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Publié le 27 juillet, 2022

A tort ou à raison, les Centres d’animation et de formation pédagogique (Cafop) sont vus comme un lieu où il ne se dispense pas que la pédagogie. Selon certaines langues, les Cafop sont devenus un lieu des business, et d’harcèlement sur les élèves maitres en formation. Vente de fascicules, droit de cuissage, imposition de domiciliation dans une banque. Tels sont les reproches faits à ces structures chargées de la formation des futurs instituteurs de l’Etat de Côte d’Ivoire. Notre enquête !

En réalité, ce sont beaucoup de difficultés auxquelles nos futures enseignantes sont confrontées au cours de leur formation au sein du Cafop. Mais elles préfèrent se taire de peur à ne pas gâcher leur carrière professionnelle. Cause principale : le manque de moyen. Entre autres difficultés, les bourses arrivent tardivement, selon les Cafopiennes interrogées. Selon elles, la bourse de la première année arrive en deuxième année, celle de la deuxième année vient en troisième année et la bourse de la troisième année après la titularisation voire la prise de service officielle. Cette dernière partie, en à croire certaines, ne serait pas donnée entièreté.  

Une réalité quotidienne

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Normalement, selon Ds, les Cafopiens doivent avoir la somme de 240.000 Fcfa comme bourse en première année. Mais, ils recevraient que 130.500 Fcfa en deux tranches pendant la deuxième année de formation. « Nous avons reçu 75000 F cfa en début d’année comme première tranche pour nous qui n’étions pas à l’internat et 55.500 F cfa pour la deuxième tranche dont certains n’ont toujours pas reçu », informe la cafopienne de deuxième année à Bouaké.

Autre lieu, même réalité. Au Cafop de Gagnoa, un élève-maître révèle que : « nous avons reçu la somme de 35.000 Fcfa en début d’année. Et c’est actuellement que nous recevons les 55.500 Fcfa comme deuxième tranche ». Pour RD, ce sont 75.000 Fcfa qui devrait leur être donné au lieu de 35.000 Fcfa. Et ce, parce qu’ils sont logés et nourris à l’internat.

Quant à CS, élève en deuxième année au Cafop d’Abidjan, il est toujours en attente de la deuxième tranche de sa bourse de la première année. « Nous avons reçu 75.000 F cfa et c’est maintenant qu’ils sont en train de donner la deuxième tranche », a-t-elle révélé. Pour Oz, également en deuxième année, les bourses sont payées au début de chaque rentrée scolaire. « Ici à Korhogo, nous avons reçu que 35.000 Fcfa. Et depuis lors, nous sommes toujours en attente », renchérit-t-elle.

Pour l’heure, elles ne savent pas quand elles recevront la bourse de la deuxième année qu’elles viennent d’achever. Et celle de la troisième année sera payée après la titularisation, c’est-à-dire après la prise de service officielle, selon elles. Chose qui, normalement, devrait leur permettre de faciliter la tâche sur le terrain après le Dias (diplôme d’instituteur adjoint stagiaire).

Et, le prix des fascicules…

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D’après Ck, les fascicules à payer sont nombreux, alors que leurs prix varient par Cafop. « Les mêmes documents qui nous ont été vendus au Cafop de Man à 5000 F cfa, coûtaient 3000 F cfa à Bassam », raconte-t-elle. A Abidjan selon Bk, le prix des fascicules varie entre 2500 Fcfa et 10.000F cfa dont certains documents sont toujours vendus en cachette. Au Cafop 2 de Bouaké, la vente des fascicules a été interdite cette année, même si certains le font toujours en cachette. « L’achat des fascicules est une obligation.
L’administration est au courant et elle ne dit mot », nous informe YS. La majorité des instituteurs reconnaissent que les formateurs imposent aux apprenants l’achat des fascicules. « Celui qui refuse d’acheter le document sera dans le viseur de l’enseignant. Puisque ce sont les mêmes professeurs qui seront dans le jury de certification de notre diplôme. Nous sommes contraints d’aller dans le même sens que ces derniers ». Tout de même, « la vente de ces documents n’est pas aussi mauvaise que pensent les apprenants », pense YS avant de déplorer leur coût. « Seulement, le coût final revient un peu plus cher pour les élèves qui n’ont pas assez de moyens. Il faut compter 11 à 13 matières. Si pour chaque discipline on doit débourser au bas mot la somme de 5 mille francs, cela fait beaucoup », se plaint-il.

Une source universitaire explique que c’est la même chose à l’école normale supérieure (ENS). NMYY, sortie fraichement de cet établissement, note que ce n’est pas juste de le dire. « Durant toute ma formation à l’ENS, je n’ai jamais appris que l’achat des fascicules est obligatoire. On n’a jamais mis un étudiant dehors pour une question de fascicule », souligne l’étudiante.

Sur la question des droits de cuissage, une stagiaire s’inscrit en faux. « Je n’ai jamais été harcelé par un professeur », souligne la stagiaire. C’est un sujet qui fâche du côté des enseignants. Un professeur de psychopédagogie rejette en bloc cette accusation sous un air de mécontentement. « Tout cela
est fait pour salir le nom de la corporation. Comment voulez-vous qu’un enseignant, censé éduquer, puisque se livrer à de telles pratiques ? », interroge le psychologue qui met au défi toute personne de donner le nom d’un seul professeur qui harcèle sexuellement ses élèves ». Relativement aux fascicules, le professeur
note qu’en tant qu’enseignant, « Nous prenons soins de mettre à la disposition des élèves maitres, tous les outils pédagogiques, pour qu’une fois sorti du Cafop, ils soient aptes dans l’exercice de leur métier », se justifie le professeur de Cafop.

… et des cotisations  

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Dans la majorité des Cafop, les Cafopiennes dénoncent l’excès de cotisations jugées anormales et obligatoire. Selon mademoiselle FA, « chaque jour que Dieu fait, il y a une cotisation à faire au Cafop. Les polycops, les photocopies, et autres », a clamé TR avant de poursuivre. « L’année passée, chacun de nous à cotiser 3000 Fcfa pour le château d’eau au Cafop, alors que nous sommes plus de 3000 futurs enseignants. Une autre cotisation de 7000 Fcfa pour un tee-shirt que nous n’avions pas porté. Nous avons cotisé 10.000 F cfa pour le bal de fin d’année, 3000 F cfa pour le pagne et 7000 F cfa pour le projet éducatif qui n’a pas été réalisé jusqu’aujourd’hui », a-t-elle avoué indiquant qu’à Bouaké les cotisations sont plus centrées sur les actions sociales.

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Les conséquences de ses cotisations

A cause de toutes ses dépenses, certaines cafopiennes dansent sur le fer (se donner au droit de cuissage) d’après TR. « Sans de véritable soutien financier mon cher, ne va pas au Cafop en tant que femme, sinon tu risques de te prostituer ou abandonner en chemin », admet-elle DS. En claire, la majorité des cafopiennes qui ne sont pas en famille ou qui viennent des familles démunies, « sont obligés de se livrer souvent pour franchir certaines étapes », selon BK.

Alain Doua et Yahafe Ouattara (stagiaire)

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