Parmi les treize mesures de riposte contre la propagation du coronavirus, la fermeture des maquis et restaurants passent déjà mal dans certaines villes de l’intérieur du pays. A San Pedro, les acteurs du secteur ne cachent plus leur amertume.

Cela fera bientôt deux semaines que Linda B. est cloîtrée à la maison, au quartier Séwéké de San Pedro. Serveuse dans un célèbre Nightclub de la Cité (un quartier hyper) la jeune femme est au chômage depuis le 16 mars dernier. Jour où le gouvernement a décidé, dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus, de la fermeture des maquis, bars et restaurants sur toute l’étendue du territoire national. « J’ai deux enfants à ma charge. C’est grâce mon salaire 2000 F CFA par jour que j’arrivais à m’occuper d’eux », se désole, la jeune dame de 25 ans, qui espère que « le travail reprenne le plus tôt possible ».

A San Pedro, deuxième ville portuaire de la Côte d’Ivoire après Abidjan, plus de cinquante pour cent des travailleurs dans les maquis et restaurants et bars sont des femmes, selon la Fédération nationale de l’industries hôtelière (FNIH), dirigée par le colonel Continuer.

Georgette A, fait partie de ces femmes qui prospéraient dans ce secteur. Mais cette responsable d’un restaurant au quartier Balmer commence à s’inquiéter du poids de la charges que son entreprise lui permettait de supporter. « J’ai des enfants qui étudient en Europe. C’est vrai que les universités sont fermées là-bas, comme ici. Mais il faut que je leur envoie régulièrement de l’argent. Avant je pouvais leur transférer 500 000 F CFA chaque mois. Mais avec les nouvelles que nous entendons, si nos commerces restent fermés plus longtemps, je ne pourrai plus faire face à ces dépenses », fait savoir cette quadragénaire qui employaient une quinzaine de travailleurs.  Mme M. Detchi, responsable du restaurant La Madré au lac Les Pertes chiffre ses pertes à « au moins 400000 F CFA depuis l’entrée en vigueur de la décision gouvernemental ». « Je faisais une recette journalière de prêt de 50 000 F CGFA ». Pour les restaurants de haut standing, les entrepreneurs estiment des pertes journalières de 200 000 F CFA.

Dans cette ville du sud-ouest ivoirien, l’hôtellerie et la restauration sont un secteur fluoresçant. La ville dispose d’une bonne infrastructure hôtelière, ainsi que des restaurants, des bars, des discothèques et des maquis. Avant la psychose du coronavirus, la cité portuaire offrait aux visiteurs des sites d’intérêt tel que le port de pêche, la Maison des esclave située sur l’une de ses collines, la tour de Moikrako, ou encore l’embouchure de San Pedro. Sans compter ses belles plages, notamment Victory, Monogaga, ou la baie des sirènes. «  C’est toute cette attraction qui faisait que nos restaurants, maquis, bar et hôtels ne manquaient jamais de monde », confie Doudou M’Baye, responsable d’une faitière du secteur dans la région.

Les femmes qui travaillent dans ce secteur participaient activement à la vie économique de San Pedro. Pour A. G, propriétaires d’un grand maquis de la ville, le manque à gagner est partagé. « C’est clair que la situation pèse beaucoup plus sur nous. Mais, le plus gros perdant, c’est l’Etat », souligne A. G. « Je payais autour de 200 000 F par mois comme taxes et impôt. Et s’il faut quantifier la participation des femmes, ce n’est pas moins 10 000 000f CFA qu’elles payent chaque année comme taxes ».

A San Pedro, les acteurs du secteur hôteliers savent que le gouvernement a décidé de les aider à supporter la crise. Mais, les acteurs du secteur s’interrogent encore sur les modalités de pratique de ces mesures. « Pour le moment, la communication autour cet appui de l’Etat, n’est pas encore passée claire ici chez nous », estime A. G. « Nous souhaitons que nos commerces soient rouverts le plus tôt possible », propose-t-elle. « On pourrait appliquer les mesures barrières, à savoir la distanciation, et pourquoi pas privilégier les plats emportés », pense également Mme M. Détchi. C’est justement pareille décision qu’attend Linda et ses deux enfants.

Jean Baptiste Kouadio

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