Chacun a sa trajectoire dans la vie. Celle de Madame Koné à Odienné est un exemple. Un modèle de réussite basée sur le courage et le travail. Pour elle, rien, n’est acquis d’avance.
À Odienné, la capitale du Denguélé, dans la région du Kabadougou, « La Primature » est une identité, une référence. Une sorte de marque déposée en matière de restauration et de l’hôtellerie.
À Odienné quand vous cherchez un restaurant pour bien manger, un coin chic pour bien dormir ou une boîte de nuit haut de gamme à rendre jaloux un abidjanais, tous vous conseillerons « La Primature ». Et, le créateur de cette œuvre gigantesque n’est autre que Madame Koné, de son nom de jeune fille, Ouattara Minata. Native de Ferké, la capitale de la région du Tchologo, Miss Ouattara rejoint son mari enseignant à Odienné en 1990.
Courageuse et battante, Ouattara Minata, devenue Madame Koné, ne se contente pas d’être seulement qu’une femme au foyer. Mais que faire dans cette cité où la religion musulmane est pratiquée dans toute sa rigueur avec toutes sortes d’interdits et de préalables à toute entreprise. De plus, la ville, à tort ou à raison, est qualifiée de difficile pour les non-originaires.
Un soir, après maintes réflexions, dame Koné dit à son mari : « Je veux vendre les jus, le bissap et le gnanmankoudji ». « Pas d’inconvénient », répond son mari qui lui achète le nécessaire. Sans le savoir, M. Koné vient de donner les clés du succès à sa femme. Un succès qui sera certes, passionnant mais, jalonné de difficultés.
Au travail
Chaque matin la brave dame arpente les rues de la ville. Sur sa tête, une glacière bien chargée de jus qu’elle propose aux agents des services publics et privés de la ville.
Aux jus, très vite s’ajoute le lait caillé. Les produits sont devenus plus variés. Le bagage devient donc plus lourd, mais peu pour décourager la nouvelle commerçante.
Pendant près de 10 ans Madame Koné mène son activité et gagne de plus en plus d’argent. Ses produits sont appréciés. Elle a même des commandes spéciales dans le cadre des réceptions et des cérémonies de mariages. « Elle a cette particularité d’être très propre et les jus sont bien faits », raconte une autorité de la ville rencontrée au restaurant « La Primature ».
En 2000, elle négocie des marchés pour fournir des denrées alimentaires dans les internats. Elle obtient plusieurs marchés dont ceux du Centre de formation professionnel, du Lycée moderne, du Cafop et du Lycée professionnel de la ville. Madame Koné est désormais une femme très occupée. Entre faire les jus, le lait caillé et l’approvisionnement en denrées alimentaires des internats, Mme Koné s’occupe également de faire la cuisine à son mari. Un boulot dont seule une femme courageuse a le secret.
Crise militaro-politique et… ingénieuses idées
Alors que son activité est en plein régime, la crise militaro-politique de 2002 survînt le 19 septembre. Le Nord étant occupé par une nouvelle force armée, le gouvernement au Sud demande à tous les fonctionnaires de rentrer sur Abidjan. Comme les autres fonctionnaires, M. Koné est obligé de rentrer sur Abidjan. « Je ne sais pas quand et comment je pourrai te faire venir de l’argent, mais voilà 150 000 Fcfa pour vous », dit-il à son épouse, la gorge nouée. En bonne mère, Mme Koné est allée faire des provisions en nourriture pour ses quatre enfants et elle. Puis, « je commence à réfléchir à ce que j’allais faire du reste de l’argent », se souvient-elle.
Elle finit par trouver ! Mme Koné commence par acheter l’anacarde à 50 F le kilo bord champ qu’elle revend à 100 Fcfa le Kg sur le marché local. Elle vend la moitié de ses produits et emmagasine l’autre moitié.
Cette activité prospère et très vite elle fait des économies. « Pendant cette période j’ai remarqué que les gens venaient de la Guinée pour s’approvisionner en riz et n’en trouvaient presque pas. J’ai donc décidé d’aller à Korhogo pour acheter le riz pour le revendre à Odienné », relate-t-elle, nostalgique.
Elle vend tout son stock d’anacarde et avec ses économies, Mme Koné commence l’achat et la vente du riz en grande quantité. Sa première expérience est un déclic. « C’est à 2 heures du matin que nous sommes arrivés à Odienné. A 6 heures j’étais au marché pour le déchargement de mon riz. Avant 10 heures tout le riz a été vendu. Je gagne plus d’un million de recette. Je remonte dans le même camion pour Korhogo », explique l’audacieuse femme du fonctionnaire.
Son activité prospère de plus belle. Elle se loue alors un magasin au marché dans lequel elle stocke des céréales pour les revendre aux gros commerçants.
Elle passe à un autre niveau. Désormais, elle achète les pagnes au Mali pour les revendre en Côte d’Ivoire. Mieux organisée, de Korhogo, le riz qu’elle achète prend directement la direction de la Guinée.
Le retour de l’administration
Après des accords entre les deux parties en conflits, l’administration fait son retour dans les zones du Nord. Une autre opportunité pour multiplier ses activités se présente à l’originaire de Ferké. De nombreuses autorités dont le préfet en poste à Odienné la sollicite pour la confection des plats lors des différentes réceptions. Mme Koné fait des merveilles. Les hautes personnalités de l’Etat comme le Président Gbagbo, Guillaume Soro et autres goûtent à sa cuisine. L’idée lui vient donc de faire un restaurant pour satisfaire aux besoins des fonctionnaires réaffectés dans la région.
Or, « Personne ne veux donner son domaine pour la restauration sous prétexte que la boisson y sera commercialisée », rapporte-t-elle, désolée.
La chance lui sourit. « Un jour, j’apprends qu’une dame voulait vendre sa cour pour secourir son enfant en danger », expose-t-elle. Elle saisit l’occasion et réalise son premier rêve. Un restaurant qu’elle surnomme « La Primature ».
Elle ne s’arrêtera pas là ! Mme Koné poursuit son rêve. Celui de construire un hôtel dans cette cité. Une fois encore le destin la visite. « Un vieux, coincé, voulait vendre son terrain. Je l’ai acheté puis j’y ai construit un bâtiment de dix chambres », nous raconte, fière, la fille du vieux Ouattara.
La voilà devenu une véritable femme d’affaires accomplie avec à son actif un complexe hôtelier de 46 chambres, un restaurant et une boîte de nuit de nouvelle génération. Odienné peut être fier.
Son patrimoine s’agrandit. Une pâtisserie, de nombreuses constructions en location… font partie des biens de Mme Koné qui emploie plus de 50 personnes.
La prochaine étape ? Elle vous répondra qu’elle « ne sais pas avec précision ». Sauf que nous ne devons pas oubliez : « je suis originaire de Ferké ». Tout est dit !
La dame de fer, courageuse, battante et audacieuse n’a sûrement pas encore fini. Cependant, on retiendra qu’elle demeure la pionnière dans la modernisation du secteur de la restauration et un exemple pour tous les propriétaires de complexe hôtelier dans la capitale du Denguélé.
Sékongo Naoua