Les femmes ont brisé le mythe de plusieurs métiers traditionnellement masculins. Mais certains comme celui de docker résiste encore à la percée féminine. Même si, au Port-autonome de San Pedro, Blandine Yebarth a embrassé cette carrière, depuis bientôt trois ans !
Ce matin du 23 novembre, l’embauche du Port-Autonome de San Pedro est assailli par des dizaines de travailleurs. Il n’est pas encore 6 heures mais ce lieu de rassemblement est noir de monde. C’est ici que chaque docker est informé de la société manutentionnaire qui l’emploie durant la journée. « Si vous n’êtes pas là au moment de la désignation, à 6 heures pile, votre journée est perdue », confie Blandine Yébarth, affublée de sa chasuble. Elle est la seule femme parmi ces centaines de dockers.
A 29 ans, Blandine a déjà trois ans d’expérience dans ce métier où l’on croise rarement de femmes. A San Pedro, c’est la première femme à faire ce travail. Sur les 1086 dockers de ce port, seulement six sont des femmes. Mais Blandine est la seule qui travail sur le quai où le travail est plus rude.
Le métier Il consiste à charger et décharger les conteneurs sur les navires. Les dockers ont le monopole de tout ce qui est manutention sur le domaine maritime. Ils peuvent travailler à bord (grimpeurs) ou à quai (chauffeur de cavaliers). Les cavaliers sont des véhicules qui transportent les conteneurs… Mais Blandine s’y est à présent accommodée.
Titulaire d’un diplôme de secrétaire de direction et de contrôle qualité, elle postulé pour entrer dans ce corps de métier en connaissance de cause. L’annonce d’offre d’emploi était bien précise. Elle parlait de recrutement de dockers.
La société en charge de la main d’œuvre docker portuaire qui avait lancé cet appel à candidature a été frappé par cette seule candidature féminine. « Je pense que SEMPA voulais tenter une expérience, en se lancer dans la politique du genre. Il est vrai que être docker c’est un métier d’hommes mais les femmes sont aussi dynamiques quand elles font des métiers d’hommes. Moi je l’ai démontré. Je crois que je n’ai pas démérité », se félicite la docker…
Mère de deux enfants âgés respectivement de 6 et 7 ans, Blandine Yebarth comprend les contraintes de ce métier qui ne fait pas bon ménage avec la vie de famille. Comme tous les dockers, elle travaille presque tout le temps. Les dockers bossent 35 à 48 heures par semaine, dimanche y compris. Ils font les quarts et ne connaissent jamais leur emploi du temps à l’avance. « Quand je suis à la maison, je le mets à profit pour la famille. En famille, je suis la femme et mon homme le chef. Cela ne se discute pas. Je lui dois donc respect et soumission. Pour mes enfants, je trouve le temps pour m’en occuper avec l’aide de ma sœur aînée, confie-t-elle.
Sur les quais, Blandine doit également s’accommoder des railleries de certains de ses collègues dockers. « Beaucoup de collègues sont aimables. Mais certains ne supportent pas que je sois parmi eux », soutient-elle. La seule femme Dockers du Port de San Pedro se souvient de son premier jour dans ce métier. « Ce jour-là il y avait un navire à quais (…) J’arrive sur le quai à côté d’un grand entrepôt… J’étais dans un environnement nouveau. Je me sentais perdue, vraiment perdue dans cet univers. J’y ai trouvé un premier homme qui m’a bien reçu avec beau sourire, avant de me demander si je faisais la réception et l’embarquement (….) Peu après, un autre homme est venu me trouver là et a crié ‘‘c’est femme ils ont envoyé ici ?’’. Je n’ai pas répondu. Il a repris plus fort : ‘’ La femme que le manutentionnaire nous a envoyé est très impolie ». Tout le monde a commencé à sortir la tête pour me regarder. Cette scène a suffi pour que je sois étiquetée. Mais cela m’a plutôt galvanisée. J’aime relever les défis. Il fallait après tout ça que je reste pour prouver à mon employeur que je suis une battante et qu’il n’a pas eu tort de me faire confiance. Les premiers jours n’étaient pas faciles. Mais maintenant ça va », raconte Blandine. « Aujourd’hui beaucoup me félicitent ».
Combien gagne Blandine ? « C’est comme si vous me demandez ce que gagne un docker. Certains gagnent 8000 voire plus par jour puisque c’est une question d’heure. Dans la même journée un docker peut travailler avec plusieurs manutentionnaires et s’en sortir par exemple avec 300 000f par quinzaine », révèle-t-elle.
Ce métier, Blandine n’entend pas le quitter maintenant. « Au contraire, je suis plutôt tombée amoureuse de ce métier. Trois ans après je peux dire que c’est l’un des plus beaux métiers au monde. Je compte donc y rester jusqu’à la retraite car il est passionnant… », indique-t-elle. Invitant les femmes à franchir les barrières de tous les métiers supposés réservés aux hommes.
Jean-Baptiste Kouadio