Les femmes sont encore rares au volant des véhicules de transport en Côte d’Ivoire. A Abidjan-Cocody, Kouadio Mélanie force pourtant l’admiration dans le métier de chauffeur de taxi communal. Portrait.
Il est 10 heures, ce vendredi 27 novembre 2020. A la gare de taxi à d’Angré-Terminus 81-82, les chauffeurs de taxi hèlent les passants qu’ils invitent à prendre place dans leurs véhicules de transport. « Deux-Plateau, Cocody », peut-on entendre ici et là. Dans ce tintamarre de klaxon, une voix fluette, celle de Kouadio Mélanie, se dégage. La main droite condamnée au volant de sa Toyota Yaris, elle tient l’autre bras levé en permanence, invitant les éventuels passagers à occuper les quatre places de ce modèle d’auto produit par le constructeur japonais Toyota.
Cela fait trois ans que Mélanie, la quarantaine, est chauffeur de taxi ‘‘woro-woro’’ dans la commune de Cocody. Issue d’une famille modeste, elle n’a pas eu la chance d’aller à l’école. Et à cause de sa condition de femme sous nos tropiques, rien ne la prédisposait à faire ce métier, à l’origine masculin.
Mais à force de détermination, elle y est parvenue en 2017. Mère de trois enfants, Mélanie a d’abord travaillé dans un restaurant à Abidjan. Elle a également fait de petites activités commerciales ici et là. Ce sont ces activités qui lui ont servi de tremplin pour passer son permis de conduire. « Il fallait suivre les cours pour obtenir ce permis. Il fallait vraiment trouver du temps pour cela. Dieu merci, j’ai pu obtenir ce diplôme cette même année 2017 », se souvient-elle.
Le document en poche, elle ne tarde pas à trouver du travail. « Je suis allée à la gare de taxi de la Riviera 2. J’ai rencontré le chef de gare. Il m’a tout de suite confiée à des chauffeurs professionnels qui m’ont aidé à avoir la main. Cet apprentissage de terrain a duré un mois », témoigne Mme Kouadio.
Le regard des autres
Aujourd’hui, trois ans après avoir embrassé ce métier, l’ancienne restauratrice ne cache pas sa fierté d’avoir réalisé son rêve. Un rêve d’enfance.
« Je suis très fière de ce travail. Je ne savais pas qu’un jour je pouvais faire ce métier. J’ai toujours rêvé d’être au volant. Mon père avait une voiture. Je rêvais de la conduire un jour. Mais j’étais encore petite », se souvient-elle. Et la femme au foyer qu’elle a été ne lui a pas permis de commencer ce travail plus tôt. « J’ai des enfants. Ils étaient encore petits et c’était impossible pour la mère que j’étais de me lancer dans cette aventure. Les enfants auraient sentis mon absence »,explique la mère de trois enfants. « Maintenant que les enfants ont grandi, je me sens un peu libre et ça marche ».
Mélanie, comme la plupart des milliers de chauffeurs de taxi ne sont pas propriétaires des véhicules qu’ils conduisent. Ils doivent donc verser une recette journalière aux gérants. « Ce n’est pas facile. Souvent les véhicules ont des pannes imprévisibles. Cela peut tout bloquer ou vous prendre toute la recette. Mais quand on a une voiture en bon état, on arrive à rentrer avec un peu d’argent à la maison », soutient-elle.
Dans ce métier, Kouadio Mélanie se dit heureuse. Elle a réalisé son rêve. Mais ce rêve sera accompli quand elle aura son propre véhicule. « Mon souhait aujourd’hui, c’est d’avoir ma propre voiture », a indiqué le chauffeur de taxi. « Quand on a le métier de son rêve, on a déjà le début de l’épanouissement. Je veux rester dans le transport parce que j’aime le transport. Mon souhait le plus ardent c’est d’avoir mon propre taxi », a indiqué Mme Kouadio.
Elle se félicite de la bonne ambiance entre elle et ses collègues hommes. « La plupart d’entre eux sont contents de voir une femme travailler comme eux. Ils m’encouragent. Mais certains me taquinent souvent et me disent clairement que la place de la femme, c’est au foyer et non à la gare… »
Ténin Bè Ousmane
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