Ils sont disponibles 24h/24, ils sont les maîtres des lieux, ils font la loi face aux arrivants qui ne cherchent qu’à regagner leur domicile, leur hôtel. Ils, ce sont les chauffeurs de taxi-compteurs exerçant exclusivement à l’aéroport FHB d’Abidjan-Port-Bouet. Pourquoi, de nombreux abidjanais se plaignent-ils d’eux ? Nous avons mené notre enquête. Notre dossier !
En tout cas, ils ne font pas cadeau à leurs clients et cela pour la simple raison qu’ils ne font pas comme les autres taxi-compteurs d’Abidjan. « Nous sommes installés à l’aéroports toute la journée jusqu’au dernier avion qui arrive pour aider les clients à rentrer chez eux », nous informe Koné Amara, chauffeur de taxi-compteur.
Dans leur quotidien
« Je quitte chez moi à Yopougon très tôt le matin pour profiter des clients du matin et quand les embouteillages commencent, je viens à l’aéroport pour transporter les étrangers qui arrivent des autres pays », décline-t-il Koné Amara pour qui les activités commencent véritablement à partir de 14 heures. Comme lui, ses collègues après avoir profité des premières heures de pointes, viennent s’installer à leur poste de travail, à l’aéroport. Sur place, ils prennent soin de s’informer sur le programme d’arrivée du jour et c’est en fonction de ça qu’ils font leur propre programme. D’autres, les plus anciens ancrés dans le système, connaissent ce programme depuis la veille. Facile donc pour eux de débuter leur journée de travail avec quiétude. Facilement reconnaissables, ces taxi-maitres, habillés pour la plupart dans des tenues uniformisées, vous accostent à la sortie du hall d’arrivée de l’aéroport FHB. « Vous voulez un taxi ? », interrogent-ils à deux, trois ou quatre. Installés au sein de l’aéroport, ils sont en file sur le côté droit et maintenant aux abords de l’entrée principale de l’aéroport. Ils sont les seuls habilités à se parquer en ces lieux.
La course aux clients
Leur moment propice, c’est l’arrivée d’un avion. C’est donc la foire aux clients, la course pour se trouver un client qu’on a pu convaincre. « Avant, on était organisé. Chaque taxi par ordre d’arrivée, dans la ligne, était servi. Maintenant avec les jeunes, c’est difficile ! Chacun se cherche… », déplore Kouassi Firmin, un ancien des lieux. Pour lui, avoir un client n’est plus chose aisée. « Non seulement nous ne sommes pas aidés par l’inorganisation de notre secteur, et les clients sont devenus de plus en plus durs face à nos tarifs », avoue-t-il. Désormais, la course est âprement négociée entre le conducteur et le client. Une négociation qui dure parfois de longues minutes. Obligés de rentrer chez eux, ces arrivants acceptent occasionnellement, malgré eux, le tarif de la course.
Prix, hors de portée
« Ils sont trop chers, c’est pourquoi moi, je les évite », se plaint Madame Soualio. Avec elle, de nombreux usagers de l’aéroport. « Nous ne comprenons pas, pour une course de l’aéroport à Yopougon, ils exigent 15 à 20 000 F CFA. Parfois, à des heures tardives, c’est plus que ça. C’est exagéré ! », fulmine Dorcas Amenan, commerçante arrivée de Paris. « Je préfère prendre le risque d’aller hors de l’aéroport pour prendre un taxi » conclut-elle. Jules Somolo, un taxi-maître des lieux, n’est pas d’accord avec ce cliché qu’on leur colle. « Je ne pense pas que nous sommes chers comme on veut faire croire. Ce que les clients oublient, non seulement, il y a les embouteillages à Abidjan, mais nous payons également des taxes aux agents de sécurité de l’aéroport », révèle-t-il.
Le prix et la durée du trajet dépendent de l’éloignement du quartier et de l’engorgement des rues. Auparavant, pour se trouver un taxi au départ de l’aéroport, il faut débourser 40.000 F CFA, voire 50.000 F CFA. En 2017, le secrétaire général de l’Observatoire de la fluidité des transports (OFT), Abdoulaye Touré, avertissait sur ces prix exorbitants.
Aujourd’hui, les affaires ont repris de plus belle. Mais avec les tarifs réduit contrairement aux années passées.
Le confort et les prix
Les chauffeurs sont méfiants. Et refusent de divulguer leurs tarifs quand nous leur demandions. Quelques minutes plus tard, un avion vient d’atterrir. Une vague de personnes valises en mains migrent vers le parking. La majorité attendent leurs proches. Certains se dirigent directement vers la gare Ivoire taxi. De l’autre côté, les chauffeurs de taxi rouge orangé vont vers la clientèle. « Chaque fois que je reviens sur Abidjan, je préfère les taxis compteurs même s’ils sont un peu trop chers, ce n’est pas grave. L’essentiel s’est de rentrer chez soi », avance Christian Akré qui a vécu, dit-il, une mauvaise expérience avec les Taxis estampillés « Ivoire ». « Désormais, j’opte pour les taxis compteurs », fait-il savoir.
« Si vous voyez les gens aller beaucoup vers Ivoire taxi, c’est parce qu’ils apprécient le confort. En plus du confort, vous avez l’opportunité de, vous connectez à leur wifi interne. Il y a tout ça qui comptent aussi », informe Souleymane, un bagagiste à l’aéroport.
En dépit des taxis qui font la loi des prix, un grand nombre de véhicules sur commande font leur percée dans cette zone. Histoire de facilité le déplacement des voyageurs et leur sécurité. Et plusieurs d’entre eux disposent d’une agence au sein de l’aéroport d’Abidjan.
Une affaire compliquée pour les indésirables
Quant aux autres taxi-compteurs, leur présence à l’aéroport est question à de nombreux questionnements. Les gendarmes ne permettent pas qu’ils garent dans les environs. Et même qu’ils prennent des clients aux abords de l’aéroport. Tout contrevenant subit le courroux des agents de la marée chaussée. Confiscation de pièces de véhicules, intimidation, racket sont le lot de peines à leur endroit. « Nous nous méfions de l’aéroport et surtout des gendarmes qui ne nous font pas de cadeau », indique N’guessan Louis. Pour un gendarme qui a gardé l’anonymat, « la sécurité des lieux nous incombe. Pour cela, nous devons mettre de l’ordre », clame-t-il. « Nous ne rackettons personne, les indélicats payent ce que recommande la loi. C’est tout ! », tranche le gendarme.
En vérité, ce phénomène est loin de prendre fin. C’est un système bien ficelé dans lequel les non-initiés n’y peuvent rien. Les associations de consommateur ont beau réclamé des tarifs plafonnés, rien n’y fit ! Les taxis compteurs sous l’alibi de payer des droits aux agents de force de l’ordre continuent de faire la loi.
Bekanty N’ko