En Côte d’Ivoire, la maternité des femmes travailleuses est censée être protégée. L’objectif étant de préserver la santé de la femme enceinte tout en garantissant ses droits en matière d’emploi pour qu’hommes et femmes puissent travailler ensemble dans des conditions d’égalité. Mais ici aussi, la pratique est souvent loin de la théorie.
Salimata C., Communicatrice dans une entreprise de la place depuis bientôt 13 ans a bien eu de la chance lorsqu’elle postulait. Son patron n’a visiblement pas remarqué son état de grossesse. « Quand j’ai commencé à travailler, il m’a clairement dit qu’il m’aurait recalé s’il le savait, car une femme enceinte ne pouvait être productive », révèle la jeune maman. L’employeur de Salimata C. n’a pas hésité à avouer ses réserves à « travailler avec des femmes enceintes ».
En Côte d’Ivoire, la discrimination à l’égard des femmes dans le domaine de l’emploi est interdite. Pourtant bien d’employeurs continuent de contourner cette loi. Non sans subtilité. Lors de l’entretien d’embauche, des employeurs, demandent aux candidates si elles ont l’intention d’avoir des enfants. Il arrive qu’on leur pose des questions indiscrètes à propos de leur vie sexuelle, à défaut de demander aux candidates de présenter un test de grossesse négatif…
A la recherche obstinée de profit, ces employeurs estiment que les moments d’indisponibilité des femmes pendant leur période de grossesse. « Sont les situations les plus difficiles à gérer pour un chef d’entreprise », confie un entrepreneur, qui n’a pas souhaité être cité. Selon ce membre du Patronat ivoirien, les moments de grossesse d’une travailleuse constituent un manque à gagner important pour les entreprises. « Il m’est arrivé de décharger, l’une de mes employées enceinte, de certaines tâches que j’ai confié à un autre cadre qui avait les mêmes qualifications. Et au fur et à mesure que la grossesse évoluait, je lui ai retiré certaines responsabilités », explique-t-il.
Selon ce chef d’une société de service d’ingénierie en informatique spécialisée, c’était le seul choix qu’il avait à faire. « Depuis le début de la grossesse jusqu’à son départ en congé de maternité, le rendement de cette employée n’a fait que baisser, sans compter les jours d’absences pour diverses raisons, rendez-vous chez le médecin… Il se souvient, du non-respect des délais de livraison de ces produits de façon globale, mais pire encore l’annulation de certaines séances de travail chez tel ou tel client. « Le comble, c’est qu’après la période de congé de maternité. Madame ne peut pas venir au travail parce qu’elle ne sent pas bien, elle a rendez-vous, son bébé ne se sent pas bien… », se plaint-il…
Si ce chef d’entreprise a choisi l’anonymat pour son témoignage, c’est parce qu’il sait bien que la loi réprime ces formes de discriminations. En effet, la loi ne stipule qu’aucune « discrimination ne sera exercée contre les travailleuses en raison de la grossesse ou de l’accouchement et les femmes enceintes seront protégées contre toute mesure de licenciement en rapport avec leur maternité pendant toute la durée de la grossesse et du congé de maternité ».
Certains patrons s’accommodent de cette loi et ne trouvent d’ailleurs aucun inconvénient à soutenir et encourager leurs employées à la procréation. C’est le cas de D. Sylla, Chef d’entreprise. « Dans mon entreprise je mets les femmes à l’honneur. Je les encourage à faire leurs enfants », souligne la jeune femme, membre de la Jeune chambre économique.
Ce que dit la loi
En plus des congés de maternité qui durent 16 semaines, le code du travail organise une protection solide de la femme enceinte salariée en son article 23.1 qui stipule que la nature des travaux interdits aux femmes est déterminée par décret. « On en déduit que le législateur, conscient de la fragilité de la femme enceinte a prévu de la protéger de certains travaux qui pourraient menacer sa vie ainsi que celle de l’enfant qu’elle porte. Il s’agit du décret n° 2018 – 272 du 07 mars 2018 relatif aux travaux interdits aux femmes et aux femmes enceintes »,explique la juriste Rogatienne Degrou Boni.
En ce qui concerne la réalité dans les tribunaux la juriste affirme : « Les employeurs ont conscience de la protection des femmes enceintes salariées et en général les litiges ne sont pas motivés par l’état de grossesse. Certains employeurs véreux voulant contourner la loi évoquent parfois d’autres motifs en vue de rompre le contrat de travail de la femme lorsqu’ils sont informés ou même soupçonnent une grossesse. De même, certaines salariées de mauvaise foi, lorsqu’elles ont été licenciées par exemple pour faute lourde, feignent parfois d’être enceintes et veulent invoquer devant les tribunaux que la grossesse est à l’origine du licenciement. En tout état de cause, le tribunal du travail appréciera au vu des éléments de preuve en présence avant de rendre toute décision ».
Mais la juriste prévient que les sanctions sont prises lorsque les éléments de preuves examinées par le tribunal établissent clairement que qu’une partie a donné un faux motif. A ce moment-là, le tribunal peut condamner cette partie à payer des dommages et intérêts.
Connaître ses droits
Les Organisations non gouvernementales (ONG) de défense des droits des femmes sont tenues de renseigner les femmes sur leur droit. Approchée pour connaitre les actions de l’ONG Femmes actives de Côte d’Ivoire à l’endroit des femmes en entreprises, la présidente Doumbia Fanta répond : « En 2011-2012, nous avons fait des séances de formations aux femmes leaders sur les textes de protection de droit des femmes dans plusieurs villes du pays. Nous avons fait venir des spécialistes de la question qui ont également abordés la question des droits des femmes en entreprises ».
Pression psychologique
Pour le psychologue Yao N’Goran, les services sociaux dans les entreprises ont un rôle à jouer durant ces moments. « Ils doivent encourager et entretenir la confiance entre l’entreprise et ces femmes (…) Il faut aussi leur rappeler leur utilité, mais surtout prendre en compte les attentes de l’entreprise », mitige-t-il. L’objectif étant de créer un environnement psychologique stable pour ces futures mères, il invite également les maris à jouer le rôle d’antidépresseurs via la communication. Et pour les travailleuses, Yao N’Goran conseille des activités, comme la marche.
Marina Kouakou
1 Commentaire
les grossesses en entreprises doivent cesser d’être un casse-tête. femmes nous avons besoin de travailler pour assumer notre autonomie financière et aussi de vivre pleinement notre vie de femme, épouse et mère. notre entreprise a besoin de prospérer, de faire du profit, de bien fonctionner pour qu’après la naissance de bébé, la femme retrouve son emploi. chef d’entreprise et femme employée vous êtes partenaires pour réussir ensemble.
femme enceinte et travailleuse assume ta grossesse, reste motivée , compétente et capable de gérer efficacement grossesse et carrière professionnelle.
Monsieur le chef ou la cheffe d’entreprise, une grossesse n’est pas un problème pour l’entreprise, juste communiquer pour trouver les compromis gagnant-gagnant.