Sidbewendin Laure Marie Nadège Yanogo, ingénieure en génie civil et directrice de Eco Art & BTP au Burkina Faso, continue de croire en son projet de recyclage de pneus usagés. Elle a accepté de partager avec VoixVoie De Femme, via WhatsApp, son expérience de femme battante.

Pouvez-vous vous présentez à nos lecteurs ?

Je suis Sidbewendin Laure Marie Nadège Yanogo, j’ai 38 ans, bientôt 39. Je suis célibataire sans enfants. Et j’ai fait des études de génie civile. Je suis ingénieur génie civil. J’ai fait aussi des études en gestion des projets de développement. Je suis Burkinabè et je réside à Ouagadougou.

Vous êtes célibataire, est-ce qu’on peut dire que les études ont pris le pas sur la vie de femme, comme on le constate chez certaines femmes diplômées ?

Oui. Je peux dire que j’ai toujours priorisé les études. Je peux dire que le métier que j’ai choisi avec les affectations, les postes que j’ai eu à occuper. Disons que l’instabilité géographique que j’avais n’a pas du tout favoriser en fait la construction d’une vie de couple qui pouvait aboutir au mariage. Pour résumer, déjà très jeune, j’ai priorisé les études. Et j’ai commencé à travailler assez jeune aussi, après mes études d’ingénieure. J’ai toujours été sur des chantier, raison pour laquelle je parle d’instabilité géographique. Une situation qui souvent n’est pas sécurisant pour un homme qui voit tout le temps sa femme ou sa copine partir… Je ne sais pas. Peut-être qu’ils ont eu plusieurs raisons.

Parlons maintenant de votre formation. C’est quoi un ingénieur génie civil ?

Un ingénieur en génie civil, c’est quelqu’un qui s’occupe de la conception, des études et ou de la réalisation d’ouvrage de génie civil, d’ouvrage de BTP. C’est aussi quelqu’un qui peut assurer l’exploitation ou la réhabilitation des ouvrages. Ce sont des études qui permettent de réaliser des ouvrages en tenant compte de la solidité, de la stabilité, de l’esthétique des ouvrages. Parlant d’un bâtiment par exemple, l’ingénieur génie civil s’occupe principalement des calculs de structure des bâtiments pour permettre aux entrepreneurs de réaliser ces ouvrages-là. Des ouvrages stables, solides et qui durent dans le temps. Ils font des études de cinq ans après le Bac. Mais il y a les ingénieurs des travaux qui font quatre ans après le Bac, et il y a les ingénieurs de conception qui font cinq après le bac.

Redonnée une autre vie aux pneus

Comment l’idée vous est venue de vous reconvertir dans le recyclage des pneus ?

C’est au cours de l’année de ma formation en gestion des projets, 2016-2017, que j’ai eu l’idée de me lancer dans le recyclage. Pendant cette formation on nous apprend à observer autour de nous et à trouver des idées de projet et à réaliser ses idées. On a commencé à observer autour de nous et je me suis rendue compte des dépotoirs de pneus usagés dans la ville de Ouagadougou. J’ai commencé à faire des recherches pour savoir ce qu’on pouvait en faire. Je me suis rendue compte qu’au Burkina Faso, on n’avait pas encore de politique de gestion des pneus usagés. Pour les autres déchets, notamment les sachets plastique, il y avait déjà des fonds et des investissements ou des subventions. Il y avait des projets qui développaient beaucoup de choses par rapport dans ce sens. Mais il n’y avait rien pour les pneus usagés. Et j’ai vu que la mairie de Ouagadougou ramassait et stockait ces pneus dans un centre. Il n’y avait pas de destination pour ces pneus à ce moment-là où j’avais l’idée. Je me suis dit, pourquoi pas ? J’ai fait des recherches et je suis tombée sur des pays développés et d’autres pays qui ont développé des projets dans le recyclage des pneus usagés. Je me suis dit que comme il n’y avait personne qui développait un tel projet au Burkina Faso, je vais en faire mon cheval de bataille.  C’est-à-dire répondre à un problème environnemental et aussi socioéconomique.

Entreprise écocitoyenne

Que proposez-vous concrètement à vos clients ?

Divers objets d’art comme les meubles, des pots de fleurs, des jouets, des revêtements souples de sol. Je fais aussi de la décoration d’intérieur et aménagement paysager.

Avez-vous été soutenue dans ce projet par les autorités du Faso ?

