Le 20 janvier 2021 dans le cadre de la politique sociale du gouvernement, 200 personnes en situation de handicap ont été recrutées, de façon dérogatoire à la fonction publique. Décision donnée à l’issue du conseil des ministres à Abidjan ce mercredi 20 janvier 2021. Huit mois après cette décision quel constat pour les associations militantes de personnes en situation d’handicap. Notre équipe part à la rencontre de M Trah BI Mathurin président de l’AHOCI, association qui œuvre pour l’employabilité des personnes en situation d’handicap installée dans la commune de Yopougon.

Présentez-nous votre Association ?

Je suis M Trah Bi Hua Mathurin, président de l’Association des personnes Handicapées et Orphelins en Côte d’Ivoire en abrégé AHOCI. Notre association a été créée le 23 décembre 2019. Elle regorge tous types d’handicaps.  Il y a les albinos, les moteurs, les malvoyants, les sourds-muets et les personnes de petites tailles. Nous comptons beaucoup de femmes au sein de l’association.  Nous avons pour mission l’employabilité des personnes en situation d’handicap en les formant à un métier. Pour l’entreprenariat, nous avons les conventions de formation, en cordonnerie, en menuiserie et dans la vente. Nous organisons ces formations pour une mise à niveau de nos membres. Nous assistons aussi les familles dans plusieurs activités. Les handicapés ont aussi des droits. Déjà nous avons installé 10 personnes, et nous avons mis les femmes en priorité. Nous avons 6 femmes et 4 hommes à qui nous avons trouvés des métiers. Voici ce que nous avons déjà fait pour les membres de notre association et nous ambitionnons faire plus.

Dans quels domaines d’activité sont installées ces 10 personnes ?

Parmi les 10 personnes qui ont bénéficiés de notre assistance, il y deux hommes qui sont dans la vente de poisson frits avec de l’attiéké communément appelé « Garba ». Nous avons installé certaines femmes en soins de beauté « pédicure et manucure ». Une dans la vente des vêtements d’occasion. Deux autres femmes qui ont des tables au marché. Et les autres dans la cordonnerie et la menuiserie. Plusieurs font les mêmes activités. Surtout les hommes qui sont dans la poissonnerie, la commercialisation de savon liquide. La majorité est dans le commerce. Ces activités leur permettent de s’en sortir.

Que faites-vous concrètement pour trouver du travail à vos membres ?

Nous savons tous qu’employer quelqu’un en Côte d’Ivoire n’est pas chose facile même les personnes valides ont du mal à trouver un emploi. Déjà l’Etat Ivoirien a mis en place un recrutement chaque année qui recrute 200 personnes à la fonction publique. C’est peu. Et cette année nous sommes à 1600 personnes. Je pense que c’est toujours peu. Mais faut dire aussi que l’Etat fait de son mieux. Voilà pourquoi, j’ai dit que la formule idéale s’est de créer nous-mêmes des emplois pour les embaucher. L’Etat avait signé un décret qui demandait aux entreprises privées de recruter les personnes en situation d’handicap. Mais ce décret n’est pas appliqué par le privé. Les personnes en situation d’handicap sont aujourd’hui rejetées.

AHOCI collabore avec « La Libellule », une organisation qui s’occupe aussi de l’employabilité des personnes en situation d’handicap. C’est le seul partenaire qui nous aide à faire embaucher les personnes handicapées dans des entreprises. Elle va plaider auprès des entreprises pour des emplois en faveur des handicapés. La « Libellule » arrive à le faire grâce à ses partenaires. Pour nous ce processus est un peu lent.

Notre souci aussi, ce sont les handicapés de naissance qui ont été rejetés par la famille. Ils sont considérés comme des enfants maudit ou enfants serpents. Ces deniers n’ont pas eu la chance d’aller à l’école.  Nous avons également les handicapés d’un âge avancé pour être recrutés. Trouver un emploi pour eux n’est pas facile.

Pour notre Association la formule idéale ce sont les rencontres et les formations. C’est pour cette raison que nous avons initié l’acte1 et 2 de notre projet « Autonomisation des personnes en situation d’handicap ».

Le souhait d’AHOCI, c’est la création d’une entreprise qui favorise l’insertion des personnes en situation d’handicap. Chacun aura un rôle à jouer sans tenir compte des diplômes et de l’âge. Des personnes valides pourraient aussi y travailler. Nos membres pourraient ainsi subvenir à leurs besoins ainsi qu’à celles de leurs familles.

Voici pourquoi je continue à lancer un appel aux personnes de bonne volonté à mettre cette entreprise en place. On pourrait y trouver des cordonniers, des menuisiers, des vendeurs, des commerçants… Il suffit d’avoir un espace calme où tout le monde pourrait s’installer.

Pour le moment, nous avons décidé de prendre contact avec les ONG de la commune de Yopougon qui ont le même objectif que nous. Nous n’avons pas encore eu de réponses positives. C’est pour toutes ces raisons que nous préférons mettre nos membres dans le secteur informel. Le temps d’attendre que ces partenaires trouvent une solution.

