Publié le 4 avril, 2022

S’il y a une question à laquelle nos chauffeurs de taxis-compteurs répondent sans gros efforts, c’est celle-ci : « Entre les hommes et les femmes qui sont ceux qui n’ont pas de pièces d’identité lors des contrôles des agents de force de sécurité pendant les nuits ?». Les conducteurs répondront sans ciller : « les femmes ! ». Ils préciseront même que ce sont les jeunes filles entre 18 à 25 ans. Pourquoi ? Est-ce le manque de moyen financier, les difficultés pour constituer leur document ou la négligence ?  Voiedefemme.net est allé en savoir davantage. Reportage.

Ça ne fait aucun doute, les jeunes filles manquent de pièces d’identité en Côte d’Ivoire. On le sait, dans de nombreux pays en Afrique, avoir une pièce d’identité est un processus complexe qui nécessite plusieurs documents officiels. C’est pourquoi de nombreuses personnes, notamment les femmes, ont des difficultés pour se faire confectionner la Cni.

La nuit tombée

Il est 22 h, ce samedi 2 avril 2022, en zone 4-rue de canal. Une file de véhicules au ralentie attire notre attention. Au bout, un check point dressé par les policiers. Un contrôle routier d’identité. On s’approche. Sur le bas-côté de la voie, deux jeunes filles vêtues en robe de soirée parlementent avec un agent de sécurité. On avance pour en savoir un peu plus. Des discussions entre les deux parties, une affaire de pièces d’identité que n’auraient pas ces jeunes filles. Non loin de ce groupe, une dame, la trentaine, teint claire est face, elle aussi à un agent de la police. Descendue du taxi-compteur qui l’amenait à une de ces soirées du quartier chic de Zone 4, elle n’a, malheureusement, pas de carte d’identité, pas de passeport, pas de carte professionnelle… un vrai scandale. Pourtant, les agents des forces de l’ordre sont habitués à de telles situations.

‘’Sur 10 taxis arrêtés, 70 %, des jeunes filles n’ont pas de pièces d’identité’’, informe le Sergent-chef Koffi en faction en ce lieu. Selon lui, elles ont toujours les mêmes refrains : ‘’mes papiers sont en cours’’ ou encore ‘’ je les ai perdus’’ et même parfois ‘’Je l’ai laissé à la maison’’.  Un prétexte, coupe-t-il, qui ne tient plus vu les facilités faites par l’Etat pour alléger la procédure d’obtention de la Cni.

Une pièce importante !

L’obtention d’un emploi, l’ouverture d’un compte bancaire, le voyage à l’étranger, le vote, l’accès aux soins et à la protection sociale…tous les aspects de la vie moderne exigent qu’on ait une pièce d’identité. Pourtant, plus de 10 millions d’Ivoiriens, dit-on, ont du mal à avoir leur pièce d’identité. Les femmes et les jeunes filles sont touchées par ce phénomène.

Maïga Salimata, lycéenne en classe de terminal, n’a ni sa carte d’élève ni sa carte d’identité. Elle l’aurait égaré après une soirée dansante, clame-t-elle. Quand, un agent de police, lui demande de présenter une pièce, elle est obligée de « parler français » ou « rentrer dans le contexte » pour continuer son chemin avec son chauffeur de taxi qui commence à perdre patience.

Comme elle, chaque nuit, sur le tronçon Angré-Abobo-Belleville, de nombreuses jeunes filles sont la cible privilégiée des policiers qui ne manquent pas au carrefour « Power » et qui les intimident avec leur cargo garé dans le noir loin des yeux des curieux.  

« Vous avez des grands portables et c’est vous qui n’avez jamais de pièces, descendez mademoiselle, vous allez monter dans le véhicule. On vous envoie au district. », lance un policier de Crs à une jeune dame bien habillée avec une coiffure apparemment onéreuse. Cette phrase, pour ceux qui empruntent chaque nuit cette voie, ils ont dû l’entendre mille et une fois.

« Si j’avais le choix, je refuserais d’emprunter le même taxi que les jeunes filles les nuits. Elles n’ont presque jamais de pièces pour être identifiées. Et cela nous retarde chaque fois », raconte Claude Guimi, un vendeur. Même son de cloche pour Mamadou Konaté, un chauffeur de taxi. « Avec les filles c’est difficile. Je suis obligé de leur demander si elles ont leur Cni avant de monter dans mon véhicule. Sinon, je suis sûr de perdre le temps avec les policiers », fulmine-t-il avant d’ajouter qu’elles « ont des grands portables, des mèches qui coûtent chères… mais, elles n’ont jamais 5000 Fcfa pour faire ce document important ».   

45 % des femmes adultes, ne possèdent pas de carte nationale d’identité

Selon des statistiques, 45 % des femmes adultes, ne possèdent pas de carte nationale d’identité ou autre document similaire. Les causes évoquées officiellement sont, entre autres, la pauvreté et les difficultés. On peut y ajouter la négligence. « Les 2 milles ou 3 milles que vous payez chaque fois-là, si vous calculez ça, vous allez vous précipiter pour aller faire votre carte d’identité », reproche, en colère, M. Sahi.

Quant à l’adjudant Adou il est interloqué face à cette situation. ‘’l’automatisation de la femme commence par ces aspects-là. Comment ça se fait que c’est toujours vous jeunes, la révèle de demain qui négliger de faire ces papiers-là avec toutes ces bases de l’Oneci qui pullulent à Abidjan’’, blâme-t-il.

On a beau le dire, on a beau les conseiller, les filles ne font l’effort de remédier à cette situation. « Pour avoir nos papiers au village ce n’est pas facile », répondent-elles en chœur chaque fois que l’on demande pourquoi, elles n’ont pas une pièce d’identité. Face à cette situation de sans papier, les policiers et autres gendarmes, lors de leurs contrôles les nuits, ne se privent pas de les racketter. Une habitude qui est à décrier tout de même. Sauf que, pour les filles, entre se faire embarquer dans un cargo pour le district de police ou payer quelque chose aux policiers, elles choisissent la seconde option.   

Mam Ouattara

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