne ne veut y mettre un frein. Et pourtant ! Tous les secteurs d’activités sont sous l’emprise de cette décrépitude. Voixdefemme.net, a décidé de se pencher sur un duo qui est visible sur toute nos voies : chauffeur-policier. Une paire qui résiste au temps malgré les efforts de l’Etat. Notre dossier…
L’épineux problème de la corruption auquel le gouvernement ivoirien s’attaque depuis des décennies, a pris une toute autre proportion ces dernières années. Elle est devenue, en effet, un fait banal pour la population.
Dans la capitale économique ivoirienne, Abidjan, les véhicules de transports en commun ne se comptent plus. Les minicars (Gbaka) et les taxis compteurs ainsi que les VTC desservent chaque jour, toutes les communes du district. A l’intérieur des communes, circulent les taxis communaux (wôrô wôrô) pour aider les populations à aller d’un point à un autre.
Chacun ayant sa ligne et ses règles. Les chauffeurs quant à eux ont pour devoir de « faire rentrer la recette ». Sauf que dans l’accomplissement de cette tâche quotidienne, ils sont amenés à « collaborer » avec les agents de la police nationale pour plusieurs raisons. Ces derniers, les policiers sont devenus les « partenaires » des chauffeurs. D’autres personnes affirment qu’ils sont une gangrène pour l’économie ivoirienne. Vrai ou faux ?
Un billet, un laisser-passer
En principe, les policiers ont pour mission de contrôler les documents tels que : la vignette, la patente, la visite technique et le document de l’Agence de transport urbain (AGETU). Puisque, faut-il le rappeler, tous les véhicules doivent en posséder avant toute circulation. Mais, ces forces de l’ordre s’adonnent, bien souvent, à des pratiques qui n’honorent pas leur corporation.
Selon une enquête menée par Tiémoko Doumbia, dans son article intitulé : « Corruption, culture et pauvreté dans le secteur du transport en Côte d’Ivoire », publié en 2010, le coût total des documents affairant aux véhicules de transport avoisine les sept-cent mille 700 000 F CFA/an. Une somme colossale que nombre de propriétaires n’ose débourser pour se mettre en règle. Quant aux chauffeurs, ils préfèrent avoir recours à d’autres fins : corrompre les agents de police.
Un système honteux auquel tout individu circulant dans la capitale est désormais habitué. Tout se fait au vu et au su des passagers. A chaque fois qu’un Gbaka ou un taxi est interpelé, l’apprenti, le chauffeur et même les passagers savent de quoi il est question : faire le ‘’gué’’ » du policier pour gagner en temps. 2000 F, 1000 F ou 500 F, tout y passe !
L’agent qui, s’approche du véhicule, n’attend qu’une seule chose :être ‘’libéré’’ par l’apprenti ou par le chauffeur lui-même.Sous un air serein et imperturbable, l’agent de la police se fout pas mal de ce que peuvent penser les civils à côté. L’intégrité peut attendre encore…Et tant pis sur la réputation corporatiste prend un coup. De toute façon, « on s’en balle ! ».
Des raisons qui ne tiennent pas, mais…
Pour les chauffeurs de taxis et de Gbaka, il est difficile, voire impossible de se soumettre aux règles. Pour une activité qui n’a pas de salaire, les chauffeurs sont parfois obligés de contourner la loi avec le concours des agents de la police, eux aussi, sous-payés.
« Dans notre métier, on est obligé de donner un peu aux policiers. Nous, on n’a pas beaucoup d’argent pour mettre nos voitures en règle. Les pièces coûtent trop cher. On préfère donner un peu (argent) aux policiers et gendarmes, comme ça, ils nous laissent circuler librement ». Le résumé est fait et le témoignage est éloquent. Tout est donc clair ! Il existe d’un côté des personnes prêtes à contourner la loi pour leurs propres intérêts, et de l’autre, des agents de la police, prêts à les y accompagner. Le tout, moyennant quelques billets de banque.
Question : que vaut la vie des populations face à quelques billets de banque ? R : « Rien ! »
En vérité, l’Ivoirien n’est pas trop surpris du comportement de nos forces de l’ordre. Les rumeurs annonceraient qu’ils ‘’achèteraient’’ leur concours d’entrée à l’école de police. En retour, selon plusieurs témoignages de jeunes policiers : « il faut recouvrir notre investissement ». C’est donc une manière pour eux, selon Jules Grah, de se faire rembourser sur le terrain.
Et des conséquences désastreuses
En Côte d’ivoire et particulièrement à Abidjan, il n’est pas rare de voir des véhicules datant des années 60 en circulation sur les voies. Il n’est pas rare de passer sa visite technique en restant chez soi moyennant des billets de 10 milles. Il n’est pas extraordinaire de passer son permis de conduire sans jamais mettre les pieds dans une école de conduite… Résultat, de nombreux accidents mortels et l’incivisme routier qui continue de battre son plein…
Qui doit-on blâmer ? Les Chauffeurs ou les policiers ? Cependant, il serait bon que l’Etat fasse sa part au niveau de ses institutions, en particulier avec la Société Ivoirienne de Contrôle Technique et Automobile (SICTA). Que cette société soit intègre, juste et responsable pour éviter que les problèmes techniques des véhicules soient à la base des accidents de circulation. Quant aux chauffeurs, transporteurs, ils doivent changer de mentalité, en se mettant en règle pour ne pas tomber sur le coup des pénalités et refuser toute forme de corruption.
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Une mission bien difficile mais pas impossible. Car, depuis quelques années, le gouvernement ivoirien a engagé des voies et moyens pour y mettre fin. La lutte contre la corruption sur toutes ses formes bat son plein et le ministre de la Promotion de la Bonne Gouvernance, du Renforcement des Capacités de la Lutte contre la Corruption, Zoro Epiphane Ballo, multiplie les actions pour endiguer ou du moins diminuer les effets.
Arsène Lohouré