Au Burkina Faso, Delphine Sangaré force l’admiration. Cette femme de 40 ans est mécanicienne au garage des camions miniers et gros engins à la mine IAM Gold Essakane depuis 2013. La mère de trois enfants, passionnée par son métier, ambitionne aujourd’hui d’ouvrir son propre garage, en y mettant en avant, la promotion de la femme. Depuis elle a créé une association qui fédère toutes les femmes qui œuvrent dans ce secteur de la mécanique. Le 25 août dernier, dans une interview en ligne, Delphine Sangaré a livré quelques secrets de sa passion à VoixVoie De Femme.
Vous travaillez en tant de mécanicienne dans l’une des grandes entreprises de mines au Burkina Faso. Comment êtes-vous arrivée dans ce métier de mécanicienne où on trouve très peu de femmes ?
J’ai appris ce métier sur le tas. J’ai le niveau 3ème. Et c’est en 1998 que j’ai commencé l’apprentissage de la mécanique à Ouagadougou dans la capitale burkinabè. Je n’ai jamais fait une école technique. J’ai fait mon apprentissage dans plusieurs garages.
J’exerce ce métier depuis 22 ans. J’ai commencé par des garages de particuliers et après je suis allée dans des garages renommés.
D’où est parti le déclic de votre engament à ne faire que la mécanique comme métier ?
Je suis fille unique de mon père qui est mécanicien de profession. Vous savez que dans nos sociétés, les hommes préfèrent avoir des enfants garçons comme héritier… J’avais arrêté les cours pour être Camerawoman dans notre télévision nationale. J’étais souvent en conflit avec mon père. Et lors d’une dispute, il m’a dit un mot qui ma blessée… Souvent on dit que les filles ne seront jamais rien dans la vie. C’est ce jour que me prendre en charge. C’était un défi pour moi de réussir. Je suis allée voir un oncle qui m’a amenée chez son garagiste, où j’ai commencé l’apprentissage de la mécanique.
Je n’ai pas informé mon père. Comme le garage en question n’était pas loin de chez lui (je vivais désormais chez mes grands-parents), il a fini par découvrir que je faisais ce métier. Il en était plutôt fier. Puisqu’il disait aux gens, quand je passais, que j’étais sa fille. Il était en fait fier de voir sa fille se battre. Il me cachait cette fierté qu’il avait pour moi, jusqu’à ce qu’on se réconcilie.
Comment avez-vous intégré cette grande firme minière alors que vous n’êtes pas sortie d’une école classique ?
C’est vrai, je n’avais pas de diplôme. Mais chaque fois que je suivais une formation, je réclamais une attestation. C’est à partir de ces attestations que j’ai été d’abord embauchée dans une société professionnelle qui représente une grosse marque américaine. Et j’y étais la première femme mécanicienne. C’est comme cela que j’ai été embauchée dans cette entreprise et déclarée à la Caisse de prévoyance sociale. Dans ce recrutement, beaucoup de postulants avait des diplômes techniques, mais grâce à mon expérience, j’ai été retenue.
Pour ce qui concerne le site minier IAM GOLD Essakane, j’ai été contactée par une amie qui m’a informé de ce que cette entreprise recherchait des apprentis mécaniciens. Dans un premier temps, j’ai dit que je ne souhaitais pas aller faire de l’apprentissage, vu mon expérience. Mon amie m’a convaincue de postuler.
Je suis allée déposer mes dossiers. Nous étions plusieurs à déposer les dossiers. Et j’ai été la seule retenue.
Quelles sont vos tâches à la mine IAM GOLD Essakane, cette entreprise de mine que vous avez intégrée depuis 2013 ?
Mes tâches consistent à faire la maintenance et les travaux divers sur les machines. La maintenance consiste à faire la vidange des différents composants et le remplacement des différentes filtrations. On fait également l’appoint des huiles, les contrôles, puis les l’amorçage suivis du démarrage des engins. Après le démarrage, on commence les travaux planification. Et après tout, on fait le test de performances avant la libération de chaque machine.
Je répare le système de freinage et vérifie le circuit électrique….
Est-ce qu’on peut dire que vous êtes une femme épanouie ?
Oui, je suis une femme épanouie parce que ce métier nourrit très bien son homme. Et je suis mère de trois magnifiques trésors.
Vos absences prolongées de la maison n’impacte-t-elles pas votre vie de famille ?
Non, pas du tout. C’est vrai que je suis une femme divorcée. Mais mon divorce n’a rien à voir avec mon travail. Parce que mon ex-mari m’a toujours soutenue. Il m’a connue quand je faisais déjà le métier. Et malgré la distance qui nous sépare, il continue de me soutenir.
Même quand j’étais encore à Ouagadougou, où je travaillais souvent jour et nuit, selon les garages où j’ai travaillé, il m’a toujours soutenu. Il était là avec les enfants et son soutien ne m’a jamais fait défaut. C’est après tout ça que le divorce est arrivé, bien avant que je ne sois recrutée dans le site minier.
Quels conseils pouvez-vous donnez aux jeunes filles qui souhaitent embrasser la même carrière que vous ?
Les conseils que je donne à mes sœurs est de ne pas baisser les bras quelques soient les difficultés qu’elles rencontrent dans leurs boulots. Mes chères sœurs, ne cédez pas à la facilité. Soyez sérieuses dans tout ce que vous entreprenez. Evitez de vivre aux crochets des hommes. Battez-vous comme vous pouvez, le chemin n’est pas facile, mais avec le courage, la détermination et la persévérance, on réussit toujours.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Vous savez que les sociétés africaines ne font pas trop confiance aux femmes. C’est ce qui explique en partie le chômage de beaucoup de femmes. Et la question que je pose aujourd’hui, c’est comment faire en sorte que mes sœurs ne chôment plus. C’est pourquoi, j’ai créé l’Association des femmes mécaniciennes avec certaines collègues. Elle a pour but d’aider, protéger, former et les assistés. Je cherche des financements pour la création d’un garage féminin qui serait gérer par des femmes.
La Rédaction