Je peux dire qu’il n’y a pas d’accompagnement spontané de la part de l’Etat. J’ai eu à participer à des concours de projet et j’ai eu un prix avec la Maison de l’entreprise en 2018, et en 2018, un autre concours organisé par le Pnud m’a retenue. Je faisais partie de lauréats du Profejec/Pnud ( Projet femme-jeune entreprenants et citoyenneté, ndlr). Ce sont ces deux accompagnements que j’ai eu. Le premier à hauteur de 500 mille et pour le deuxième on attend de connaître le montant de l’accompagnement financier. Mais ce ne saura tarder. Ce sont les deux accompagnements financiers que j’ai eus. Et je peux vous dire que c’est insignifiant par rapport au coût global dont j’ai besoin pour pouvoir fonctionner et mettre en place mes unités de transformation de pneus.

Avez-vous des clients en Côte d’Ivoire ?

Pour le moment, mes clients se concentrent au Burkina Faso. Je suppose que cela doit être du au problème de la distance et transport. Pour le moment je n’ai pas encore de client en Côte d’Ivoire, ni dans la sous-région. Mais j’ai été déjà contactée d’Abidjan, du Niger où j’ai déjà participé à une foire. Les messages, les encouragements provenant des différents pays de la sous-région ne manquent pas. Mais pour le moment, il n’y a pas de commande.

Combien de personnes employez-vous ?

Pour le moment, j’emploie quatre personnes de façon permanente. Et environ cinq ou six occasionnels auxquels je fais appel quand le besoin se fait sentir.

On imagine que votre entreprise paye également les conséquences du coronavirus. Comment cette crise sanitaire impacte-elle votre entreprise ?

Comme toute entreprise, j’ai été touchée. En tout cas, quand je faisais mes objectifs de 2020 au début d’année, j’avais de bonnes perspectives. Je me disais que cette année allait être meilleure. Mais aujourd’hui, je ne sais pas trop comment ça va se passer. Tout le monde a été touché financièrement par cette pandémie. Et du coup, nos produits de décoration sont devenus des produits superflus. Ce ne sont pas des produits de première nécessité. Et je peux comprendre que les gens préfèrent mettre leur argent de côté en attendant que la situation s’améliore… Donc les commandes se font rares. Je peux dire que j’ai été touchée négativement. Mais je ne baisse pas les bras. On profite de cette période pour continuer à se former et à faire de nouvelles créations, de sorte que dès la reprise économique financière, on puisse avoir de nouvelles choses à proposer aux clients.  Quand on devient entrepreneure, on essaie toujours de tirer profit de chaque situation. Même si on ne travaille pas à temps plein, on essaie de se former pendant ce temps pour avoir de nouvelle création.

Conseils aux filles

Quel conseil donnez-vous aux jeunes filles afin qu’elles s’intéressent à l’entrepreneuriat ?

Il fait avoir confiance en soi, croire en son projet et le maîtriser. C’est ce que je peux dire en m’inspirant dans ma petite expérience. Je ne savais pas que j’allais devenir entrepreneure aujourd’hui. Et je ne regrette pas mes choix.  Tout ce que j’ai toujours fait n’a jamais été fait par contrainte. Le génie civil est un métier que j’aime. Le calcul bâtiment, le dessin bâtiment, voir son projet devenir réalité. Ça toujours été mon rêve. Donc je l’ai fait pas choix. J’assume tous mes choix. Et aujourd’hui, si je suis devenue entrepreneure, c’est par choix. Il a fallu que je combattre ma timidité, que j’ai plus confiance en moi pour pouvoir avancer. C’est donc une question de conviction personnelle. On ne peut dire à quelqu’un d’entreprendre tant que la personne n’a pas fait le choix d’entreprendre. Si quelqu’un décide d’entreprendre, il faut que la personne croie dans son projet. Et on ne baisse pas les bras à la première difficulté.  Les difficultés, j’en ai beaucoup. Il arrive des moments où je suis découragée. Mais mon but n’est pas de céder. Mais de réussir. Moi je crois en mon projet. Mon but, c’est de mettre mes projets à exécution. Mon but, c’est installer mes unités et de fonctionner.  C’est on gagne où on gagne. Il n’y a pas à essayer, on y va. C’est ce que je peux dire.

Comment entrevoyez-vous l’avenir pour vous-même ?

Je ne suis pas optimiste pour être optimiste, mais je mets tout en œuvre pour réussir. C’est vrai que les statiques montrent que les entreprises meurent avant trois ans… mais souvent, c’est une question de gestion financière et comptable qui fait que les entreprises ferment. On mélange l’argent de la société et son argent personnel. Du jour au lendemain, on fait faillite.

Mariam Sidibé col TBO

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