Les pneus usés peuvent être recyclés et créer de nombreux emplois. C’est ce que relève le professeur Bernard Yapi, directeur du laboratoire central du Centre ivoirien antipollution (CIAPOL), dans cette deuxième partie de l’interview qu’il nous a accordée ce mercredi 27 octobre 2021 dans les locaux de l’institution à Abidjan-Plateau.
(…)Les pneus sont souvent brulés pour en extraire le métal. Et cela entraine de la fumer qui polluent l’air. Dans ces cas que fait le CIAPOL ?
C’est là, la forme directe de pollution. Et cela est sévèrement réprimé. Les épaisses fumées noires qui se dégagent des flammes contribuent à la pollution. Les émissions abondant de CO2 (dioxyde de carbone) concourent à l’émission de gaz à effet de serre contre le climat. En ce moment on parle dans le cade de la COP 26. Ceux qui brulent ces pneus doivent savoir que ce sont des activités criminelles. Et là la police environnementale du CIAPOL est intraitable.
Arrivez-vous à agir face à ces actes de pollution ?
Nous sommes beaucoup interpellés. Ceux qui font ces feux le font pour l’acier à l’intérieur de la gaine de pneu. Et c’est nuitamment que les gens s’adonnent à ces pratiques criminelles. C’est de la délinquance. Mais nous avons besoin de beaucoup plus de moyens techniques et logistiques pour conduire ces missions. Nous n’avons pas toujours ces moyens. Nous réfléchissons sur la mise en place d’une brigade qui soit alerte pour ce type d’acte criminelle au niveau du CIAPOL. Comme la brigade de la salubrité.
Est-ce que la gestion de ces types de déchets ne peut pas inspirer un système unique, mobilisant tous les spécialistes du département de la Salubrité, de l’Environnement et du CIAPOL ?
Ces questions étaient gérées sous la houlette d’un seul ministère qui était le ministère de la Salubrité, de l’environnement et du développement durable. Maintenant, le ministère a été scindé en deux : le ministère de la Salubrité et le ministère de l’environnement du développement durable. Ce dernier est notre tutelle. Mais je pense que cela fait partie de la politique de l’Etat. Ce sont des pistes à explorer.
(…)
Dans le mode de gestion, il y a des éléments qu’on peut recycler.
Les pneus usés, c’est de la matière première. Il faut confier la gestion de ces déchets particuliers à des opérateurs qui peuvent les traiter et les recycler. Je crois qu’on peut trouver des entrepreneurs qui vont trouver une voie de valorisation à ses pneus usés.
Vous y croyez vraiment ?
Cela se fait déjà sous d’autres cieux. Au Sénégal les gens séparent la gaine de l’acier qu’on trouve dans ces pneus. Et cette gaine sert de combustible à des cimenteries. Il y a des cimenteries qui ont des fours qui utilisent ce type de combustible.
Pourquoi on ne trouve pas ce type de d’industriels en Côte d’Ivoire ?
Je crois qu’il faut juste susciter le besoin.
Comment ?
Il faut donner l’activité à des particuliers. Il faut chercher des preneurs pour ces pneus usés. Il y a tellement de cimenteries en Côte d’Ivoire. Ces usines qui disputent l’électricité avec les ménages peuvent utiliser ces combustibles issus des gaines de pneus usés.
Vous avez parlé aussi de l’acier…
Justement cet acier contenu dans ces pneus usés est collecté et emballé et vendu aux fabricants de fer à béton. Utile dans la construction. Donc les pneus lui-même a des voies de recyclage qui existent. Il faut les explorer. Et cela va certainement créer des milliers d’emplois pour nos jeunes. J’ai regardé un peut les technologies d’usage de ces pneus usés ailleurs. Vous trouvez des machines qui enlèvent la gaine, qui font de la poudre condensée qu’on envoie dans une autre unité pour refaire des pneus neufs, ou pour fabriquer d’autres matériaux… Ces pneus usés reviennent sous forme recyclés.
Ce système de recyclage n’a-t-il pas d’impact sur l’environnement notamment en polluant l’air par les fumées dégagées pendant la transformation ?
Ici on arrive à capter et à réduire les émissions de CO2 (dioxyde de carbone). Il y a émission de CO2 que lorsqu’il y a combustion. Sans combustion, il n’y a pas d’émission de CO2. Le CO2 est un produit de la combustion du carbone. C’est possible de faire ces recyclages sans produire de CO2. C’est ce qu’on appelle la séquestration du CO2. Et les fours dont j’ai parlé sont bien réglementés. Tout est fait pour réduire les émissions de CO2 à la combustion. Ce n’est pas comparable à ceux qui brûlent les pneus à l’air libre. Ceux qui le font à l’air libre dégage la chaleur dans l’environnement et d’autres produits plus dangereux. Et ces pneus brulés à l’air libre dégagent du CO, le monoxyde de carbone. Très toxiques. Ces particules sont en l’air, polluant. C’est vrai que toutes les unités industrielles produisent du CO2. Et il y a la possibilité de le séquestrer.
A propos de l’impact écologique, l’Institut national polytechnique Félix Houphouet-Boigny a montré, il y a quelques années, que les moustiques qui donnent la dingue se reproduisent dans ces pneus usés en saison des pluies. Une opération pour débarrasser la ville de ces pneus avait même été engagée. Où en sommes-nous avec cette opération ?
Je n’en sais rien. Mais je dis qu’il faut trouver une solution durable. Et cela passe par la gestion confiée à un opérateur qui s’en occupera tout le temps. Et je suis convaincu qu’un opérateur désigné pour cela peut faire de bonnes choses ce types particuliers de déchets.
Certains artisans utilisent ces pneus pour en faire de meubles. Histoire de contribuer à ce recyclage. N’est pas ?
Oui. Mais c’est une infime partie qui est utilisée dans ces cas. Ce sont des petites choses pour montrer qu’on peut faire de l’écolo. Mais pas à grande échelle. Savez-vous combien de pneus sont abandonnés aujourd’hui en Côte d’Ivoire ? C’est une goutte d’eau dans la mer.
Tani Be