De l’épineuse question du manque d’emploi et du chômage, les jeunes pourront-ils conserver leur rêve de travailler « uniquement » dans le domaine de leur formation initiale ? En tout cas, la question reste posée. Difficile aujourd’hui de répondre par « Oui ». La déviation professionnelle est la voie pour survivre. Voiedefemme.net a baladé son micro pour comprendre quelles sont les raisons d’une telle situation. Notre dossier.
En Côte d’Ivoire, à l’instar de la quasi totalité des pays africains, la question du chômage surtout des jeunes n’a jamais cessé d’être au centre des débats. Les différents systèmes éducatifs n’ont pas suffisamment adaptés les formations au monde du travail. Résultats de course, de nombreux diplômés se retrouvent à travailler dans un domaine autre que leurs formations.
Ces « petits métiers pourvoyeurs d’emplois »
Il n’est pas rare de trouver dans les bureaux, des travailleurs qui, avaient d’autres ambitions professionnelles. Ceux-ci rêvaient de faire un boulot en adéquation avec leurs formations ou leurs diplômes. Mais leur rêve est parti en fumé. Des jeunes qui rêvaient d’avoir une carrière professionnelle brillante se sont retrouvés à exercer un autre job juste pour avoir de quoi vivre. Certains, après plusieurs années de formation à l’université, se trouvent obliger de faire des petits métiers comme être manager d’artistes, commercial, éleveur, soudeur. Ces « petits métiers » qui pilulent dans nos villes et qui sont aujourd’hui des « pourvoyeurs d’emploi ». Les secteurs les plus « prisés » : blanchisseur, gérant de cybercafé, de cabine téléphonique, de point de Loto, d’agence Mobile Money, chauffeur de taxis, enseignant vacataire… Pour les « plus chanceux », sans rêver de faire ce job, sont devenus: policier, gendarme, agent des eaux et forêts, douanier et bien d’autres.
Une affaire de relation…
Pour Goprou Youzan Wilfried, « Nous sommes dans un pays où le chômage est de plus en plus grandissant. Il nous faut donc choisir une formation où on peut être sûr d’avoir assez d’opportunités. Cela ne sert à rien de suivre une formation qui va nous emmener tout droit vers le chômage ».
Ce jeune diplômé en Journalisme à l’Université Félix Houphouët-Boigny pense qu’en Côte d’Ivoire, ‘’relation est mieux que les diplômes’’. « Ce n’est pas juste un effet de fantaisie », dit-il. Pour lui, de nombreuses personnes obtiennent souvent leur emploi par « les relations » que par compétence. « C’est connu que dans nos sociétés africaines, la qualification ou le diplôme importe peu. Les entreprises sont pleines de personnes peu qualifiées qui ont pris la place de celles qui sont compétentes et diplômées. Ces derniers n’ayant pas de ‘’Bras longs’’ ou de parents cadres ou même de moyens pour soudoyer un responsable de société restent sur le carreau. Conséquence, faire une activité pour survivre devient une obligation », se lamente Wilfried.
… de mauvais choix ?
Le choix de la formation est-il une conséquence de la déviation professionnelle que l’on constate de nos jours ? M. Goprou répond par l’affirmation. « C’est le mauvais choix de formation qui conduit souvent au chômage », conclu-t-il fermement. Pour « ce destiné » au métier de journalisme et actuel interprète chinois et anglais, les jeunes doivent d’abord regarder l’évolution du marché du travail actuel avant de se lancer dans une formation. « Il ne suffit plus de faire une formation pour en faire. Il faut savoir si celle-ci a des débouchés qui pourront vous permettre plus tard de vous insérer dans le monde du travail », conseille-t-il aux jeunes. Comme lui, plusieurs personnes qui subissent les conséquences de leur mauvais choix en matière de formation, recommandent cette attitude aux jeunes qui font leur entrée dans la formation professionnelle et même universitaires. « Ne faites pas comme nous ! », exhortent-elles
… pressions familiales ?
Pour Anessi Rhudy Paul, qui a la chance d’exercer dans son domaine de compétence, ce sont les conditions de vie qui obligent souvent les jeunes à se tourner vers des métiers pratiques et rapides d’accès. « Plus les conditions de vie sont saines, plus l’on a la capacité d’exceller dans son domaine de compétence », insinue celui qui a fait une formation en Gestion commerciale. Il estime que notre société nous impose des formations auxquelles nous avons parfois du mal à nous défaire. Malheureusement il n’y a pas de place ou très peu pour les rêves d’enfance », désespère-t-il.
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Pour N’goué Bernard : « La réalité est qu’en Afrique, nous allons à l’école pour subvenir à nos besoins et à ceux de nos familles. Et pas pour la connaissance ou pour s’épanouir dans ce qu’on aime, dans ce qui est passionnant… », mentionne celui pour qui, le poids de la famille est pour quelque chose dans nos choix professionnels. « La famille ! C’est l’un des facteurs qui pousse souvent certains à délaisser leur rêve pour une activité génératrice de revenue ».
C’est le point de vue aussi de Koné Ismaël, amateur du football, qui a dû tronquer ses crampons contre un poste dans une société du vivrier de la place. Selon lui, le milieu du football en Côte d’Ivoire étant déjà très saturé. Il est souvent impossible pour de nombreux jeunes comme lui de se faire une place. Sachant que dans ce milieu, plus on espère, plus l’âge met la pression. Fatigué donc de patienter pour une opportunité qui n’est pas encore arrivée, il a décidé de scruter d’autres horizons. Aujourd’hui, il ne regrette pas son choix, car, à l’en croire, c’est le ‘‘petit boulot’’ qui a permis de prendre soin de sa femme pendant sa grossesse.
Même son de cloche pour Stephane Kouamé Ally, interprète chinois. Pour Stéphane « C’est la pauvreté dans les familles, qui oblige les jeunes à aller chercher le moyen le plus rapide pour subvenir à leurs besoins ».
Que faire? Une reconversion est possible.
Faire de nouvelles formations pour plus de chance.
Les jeunes diplômés ne doivent plus se cantonner à leur seule formation. Mieux, avec les nouvelles technologies de l’information et de la communication, apprendre autre chose devient une opportunité à saisir.
Pour Mme Affian Flavie, diplômée en Journalisme, estime que c’est la solution pour faire face au problème d’employabilité. « Avoir plusieurs cordes à son arc n’est pas vain ! C’est plutôt un bénéfice pour nous. Cela pourrait nous ouvrir divers horizons et même nous aider dans notre future carrière d’entrepreneur », argue-t-elle.
« Se former dans plusieurs domaines, est une bonne chose », soutien Hugues Assémien qui a dû se former dans d’autres domaines étant sur le terrain du travail. Formé en Science de l’Information et de la Communication, option, Journalisme, il a choisi d’apprendre la langue chinoise. « Le plus important, c’est travailler. Nous sommes dans une société qui est en constante évolution. On se doit donc d’évoluer avec elle », affirme-t-il.
Avoir plusieurs cordes à son arc. faire plusieurs formations multiplient les chances. Des formations, souvent sans liens avec son projet professionnel initial. Cela offre plus de possibilités dans le monde du travail.
Arsène Lohouré