Dans la plupart des cas, les victimes sont moins enclines à porter plainte.

Publié le 2 mai, 2020

La persistance des violences contre les femmes est-elle une fatalité ? En dépit des moyens de répression en vigueur en Côte d’Ivoire, les victimes semblent plutôt s’en accommoder.

Le dernier cas en date, s’est ébruité dans la nuit de ce Lundi 27 avril, aux environs de 22 heures, à Bouaké (centre de la Côte d’Ivoire). Une femme en détresse, ses deux enfants entre les bras, est retrouvée dans la rue par les agents de sécurité en patrouille à Dar Es Salam en plein couvre-feu. Elle a le visage tuméfié. La victime de 33 ans raconte à la police comment elle a été battue par son conjoint avant d’être mise au dehors…

Cet incident intervient alors même que les commentaires suscités par un premier cas similaire à Yopougon continuent d’alimenter la toile. En effet, dans la nuit du 17 au 18 avril, une jeune dame était lâchée du 2eme étage d’un immeuble, à la suite d’une rixe avec son conjoint. La vidéo de l’effroyable scène, largement partagée sur les réseaux sociaux, a conduit à l’arrestation du conjoint…

Battre sa femme relève de la banalité

En Côte d’Ivoire, les violences contre les femmes sont récurrentes et relèvent même de la banalité, selon plusieurs Organisation de défense des droits de la femme. Une étude récente (janvier 2020), menée par l’Organisation des citoyennes pour la promotion et défense des droits des enfants, femmes et minorités (Ocpddefm) révèle que plus de 70% de femmes sont des victimes conjugales ou victimes de violences entre partenaires sexuels à Abidjan. L’étude a été conduite dans les communes de Yopougon et de Cocody.

Deux décès en 2019

A propos de ces violences, le Réseau pour la défense des droits des enfants et des femmes (Riddef), soutient avoir déploré deux décès, l’an dernier. La présidente de cette ONG créée en 2013, Chantal Ayémou, pense que le phénomène s’est certainement aggravé durant cette période de couvre-feu. Mesure décidée dans le cadre de la prévention contre la propagation du coronavirus. Et pendant cette période, explique-t-elle, cinq femmes jetées au dehors par leur mari, sont venues chercher refuges chez elle.

Ces violences ne sont pas nouvelles. Des enquêtes précédentes, menées dans les 2000 ont abouti aux mêmes sombres conclusions. Un rapport de 2008 de l’Etat ivoirien, élaboré en collaboration avec le Fond des nations unies pour la population, révélait en effet qu’en 2008, neuf femmes interrogées sur 10 en Côte d’Ivoire ont déclaré avoir subi au moins une violence dans la vie.

Résignées à souffrir le martyr

Dans la plupart des cas, les victimes sont moins enclines à porter plainte. Une enquête publiée en mars 2015, par un Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes notait que, seulement 67 femmes victimes de violences sexuelles avaient portés plaintes, durant cette année.

La Côte d’Ivoire s’est pourtant dotée d’instruments de riposte contre ces abus. Au-delà des répressives lois ivoiriennes, l’Etat ivoirien a ratifié tous les textes réprimant toutes formes de violences faites aux femmes. Notamment la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes (Cedef), adoptée en 1979 et la Convention relative aux droits des Enfants (CDE), adoptée en 1989. Mieux, ces mécanismes de protection ont été renforcés en 2012, avec la mise en œuvre d’une stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre… Et parallèlement à ce cadre institutionnel, plusieurs ONG de défense des droits des femmes ont été créées et encouragées à la sensibilisation et à la répression contre les VBG.

Pourquoi ne portent-elles pas plaintes ? La volteface de la victime propulsée depuis le deuxième étage dans la nuit du 17 au 18 avril a surpris plus d’un, quand son bourreau a été arrêté par la police. S.K, n’a-t-elle pas surpris tous ceux qui s’étaient apitoyer pour elle, après avoir visionné la vidéo de l’horrible scène ? Dans une autre vidéo faite le lendemain de l’arrestation de son bourreau de mari, la concubine « battue » se lamentait et exigeait la libération de celui qu’elle présentait plutôt comme son ‘‘sauveur’’ !  

« Il n’a rien fait. Il tentait plutôt de le sauver parce que j’étais soulée », implorait-elle dans cette vidéo…

« Dans la plupart des cas, les femmes violentées préfèrent supporter, témoigne Chantal Ayémou. Et quand elles se plaignent, elles finissent par demander le retrait de leur plainte ». La présidente du Riddef ne désespère pas bien qu’elle reconnaisse que le combat contre les violences conjugales reste un vrai défi.  

TBO

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