Le ministre de l’Hydraulique, de l’Assainissement et de la Salubrité, monsieur Bouaké Fofana, a officiellement lancé, lors d’une conférence de presse, l’opération dénommée ‘‘Pour sauver ma vie, je quitte les zones à risques’’. En effet, cette opération qui a démarré simultanément depuis le 05 juin dernier, veut prévenir la grande saison des pluies (juin, juillet et août) annoncée par la Sodexam. Selon le ministre, l’objectif de cette opération qui va concerner 4 000 ménages (environ 25 000 personnes), « est de préserver les vies humaines dans ces zones inondables et exposées à toutes sortes de risques en saison pluvieuse ». Elle concerne 54 zones répertoriées dans les 13 communes du district d’Abidjan. Mais, les riverains de certains quartiers à l’image du Banco 2, s’opposent à leur expulsion souhaitant avant tout des mesures d’accompagnement.
A cet effet, le magasine voiedefemme.net s’est rendu dans quelques-unes de ces communes pour donner la parole aux populations vivant sur ces sites de déguerpissement. Reportage !
Adjamé-Bracodi (Pont piéton)
A Adjamé, nous sommes au quartier Bracodi, précisément à Pont piéton. Là, nous rencontrons Coulibaly Djakaridja, un commerçant qui habite dans une maison de fortune au bord du caniveau de Bracodi depuis 2008. A notre question de savoir s’il est informé de la mesure du gouvernement, il nous répond par l’affirmation. « Ils sont passés nous informer du déguerpissement, mais si nous sommes encore là c’est par contraintes », indique-t-il. Pour lui, les habitants de ce quartier sont bien au courant du danger auquel ils sont exposés en fréquentant ces lieux. D’ailleurs, ils prient Allah afin qu’il continue de les préserver de tous malheurs. « Grâce à Dieu, nous n’avons pas encore enregistré de perte en vie humaine causée par l’eau » et bien plus mieux « Nous n’avons jamais été victime d’une quelconque inondation dans ce quartier ». Pour M. Coulibaly, les victimes dont parle le gouvernement « sont des personnes qui ne sont pas d’ici et qui n’ont aucune maitrise du site », a-t-il informé. Selon lui, ils sont en pleine organisation pour quitter les lieux parce qu’ils n’ont pas le choix.
Monsieur Sylla Samaza teinturier sur le site depuis 8 ans ne dit pas le contraire. Il révèle qu’« il y a des montées d’eau parfois mais depuis que le pont piéton a été construit, il n’y a plus eu de menaces ». Pour lui, « ce n’est pas normal que le gouvernement nous demande de quitter les lieux sans nous proposer la moindre solution ». Quant à Diakité Souleymane, il n’a pas d’autre choix que de chercher une autre maison où habiter dans le même quartier avant de déserter le site. « J’ai toute ma famille à Adjamé ici. Je n’ai pas l’envie de me retrouver dans une autre commune car nous vivons tous ici dans une bonne convivialité », souligne-t-il.
Avocatier dépôt 9
Un autre lieu, mêmes faits. Ici, malgré que de nombreux riverains aient déjà quitté les lieux, certains sont toujours présents sur la zone à risque comme Madame Dagnogo Fanta. Cette veuve de 7 enfants dit avoir été informé de l’opération du déguerpissement. Seulement, « Nous n’avons aucune solution actuellement pour quitter cet endroit », lâche-t-elle désespérée. Pour Dame Dagnogo, c’est tout à fait normal de quitter la zone pour être à l’abri des dégâts. Mais, il serait encore plus intéressant de leur faciliter l’aménagement.
A quelques encablures de Dame Dagnogo, se trouve M. Sidibé Oumarou. Cet homme du troisième âge estime que cette opération est inopportune voir inhumaine. « Ce que le gouvernement fait, ce n’est pas bon ! Ce n’est pas par plaisir que les gens vivent dans ce genre d’endroit », a-t-il clamé avant d’ajouter que « la majorité de ces personnes sont tous des étrangers qui vivent dans des conditions extrêmement difficile ». Pour lui, « Avant de casser une maison habitée, il faudra mettre à disposition les moyens nécessaires pour aider les habitants à mieux partir ». « Où veulent-ils qu’on parte ? C’est dégoutant !», s’énerve-t-il. « Laissez-nous mourir, ce n’est pas votre problème. Nous avons bien vu le lieu avant de nous installer », a-t-il laisser entendre.
Ce que ces riverains veulent…
Partout où nous sommes passés, les habitants de ces zones à risque ont le même plaidoyer. Entre respect des mesures de construction, la lutte contre l’insalubrité, et prolongement du temps de déguerpissement, octroi de moyens de réaménagement, indemnisation, etc. les riverains ont encore les yeux tournés vers le gouvernement.
« Nous voulons partir d’ici. Mais, c’est indépendamment de notre choix que nous sommes encore là », clament-ils en chœur ! Vont-ils se faire entendre ? Pas trop sûr ! L’opération a déjà commencé tambour battant.
Notons que les saisons de pluies riment de plus en plus avec des drames, des inondations, des destructions de biens mobiliers et immobiliers, et malheureusement des pertes en vies humaines. A cet effet, le gouvernement par la voix de son ministre Bouaké Fofana, a lancé un appel pressant à toutes les populations vivant dans ces zones, de les quitter immédiatement et volontairement, de façon ordonnée et maitrisée. Chose normale ! En tout cas, cette opération est pour le bien-être de la population. Sauf qu’où iront vivre toutes ces personnes victimes du déguerpissement ?
Face à la cherté de la vie qui mine la capitale économique, cette épineuse question mérite une analyse profonde afin d’avoir une réponse plus claire.
Yahafe A. Ouattara (stagiaire)