Nous avons plusieurs conventions de formations professionnelles et aussi en informatique.  Nous avons 10 femmes qui vont intégrer la formation en audiovisuel grâce à un partenariat.

Combien de membres vous comptez dans votre association depuis sa création ?

Nous sommes 60 personnes au niveau d’Abidjan. Concernant l’intérieur du pays, nous avons des petites branches à Daloa et à Oumé. La situation à l’intérieur est aussi compliquée.

Voilà pourquoi nous avons lancé un projet nommé « l’autonomisation financière de la femme en situation d’handicap à travers l’entreprenariat ».

Nous avons commencé le projet par la formation des femmes. La seconde partie prendra en compte 200 personnes. Nous allons ajouter des hommes. Mais la priorité est toujours donnée aux femmes. Nos membres de l’intérieur du pays sont conviés à y participer. A l’issue de cette formation nous comptons financer 20 personnes.

Vos membres de l’intérieur du pays bénéficient-ils des dons que vous recevez ?

Pas du tout. Ils ne bénéficient pas de ces dons. Mais nous avons une autre méthode de travail. Quand Nous recevons les dons, nous ciblons des personnes en fonctions de leurs conditions de vie. Ceux qui sont vraiment dans le besoin sont les plus visés. Pour ceux de l’intérieur c’est compliqué de leur faire parvenir les dons en nature. Nous nous arrangeons lorsque nous avons des dons en numéraires pour leur faire parvenir ces dons. Nous faisons des dépôts sur leurs différents comptes mobiles monnaies afin de les aidés à défaut de leur envoyer des dons en nature. Nous travaillons toujours avec nos membres de l’intérieur, même s’ils ne sont pas ici à Abidjan.

Comment adhérer à votre association ?

Même sans adhésion, une personne handicapée fait automatiquement partir de l’association. Le cas des orphelins c’est encore plus critique. Les problèmes sont différents. C’est difficile de mélanger ces deux catégories de personnes (handicapés et orphelins) pour mener une lutte efficace. Mais ayant milité dans une association d’aide aux orphelins, je connais leur situation. Quand j’ai en face d’un orphelin dans le besoin, je réfléchir à la méthode idéale pour l’aider à s’en sortir.

Nous avons mené une mission sur les mendiants et autres personnes en situation d’handicap que nous voyons dans les rues. Nous avons constaté que ces personnes sont à 90% des étrangers. Nous nous sommes dit que si une personne peut s’assoir dans les coins de rues ou devant les lieux de prières pour mendier, c’est possible qu’elle puisse s’assoir derrière un comptoir. Pour vendre soit des paquets de lotus ou des cigarettes et autres marchandises. Au moins il y a une activité qui rapporte. C’est mieux que mendier. Nous avons essayé d’aider 20 personnes. Personne n’a tenu. Ces personnes nous ont clairement dit qu’elles préfèrent vivre de mendicité. Elles ont trop de difficultés pour faire une activité.

Quels sont les difficultés que vous rencontrez ?

Les difficultés, il y en a plusieurs.

Les initiatives du gouvernement à donner du travail aux personnes en situation d’handicap sont bonnes mais pas suffisantes. Les recrutements à partir de 2015 étaient bons mais un moment donné ils ont arrêté les recrutements. Nous avons vraiment besoin de votre canal pour lancer un appel, dire au gouvernement que c’est vrai ils ont pris des décisions mais c’est encore peu. Nous sommes très contents pour les personnes qui ont bénéficié du recrutement et ça rend encore notre combat intéressant.

Trouver des partenaires ou des institutions pour embaucher des personnes en situation d’handicap c’est compliqué. Souvent aucune réponse à nos demandes.

Pour la réalisation de nos activités, c’est encore compliqué. Par exemple pour le projet « L’autonomisation des personnes en situation d’handicap.» Nous avons sollicité l’aide de la mairie et de certains ministères sans réponse.  Ce sont plutôt des partenaires privés qui ont répondu à notre appel. Nous avons le sentiment que les personnes handicapées sont mises en arrière-plan. Nos autorités nous ont tourné le dos. Nous avons plein de projet mais quand nous allons vers une entreprise et qu’elle constate notre handicap, nous sommes considérés comme des incapables. Nous avons des capacités donc si on va leur demander de l’aide qu’ils acceptent. Chez nous, on dit plutôt que le handicap c’est dans la tête et non le physique.

Je saisie cette opportunité pour dire merci à Dieu, car sans lui rien ne peut aboutir. Et exprimer ma gratitude à toutes ces Organisations qui nous soutiennent et qui continuent de nous apporter leur aide. Merci au webzine VoixVoie De Femme pour cette interview, Merci pour cette lumière que vous apportez aux personnes en situation d’handicaps.

Bekanty N’KO

Ajoutez votre commentaire