Une personne qui n’a jamais été à l’école ou n’a jamais reçu un enseignement de la lecture et de l’écriture est un analphabète. L’Unesco fait de l’alphabétisation un outil au service du développement économique. La Côte d’Ivoire n’est pas en reste. Notre reportage !
L’alphabétisation des populations adultes est une nécessité pour les pays en quête du développement. En Côte d’Ivoire, les différents gouvernements qui se succèdent se sont toujours engagés à réduire de manière considérable l’analphabétisme des populations. A cet égard, la politique nationale d’alphabétisation des adultes a plusieurs fois subi des reformes. L’objectif a toujours été d’accroitre significativement l’offre d’alphabétisation en faveur des adultes pour toucher un grand nombre d’individus.
Cependant, l’analyse de la situation montre que le nombre de centres, de projets et programmes ainsi que les ressources mises à la disposition de cette action ne sont pas suffisants. L’initiative privée, peut être une solution pour l’Etat.
Nous sommes à Kafigué, village situé à six kilomètres de Korhogo, la capitale de la région du Poro. Dans l’enceinte de l’Eglise pour la messe, le prête est absent. Et, c’est Yéo Siriki, le catéchiste permanent, qui fait la liturgie de la parole. Il ne s’arrête pas à enseigner seulement la parole de Dieu.
Après le culte, nous le retrouvons dans la cour de l’Eglise. Avec lui, six personnes sur des tables de fortune, ardoise en main. « Je leur apprend à lire et à écrire », affirme-t-il, apparemment fier. « Je les encadre depuis un mois et je suis fier de leur progression », se réjouit-il.
Le résultat est perceptible. Le cours du jour consistait à former des mots avec quatre lettres de l’alphabet tirées au hasard.
« Je suis le premier responsable de la coopérative de notre village, et j’estime qu’un dirigeant doit savoir lire et écrire », affirme Soro, un des apprenants.
Les raisons qui poussent les gens à vouloir se former sont diverses. Fatoumata se rend régulièrement à Abidjan. Elle trouve que c’est utile pour pouvoir s’orienter, se renseigner et surtout utiliser le portable sans assistance. Pour Katié, cela permet de se repérer quand on est hors de sa localité. Quant à Mama, qui vend ses récoltes au marché, elle estime que cela lui permet de mieux communiquer avec les éventuels acheteurs. « J’apprends à lire et écrire CP1 » est le manuel utilisé pour les cours. L’apprenant doit aussi se munir d’une ardoise et d’un cahier double ligne.
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Grâce à l’initiative privée de ce natif de Nangounkaha, village de la sous-préfecture de Karakoro, ces apprenants arrivent à atteindre leur objectif. Yéo Siriki n’a pas eu la chance de faire de grandes études. Sorti du système en troisième et détenteur du Bepc, ce volontaire n’a rien perdu de sa passion. Celle d’enseigner. Il a commencé par donner les cours à domicile.
Il décroche un poste de vigile au Collège Don Bosco de Korhogo. Très actif, il devient un animateur de la catéchèse à l’Eglise Saint Jean Bosco. Catéchiste, président de chorale, balafoniste, Yéo se voit confier l’encadrement de la communauté catholique naissante de Kafigué.
La suite on la connait. « En voyant toutes ces vieilles personnes qui viennent chaque dimanche pour la messe, je me suis dit que je pouvais faire quelque chose pour elles. C’est ainsi que l’idée m’est venue de leur apprendre à lire et à écrire », se souvient-il. Pour une somme de 1000 Fcfa, les apprenants ont droit à trois séances de deux heures chacune dans la semaine.
« Je les enseignais pendant 30 minutes après la messe du dimanche et cela concernait uniquement que les fidèles catholiques. Or, ils viennent de Takaly, Gnègakaha et de Kafigué. Ceux de Takaly m’ont proposé d’aller leur donner les cours chez eux au village. J’ai donc constitué deux groupes. Un à Takaly et l’autre à Kafigué », précise l’enseignant. Maintenant des non catholiques ont rejoint le groupe.
Une initiative que l’Etat doit encourager. L’enseignant lui-même a besoin d’encadrement. « Transformer les espaces d’apprentissage d’alphabétisation » était le thème de la célébration officielle de la Journée internationale de l’Alphabétisation qui a eu lieu les 08 et 09 septembre 2022, à Abidjan. Si la satisfaction était au rendez-vous à cause de l’évolution de manière positive du taux d’analphabétisme général, beaucoup reste à faire. Et le cas de Yéo Siriki peut être une solution si l’Etat encourageait ce genre d’initiative. Vivement.
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Sékongo Naoua