Dans cette deuxième partie de l’interview qu’il a accordée à VoixVoie De Femme le 9 septembre 2021, le sous-directeur du laboratoire national du Centre ivoirien antipollution (CIAPOL) revient sur les missions de lutte contre la pollution. Non sans dénoncer les industriels qui refusent de se conformer aux règles du développement durable.
Faute de laboratoire vous avez recours à des laboratoires privés. Ne craignez-vous pas que ces laboratoires vous fournissent de faux résultats en complicité avec les industriels ?
Tant que vous avez affaire à des opérateurs économiques, attendez-vous plus ou moins à des cas de fraudes qui puissent survenir, tant au niveau des finances que des données environnementales. Parce qu’ils savent ce qu’ils encourent en termes d’amende et réparation selon le principe Pollueur-payeur. Mais nous au CIAPOL avons la possibilité de nous rendre compte des résultats falsifiés. Parce que faisons des contre-analyses par l’intermédiaire d’autres laboratoire privés agréés par le CIAPOL.
Avez-vous déjà été en face de cas de fraude sur les données ?
Oui. C’était le cas de la mine de manganèse de Boundoukou. Où après plainte des populations, nous nous sommes rendus sur les lieux et effectivement nos analyses ont révélé une teneur très élevée du manganèse dans eaux de consommation des populations.
Si le laboratoire du CIAPOL venait à être reconstitué. Allez-vous mettre fin à votre collaboration avec les laboratoires privés ?
En Côte d’Ivoire, nous avons pratiquement 6000 entreprises à contrôler. Selon la règle, chacune de ses entreprises doit faire un bilan de pollution au CIAPOL tous les six mois. 6000 entreprises, ça fait 12000 bilans de pollution par an. Le chantier est assez vaste et on aura toujours besoin des laboratoires privés, même si le laboratoire du CIAPOL est reconstitué totalement. Le chantier est énorme. Nous, le laboratoire central, avons le devoir de former tous les autres laboratoires. C’est là aussi, l’une des missions du CIAPOL.
Arrivez-vous à contrôler toutes ces 6 000 entreprises ?
Avouons-le. Nous n’avons pas la possibilité de toucher toutes ces entreprises. Même si notre laboratoire venait à être reconstitué, ce serait prétentieux de dire que nous pouvons contrôler toutes ces entreprises. C’est pour cela que nous mettons l’accent sur la sensibilisation, sur l’écocitoyenneté. Il nous faut des industriels responsables. Parce que le CIAPOL n’est pas là pour prendre la chicotte à tout moment contre les entreprises. Nous sommes-là pour aider les gens à améliorer leur service. Mais pas tout le temps en train de sanctionner. Le premier rôle d’un industriel, c’est de fournir des produits de consommation à la population, mais il doit le faire dans un environnement saint. Il doit protéger l’environnement. C’est lui d’abord qui doit surveiller les déchets qu’il rejette dans l’environnement. Nous ne faisons que des missions de contrôle. C’est le lieu pour nous de dire à tous nous industriels que le CIAPOL compte sur leur responsabilité. Il ne faudrait pas qu’ils soient des voyous qui agressent l’environnement par leurs activités. A quoi cela servirait de fournir des biens à des populations quand on les met dans un environnement qui les rend malades. Un bon industriel doit tout faire pour ne pas être interpelé par nos services.
Vous dites qu’ils doivent vous fournir des bilans semestriels. Etes-vous satisfait des bilans que vous recevez ?
Ces entreprises se font contrôler par des laboratoires agréés pour nous-mêmes. Mais logiquement, chaque entreprise à l’obligation d’avoir en son sein un département environnement. Autant, ces entreprises ont des départements portant sur la qualité des produits qu’ils vont vendre, autant elles doivent avoir, en aval, un département pour veiller sur l’environnement. Elles doivent faire ce même travail aux deux bouts de leurs chaines de production. C’est cette démarche que nous leur recommandons.
« Il y a beaucoup de brebis galeuses »
Quelle est la situation aujourd’hui. Avez-vous le sentiment que les industriels respectent ces critères ?
Il y a beaucoup de brebis galeuses dans le tissu industriel de notre pays, malheureusement. Et leur action négative pourrait annihiler les efforts des bons élèves. Ceux qui agressent l’environnement nuisent à l’activité des industriels de bonne foi. Il fait féliciter les bons élèves. Mais malheureusement, les mauvais sont plus nombreux que les bons.
Quand vous qualifié des entreprises de brebis galeuses. Que voulez-vous dire concrètement ?
Je veux parler des industriels qui ne sont pas déclarés et qui ne respectent aucune règle. Nous les dénichons grâce à notre unité de police environnementale. Et très souvent sur dénonciation des populations.
Quelle est la démarche pour créer une entité industrielle ?
D’abord vous informez l’Agence nationale de l’Environnement de votre projet. Ce qui conduit à une étude sur les impacts potentiels de votre activité sur l’environnement. Cela permet d’établir un plan de gestion environnemental avec toutes les mesures d’atténuation. Une fois que ce document est agréé par le ministère de tutelle, il donne un document qui permet à l’opérateur de créer son entreprise. Après la création, il fait une déclaration au CIAPOL. Et le CIAPOL va sur le terrain pour vérifier si l’étude d’impact environnemental et la surface occupée respectent les règles prescrites. C’est après cela que le CIAPOL lui délivre un arrêté d’autorisation signé encore par le ministre. Mais quand les industriels refusent de se conformer à ces règles, cela pose problème. Même si nous mettons en place la plus grande police environnementale, on ne pourra pas avancer tant que les industriels tenteront toujours de ruser avec la loi. Donc nous disons que la question de la protection de l’environnement est une question individuelle d’abord. Nous faisons notre travail de contrôle. Mais il faut que les industriels nous facilitent la tâche. Très souvent ce sont les populations qui nous alertent de cas d’installation frauduleuse de ses industriels. Chaque citoyen doit s’impliquer, dénoncer les industriels qui polluent l’environnement.
Silué Fatogoma