A la tête du Syndicat national patronal des couturiers, des tailleurs, des stylistes et des modélistes de Côte d’Ivoire (Synapct-Ci), Miss Kouadio epouse Zékré a accepté de s’ouvrir à Voix Voie De Femme. Dans cette interview qu’elle a accordée à la rédaction le 16 janvier 2020, l’entrepreneur fait un tour d’horizon sur la situation de ses membres.
Les couturiers quels que soit leur talent ont une mauvaise réputation : on dit d’eux qu’ils ne respectent jamais rendez-vous. Pourquoi ?
C’est une vielle perception. Les choses ont changé aujourd’hui. Avant, on disait que les couturiers ne respectent jamais leur rendez-vous. Mais maintenant ce n’est plus le cas. Nous avons combattu cette attitude durant nos différentes réunions. Maintenant les choses ont changé.
Comment avez-vous fait pour cette image ?
Les tailleurs s’organisent maintenant. Nous avons bénéficier de plusieurs formations. On a appris à tous les tailleurs comment s’organiser. Avant c’était un problème d’organisation.
Qui vous forme ?
En général, c’est le FDFP ( Fonds de développement de la formation professionnelle, ndlr ). De 2019 à 2020, plus de 400 couturiers ont bénéficié de diverses formations. Cette année, nous préparons d’autres séries de formations avec la FIPME (Fédération ivoirienne des petites et moyennes entreprises, ndlr). Parce que notre organisation est affiliée à cette structure de l’Etat de Côte d’ivoire, en charge de l’encadrement des artisans.
Sur quoi porte concrètement ces modules ?
C’est sur le renforcement de capacité managériale, le partage d’expérience, le réseautage qui nous permet de découvrir d’autres entreprises et à mieux travailler ensemble… Il s’agit de formation très pratique que le dirigeant de PME peut mettre en application. Ce sont des formations qui permettent à nos membres de comprendre le fonctionnement le marché et autres. Mais tout cela est couronné par des modules sur le changement de mentalité.
Au niveau de la FIPME, je suis présidente de la Commission genre femme entrepreneuriat. Et j’ai un produit appelé La caravane de 100 mille femmes entrepreneures. Dans la commune de Port-Bouët, j’ai formé 3300 femmes et dans la région du Tonkpi, j’ai formé environ 5 000. Nous avons lancé ce produit pour l’alphabétisation, le financement et l’autonomisation de la femme.
Pourquoi vous misé plus sur la formation des femmes ?
Notre organisation est composée d’hommes et de femmes. Mais nous avons de vrais problèmes. Nous n’avons plus de mains d’œuvre hommes. Plus d’apprenant. Il faut dire que notre métier a été beaucoup affecté par les crises politiques. Beaucoup de couturiers hommes ont quitté le pays à cause de ces crises pour se retrouver soit dans les pays limitrophes où en Europe. Avant ce milieu était occupé par plus d’hommes. Mais aujourd’hui, ce sont les femmes qui sont les plus nombreuses. Les hommes sont partis. Dans les expositions ventes, vous constatez que ce ne sont plus les femmes qui sont dans les stands dans notre métier. J’ajoute que la crise sanitaire du coronavirus est venue aggraver la situation. Vous vous souviendrez qu’on a été obligé de fermer durant trois mois, à la suite des décisions gouvernementales de lutte contre la propagation du virus. A cause de cette pandémie, clients ont baissé leurs achats de vêtements. Il y a certes des hommes dans le métier que nous prenons en compte dans nos programmes de formation. Mais les femmes sont bien plus nombreuses.
Avez-vous le sentiment que vos formations ont un réel impact sur vos membres ?
Certaines femmes ont des difficultés. Mais j’ai fait une approche au niveau de la FIPME. Je signale que nous avons signé un partenariat avec la FAFED (Fondation africaine de l’entrepreneuriat, ndlr). L’approche de cette fondation, c’est zéro franc ou entrepreneuriat sans crédit. En fait, on amène les femmes à se découvrir elles-mêmes de ce que Dieu leur a donné comment talent. Au lieu de leur donner de l’argent, on réveille leur esprit de créativité. On fait en sorte qu’elles se rendent compte qu’elles ont des aptitudes qu’elles peuvent utiliser pour entreprendre.
N’est-ce pas là une vue de l’esprit ?
Je prends mon exemple. Si je suis dans cet atelier de couture, c’est parce que j’ai commencé à entreprendre et c’est ce qui m’a aidé à comprendre que je pouvais m’exprimer. Il y a des gens qui ont honte de faire certaines choses. Les femmes doivent apprendre à s’exprimer et à s’affirmer. J’ai commencé par vendre des oranges. J’ai appris à les tailler. Et pendant les vacances et pendant les jours où je ne partais pas à l’école, je vendais mes oranges. J’ai commencé avec 200F CFA. Et j’ai augmenté la quantité de 500, 1000, 2000 puis 50000 F CFA… Et j’ai ensuite identifié les endroits où ça marche bien.
J’ai fait cela avant de venir à la couture, grâce à ma grande sœur. Bien qu’elle ne soit pas allée à l’école, elle a su gagner la confiance des clients. J’ai appris à ces côtés avant d’aller me former dans la couture. J’ai fait les cours par correspondance. C’est au terme de ces cours que je suis devenue styliste.
Comment vous faites pour vous adapter à cette pénurie de main d’œuvre ?
On se fait aider par nos parents dans la plupart des cas. Dans mon cas, c’est ma fille qui est toujours présente. Avant, il y avait quatre ou tailleurs et des apprentis.
A propos du Coronas virus, les couturiers en ont tout de même fait une opportunité. On a vu que beaucoup se sont transformés en confectionneurs de cache-nez….
Tout à fait… Les cache-nez étaient un marché dont nous avons bien bénéficié. Mais ce marché n’existe plus.
Pourquoi ?
Nous avons utilisé des tissus certifiés par CODINORM pour confectionner ces cache-nez. Une fois confectionné, on peut utiliser son cache-nez le plus longtemps possible. Puisqu’on a la possibilité de le laver et de l’utiliser autant qu’on souhaite. Donc nous avons fait de grandes affaires mi 2020. Mais aujourd’hui, le cache-nez n’est plus un marché.
Ténin Bè Ousmane