C’est un phénomène qui inquiète de plus en plus. La prostitution des adolescentes a connu une préoccupante envolée ces dernières années. En témoigne le nombre croissant de mineures dans les rues, devant et dans les bars, dans des espaces aménagés… à Yopougon, en Zone 4, à Cocody, Marcory… Mais pas seulement dans les rues. Tout au fond des maisons, se tient le plus vieux métier.
Du rabattage à ciel ouvert au rabattage sur les réseaux sociaux et à l’illusion de liberté dont elles s’enivrent, poussées par le gain facile et tenaillées par la misère, les jeunes filles, surtout les mineures, sont de plus en plus nombreuses à s’adonner à la prostitution. Un fléau invisible mais ravageur qui concerne près d’un million d’adolescentes, parfois très jeunes en Côte d’Ivoire.
À Yopougon dans les encablures de la place Figayo ou dans les couloirs de l’ex-Rue Princesse, la prostitution des adolescentes est bien visible. La ‘’nouvelle génération’’, comme on les surnomme, fait son marché à la chasse des hommes pour le gain dans ces lieux bien connu des noctambules. Décomplexées, ignorantes, habillées en tenues légères, presque nues, parfois arrogantes, agressives à la limite, ces ados arpentent les trottoirs et écument les endroits dédiés à la recherche d’argent pour peu de sueur.
En Zone 4, lieu par excellence du marché de la prostitution, femmes, jeunes filles, adolescentes se battent pour s’attraper un client. Cachées à l’ombre des arbres, dans les rues sombres, et aux alentours des bars et boîtes de nuit, les adolescentes plus propres et plus fraîches que celles des bas quartiers, rivalisent d’ardeur et d’ingéniosité pour trouver un client dans cette multitude de prostituées ou on trouve des carriéristes et des débutantes, toutes aussi incisives que habiles. Ce marché longtemps considéré comme marginal, est désormais jugé assez préoccupant pour que la brigade mondaine décide de faire des descentes musclées sur le terrain en vue de freiner ce phénomène. Peine perdue ? Certainement ! Entre la traque des policiers, les agressions des voyous, certaines jeunes filles ont décidé de trouver une autre idée ingénieuse pour ne pas se faire voir dans les rues ou même se faire racketter par les policiers véreux qui leur font du chantage.À l’aide de leur smartphone, sur Instagram, Snapchat ou Facebook, cette nouvelle catégorie déballent, sans fard, ses stratégies pour se trouver des clients prêts à se ‘’faire plaisir’’ discrètement et moyennant une contrepartie financière. Cette méthode est en plein expansion chez les étudiantes et élèves qui se ‘’vendent’’ loin des yeux et de tout soupçon de leur entourage et de leurs parents à travers les réseaux sociaux.
Illusion insidieuse
Sortie à peine de l’enfance, les adolescentes sont prises au piège, en même temps qu’au jeu, de la prostitution dont elles réfutent l’appellation, lui préférant d’autres sobriquets plus sournois comme ‘’Bisy’’ ou ‘’Plan’’. Pour comprendre les raisons évidentes de ces filles qui sont le plus souvent dans le déni, nous nous sommes rendus dans quelques endroits d’Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire pour parler avec certaines parmi elles. Devant le refus des unes, les agressions verbales des autres, et l’empathie de certaines, nous avons pu recueillir quelques témoignages édifiants et tristes à la fois pour mettre en lumière les engrenages et la mécanique insidieuse de cette prostitution dans le sillage d’adolescentes paumées et de parents désarmés. Et surtout, tenter de comprendre « ce qui se passe dans la tête et dans le corps de ces gamines.
A Cocody, dans les environs du Sofitel Hôtel Ivoire, alors que nous arpentons une rue sombre, une jeune fille, d’une quinzaine d’années à peine, monte dans la voiture d’un client. Pour nous ce n’est pas un fait nouveau. Partout d’ailleurs, la nuit tombée, cette image est répétée à foison. Or, il va falloir réactualiser notre regard sur cette perception, ce cliché. La prostitution de nos jours a fini par s’adapter à l’évolution du monde. Elle s’est même métamorphosée, en silence, à l’ombre des bruyantes mutations de notre époque en prenant les codes : numérisation, réseaux sociaux… Grâce à cette mutation, est née, au cours de la dernière décennie, la prostitution des adolescentes, des mineurs. Anciennement encartée dans le fond des cités universitaires, le phénomène a gagné tous les milieux sociaux en touchant surtout des adolescentes âgées de 15 à 17 ans.
Entre les illusions insidieuses, les mauvaises fréquentations, les rencontres via les réseaux sociaux, le manque d’argent, l’envie de paraître, de faire comme les autres… les ados notamment les étudiantes et élèves virent rapidement dans ce monde où vendre son corps pour de l’argent est la seule et unique loi. Se montrer nue en publiant ses photos sur les réseaux sociaux, participer aux foras de proxénétisme pour avoir une chance d’être harpé, les mineurs font la course au gain facile.
Passé pour un client, Sonia H. une élève de terminale, après une harassante et longue discussion, nous trouvons un accord pour passer la nuit ensemble. Après l’avoir rassurée de ma bonne foi et de mon « amour » pour elle, elle finit par se dévoiler petit-à-petit dans l’ambiance d’un maquis à Blokauss où je lui demande de prendre un pot. « Mes parents ne peuvent plus s’occuper de mes frères et moi, et ma mère est malade. C’est pourquoi je fais ça pour avoir de quoi à payer mes cours et payer les médicaments de ma maman », raconte-t-elle pour trouver une raison morale à son activité…
Djolou Chloé
2 Commentaires
Les choses vont de mal en pire au fil des années!!
je t’assure Leslie!