L’information est tombée le 5 décembre dernier. L’Union européenne a décidé d’interdire l’importation de nombreux produits issus de la déforestation. Notamment le cacao, le café, l’huile de palmier, le soja, l’hévéa… Or, la Côte d’Ivoire est le premier producteur de cacao avec en moyenne une production de 2,2 millions de tonnes par an. Mais aussi, produit également tous ces produits suscités. Cette mesure ne va-t-elle pas faire baisser le taux de production ivoirien et créée une paupérisation accrue dans le monde rural ?
Les autorités ivoiriennes, précisément celles du café cacao, répondent par la négation. « Cette décision n’affectera pas nos productions de cacao », affirme, assuré, un responsable du Conseil café cacao. Comme lui, le ministre ivoirien de l’Agriculture, Kobenan Adjoumani explique que « depuis 2018, aucune nouvelle plantation n’a été créée ».
Selon cette décision ‘’historique’’, deux critères définissent le droit « d’entrer » sur le marché européen. Le premier cas, les produits ne doivent pas être issus de la déforestation depuis le 31 décembre 2020. Et le second, le produit doit être légal au regard de son droit national. Mais le ministre est ferme : « seuls les planteurs recensés pourront exporter vers l’Union européenne ».
En d’autres termes, si les importateurs ne sont pas capables de démontrer, documents à l’appui, que leurs produits ne sont pas issus de zones déforestées, l’Europe ne les acceptera pas sur son sol.
Chantage ?
Non ! Apparemment, l’Ue agit dans la droite ligne des recommandations de la Cop de Kyoto et de celle de Paris. Dans ces cops, il a été décidé la diminution de la destruction des forêts et de la biodiversité. D’ailleurs, récemment, une Ong américaine avait épinglé la Côte d’Ivoire et le Ghana, les plus gros producteurs du cacao, les accusant de détruire la forêt au détriment de la cacaoculture. En filigrane, cette organisation non gouvernementale, luttant contre la déforestation, tirait la sonnette d’alarme en pointant du doigt ce phénomène.
En vérité, en prenant cette nouvelle règlementation, l’Union Européenne veut utiliser la force de son marché unique pour peser sur la mondialisation et surtout faire appliquer les décisions sur le dérèglement climatique. Cette décision a également la force, non seulement, de changer les règles du jeu de la consommation européenne, mais créé une incitation énorme pour les autres pays. Notamment, sud-américain et africain, à changer leurs pratiques en ce qui concerne la culture de ces produits.
La Côte d’Ivoire est-elle concernée ?
Bien évidemment, la Côte d’Ivoire est aussi concernée et avec elle, de nombreux planteurs dont les produits sont issus des forêts déclarées classées et celles qui n’auront pas pu être géolocalisées.
Pour répondre à cette nouvelle règlementation, le gouvernement ivoirien, à travers le Conseil café cacao, a mis en place plusieurs mesures pour mettre en place un système de traçabilité dans le secteur. L’Etat ivoirien mise, entre autres, sur la distribution d’une carte de paysan.
Selon le ministre ivoirien de l’Agriculture, 993 031 producteurs ont déjà été recensés et 3 220 800 ha de café et de cacao ont pu être géolocalisés. Pour lui, lorsque les vergers des producteurs sont identifiés, ces derniers ont droit à une carte multifonction, qui dispose d’un code QR renfermant toutes les informations sur le producteur et son verger.
Craintes, mais…
Les planteurs ivoiriens craignent déjà un durcissement des mesures de contrôle sur le terrain. Particulièrement, les grands producteurs des forêts classées qui se sentent bannis du système. Pour eux, plusieurs nœuds doivent être tranchés pour améliorer le cadre juridique de ce système.
Sauf que certains experts doutent de l’applicabilité d’une telle législation. « C’est très illusoire », estiment ces sachant. Parce que, insiste-t-ils, cela voudrait dire que l’Europe serait capable de déterminer si une fève de cacao ou un sac de cacao, vient d’une plantation qui a été créée il y a plusieurs années, et non pas sur une parcelle qui a été défrichée après la date qu’ils ont choisie en 2020.
« C’est impossible à déterminer dans le contexte actuel des pays comme la Côte d’Ivoire et le Ghana », pensent-ils. D’ailleurs, soutiennent-ils, « Il n’a pas de différences entre une fève produite en forêt classée et fève produite dans des plantations réglementaires ».
Cette nouvelle réglementation qui devrait entrer en vigueur dans 18 mois, une fois publiée au journal officiel de l’Union européenne, fera-t-elle des vagues ? Wait and see !
Lire aussi : Déforestation en Côte d’Ivoire : les industriels du chocolat au banc des accusés
Djolou chloé